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ASSEMBLÉE NATIONALE. SÉANCE DU 4 AOUT.

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Dès le commencement de la séance, M. Brissot demanda que le rapport sur l'affaire La Fayette fût fait dans deux jours. Cette proposition fut décrétée. Un secrétaire donna ensuite lecture des arrêtés de la section Mauconseil, que nous avons insérés dans la narration du mois précédent. Quand vous avez proclamé le danger de la patrie, s'écria Rouyer, vous avez voulu jeter un cri de ralliement et non de désespoir. Vous avez à examiner la question de la déchéance; mais, jusqu'à ce que votre jugement soit rendu, toute autre puissance doit se taire. Je demande donc que l'assemblée improuve et annulle l'arrêté pris par cette section. Ensuite Cambon parla au nom de la loi. Il fit ordonner un rapport de la commission des douze, destiné à rappeler le peuple aux vrais principes, et à l'éclairer sur les intrigans qui le poussent à sa ruine. Cette commission s'en occupa sur-le-champ, et Vergniaud, en son nom, vint, séance tenante, proposer d'annuler, comme inconstitutionnel, l'acte de la section Mauconseil ; ét céla fut décrété aussitôt sans autre discussion.

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«La section Mauconseil, dit Condorcet dans la Chronique de -Paris, qui certainement veut le bien de la patrie, verra que cet arrêté n'est pas moins hors des circonstances, en ce que le vœu des quarante-huit sections de Paris, légalement exprimé sur la déchéance, tend bien plus efficacement au résultat qu'elle se propose, que contraire à l'intérêt public, en ce que d'après son exemple il n'est aucune section du royaume qui ne pût se croire autorisée à abjurer telle autre partie du serment constitutionnel qu'il lui plairait, et qu'alors la désorganisation de l'empire serait la suite infaillible de ces mouvemens irréguliers et contraires.

› L'insurrection est la dernière ressource des peuples opprimés. Elle est un devoir sacré, quand il n'y a pas pour eux d'autre moyen de se sauver; mais un peuple qui a des représen-` tans demeurés fidèles, et qui, par leur organe, peut toujours proposer, ou même déterminer les mesures de salut que les circonstances exigent, court lui-même à sa ruine, s'il préfère à

ces moyens d'action tempérés par la loi, des moyens dont l'illégalité seule serait capable de faire avorter tout le fruit. » (Chronique, n° CCXIX.)

Ce ne fut cependant ni la décision de l'assemblée, ni l'improbation de quelques journaux, qui empêcha la section Mauconseil d'agir, ainsi qu'elle l'avait résolu, le lendemain dimanche. Elle suspendit sa démarche par d'autres motifs que nous ferons bientôt connaître, lorsque nous rendrons compte de ce qui se passait dans Paris.

Au reste, une autre occasion de blâme se présenta dans la même séance. Mais laissons parler le Moniteur.

La section des Gravilliers est admise à la barre.

L'orateur de la députation. Le maire de Paris vous a exposé hier à la barre les crimes de Louis XVI. Les trente mille citoyens de la section des Gravilliers ont voté en connaissance de cause, à trois reprises différentes, toujours à l'unanimité, la déchéance du roi. Déjà ce vœu a été répété par quarante-six sections de la capitale. Les cas de déchéance sont renfermés dans la Constitution; mais elle ne s'est pas expliquée sur la forme dans laquelle elle sera déclarée. Aux termes de cette même Constitution, aucune peine ne peut être prononcée que par un juré de jugement, et il ne peut être mis en accusation que par un juré d'accusation. C'est vous qui êtes ce juré ; et nous vous demandons de déclarer sur-le-champ qu'il y a lieu à accusation contre Louis XVI. Nous vous laissons encore, législateurs, l'honneur de sauver la patrie; mais si vous refusez de le faire, il faudra bien que nous prenions le parti de la sauver nous-même. (Une partie de l'assemblée et les tribunes applaudissent.)

La section traverse la salle au milieu des applaudissemens. M. Girardin à la tribune. Je demande l'impression et l'envoi aux quatre-vingt-trois départemens. Il est utile que nos commettans sachent qu'une section de la capitale veut bien permettre au corps-législatif de sauver l'empire. Il faut que l'assemblée fasse respecter la souveraineté du peuple, ou qu'elle s'ensevelisse sous les coups des factieux. (Les tribunes poussent des huées.)]

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

La séance du soir fut en grande partie occupée par une discussion sur une communication du ministre de la guerre. Il annonçait que les deux bataillons des gardes suisses, qui avaient quitté Paris, avaient été casernés à Cambrai, sauf trois cents hommes détachés, dans le département de l'Eure, pour surveiller la libre circulation des grains. - Pourquoi ce corps Pourquoi ce corps n'est-il pas licencié, disait Thuriot; pourquoi, disait Guadet, n'est-il pas sur les frontières. On proposa de mander le ministre. Enfin on passa à l'ordre du jour.

SÉANCE DU 5 AOUT.

[ M. Guadet notifie, les adresses des communes d'Alençon, de Briançon, qui ont pour objet la déchéance du roi.

N..... présente, au nom du comité des pétitions, la notice des adresses envoyées par un très-grand nombre de corps administratifs et de communes. Toutes ont pour objet de fixer l'attention de l'assemblée sur les trahisons multipliées du pouvoir exécutif, et de demander la déchéance du roi ou sa suspension, motivée sur ce qu'il ne peut pas diriger une guerre dont il est le principal objet.

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Ces adresses contiennent encore l'énonciation d'un très-grand nombre de dons patriotiques. On remarque celui de M. Brann négociant étranger, qui a envoyé au général Broglie deux mille florins pour une fabrication de piques.

Des citoyens de la section de la Bibliothéque, admis à la barre, désavouent l'adresse relative à la déchéance du roi ; ils annoncent avoir consigné ce désaveu dans un arrêté pris dans une assemblée légalement convoquée, et composée de cent soixante-dixhuit personnes, et le fondent sur ce qu'ils n'ont pas trouvé des traces de la nomination des commissaires qui ont concouru, au nom de cette section, à la rédaction de l'adresse de la commune de Paris. Ils sont fréquemment interrompus par les murmures des tribunes.

M. Vaublanc. Souffrir que toutes les fois que la Constitution

est invoquée, cette sainte invocation soit à l'instant couverte par des clameurs forcenées, c'est être parjure, (Mêmes rumeurs.) L'assemblée nationale ne peut souffrir plus long-temps de telles indignités sans se rendre complice. (Les murmures se prolongent et couvrent la voix de l'orateur. Les membres du côté droit quittent leurs places, et demandent à grands cris l'évacuation des tribunes. Plusieurs sortent de la salle.)

M. le président donne des ordres au commandant de garde. Les cris de la partie droite continuent.

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M. Vaublanc. Je vous prie, monsieur le président, de rappeler sévèrement à leurs devoirs les membres de l'assemblée qui répondent à des clameurs par d'autres clameurs plus indécentes encore; ce n'est pas ainsi qu'on se fait respecter... Je disais qu'il était temps que l'on connût la ferme résolution où vous êtes de maintenir la Constitution, et que si vous souffriez encore les indignités qui trop souvent jusqu'ici ont fait retentir cette voûte sacrée, bientôt la France se demanderait avec effroi : quel est le but secret de tant de faiblesse ? Ce n'est pas en cédant aux clameurs des tribunes et en trahissant ainsi lâchement nos devoirs, que nous donnerons aux braves défenseurs de la patrie l'exemple du courage qui doit animer les citoyens combattant pour la liberté. Pour moi, je le déclare, si je ne puis énoncer ici librement mon opinion, j'irai mourir libre aux frontières; je déclare que tant que la liberté la plus entière ne régnera pas dans cette enceinte, je ne verrai nulle part la liberté publique. L'exercice de la souveraineté nationale est confié à des délégués du peuple; il faut qu'ils aient la liberté de voter, ou la souveraineté nationale est anéantie. Si donc ces vociferations continuent, je ferai, non pas avec des clameurs, mais froidement, la motion de quitter Paris. (Il s'élève quelques applaudissemens et quelques murmures.) Ce parti ne sera pas celui de la crainte; le courage d'un représentant du peuple doit être calculé sur ses devoirs, il diffère de celui du soldat; celui-ci s'expose à tous les périls; le représentant du peuple, au contraire, doit avant tout conserver sa liberté, parce que sans elle la liberté du peuple

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n'existe pas. Ainsi, je soutiens qne ce sera par un acte de courage que vous quitterez Paris, si vous vous apercevez que le peuple de cette ville veut vous maîtriser, et si les tribunes continuent à insulter, par leurs clameurs, et à la souveraineté nationale et aux lois constitutionnelles, sans lesquelles vous ne seriez rien, et la liberté qu'ane chimère. Je demande que le rapport préparé par la commission extraordinaire sur les tribunes, sur. l'ordre de vos séances, soit fait demain.

M. Boistard. Les législateurs ne quitteront pas Paris, parce qu'il y aurait une lâcheté de leur part à abandonner une ville où ils ne manqueront pas de moyens de faire respecter leur caractère, et de maintenir leur indépendance. Les législateurs ne déserteront pas leurs postes sous le prétexte de se rendre à l'armée. Il serait trop beau de périr sur la brèche. Ils doivent rester ici pour défendre avec toute la fermeté dont ils sont susceptibles, les droits dont le peuple leur a confié l'exercice; et si nous devons mourir pour la liberté, notre mort sera plus belle ici qu'aux frontières. (On applaudit.) J'appuie da reste la proposition de M. Vaublanc, en ce qui concerne le rapport sur l'ordre de vos séances.

La proposition de M. Vaublanc est adoptée.

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M. Brissot. Je demande la parole pour un fait. La section de la Bibliothéque, autrement dite des Filles-Saint-Thomas, laquelle j'appartiens, renferme deux parties, l'une respectable offre un grand nombre de patriotes, de ces hommes que l'on désigne sous le nom de Sans-Culottes ; l'autre, qui est la partie gangrenée de la section, est composée de financiers, d'agens de change, d'agioteurs, qui, depuis le commencement de la révolution, ont plus nui aux succès de la liberté que les armes prussiennes et autrichiennes. C'est de ce foyer de contre-révolution de la rue Vivienne qu'est sortie la réclamation qu'on vient de lire. On a avancé que les commissaires qui ont concouru, au nom de cette section, à la rédaction de l'adresse de la commune de Paris, n'avaient pas de pouvoirs. Ils sont présens et demandent à être admis à la barre pour démentir cette inculpation. L'assem

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