Page images
PDF
EPUB

heurs publics. Eh! qu'est-ce que des dangers personnels pour un roi à qui on veut enlever l'amour du peuple ! C'est là qu'est la véritable plaie de mon cœur. Un jour, peut-être, le peuple saura combien son bonheur m'est cher, combien il fut toujours et mon seul intérêt et mon premier besoin. Que de chagrins pourraient être effacés par la plus légère marque de son retour! Signé Louis. Et plus bas, BIGOT Sainte-Croix.

Plusieurs membres demandent l'impression de ce message. M. Lacroix. Je demande le renvoi à la commission, et l'ordre du jour sur l'impression; mes motifs sont que l'imprimerie-royale s'en occupe déjà sûrement, et qu'il est inutile d'en faire deux éditions; enfin, qu'il importe qu'on ne fasse de l'argent de la nation que de bons usages.

M. Ducos. Ce n'est pas pour épargner des misérables frais d'impression que j'appuie la question préalable demandée par M. Lacroix; mais c'est parce qu'elle exprime des sentimens dont le roi n'a pas donné de gages ni de garantie suffisans; parce que si nous disions aujourd'hui à la nation : vous pouvez compter sur le roi, peut-être, quelques temps après, nous serions forcés à un douloureux désaveu. Ce n'est pas par des lettres, c'est par des actions que le roi doit faire l'acte formel de résistance que la Constitution lui prescrit contre des ennemis qui ne nous font la guerre que pour lui et en son nom. (On applaudit.)

M. Isnard. Le langage du roi fut toujours constitutionnel; mais je n'apprécie que les faits, et rien que les faits constatés: or, qu'a fait le roi pour arrêter le plan de contre-révolution qui couvre la France, et se ramifie dans les cours étrangères? Rien. Je le prouve. (Il s'éleve des murmures dans le ci-devant côté droit.) Je ne sais pas, messieurs, par quel aimant vous êtes attirés sans cesse vers la cour.

M. Champion. Et vous, messieurs, êtes vendus aux Anglais. M. Isnard. Monsieur le président, je denonce à l'assemblee, à à la nation entière, M. Champion l'exécrable, qui me dit que je suis vendu aux Anglais. Malheureux! ouvre mon cœur, et tu verras s'il est Français !... Je continue.

Le roi aurait dû sévir contre une noblesse factieuse, et il lui a prodigué les places dont il dispose.

Ce sont les prêtres les plus rebelles à la Constitution qui sont fonctionnaires dans son église.

Des émigrés s'arment contre la patrie, des fanatiques tentent d'allumer la guerre civile ; des malveillans parcourent le royaume pour fomenter des troubles; nous proposons des lois répressives, il les réfuse, ou en retarde deux mois la sanction.

Le roi s'était entouré d'une garde dont l'organisation était illégale, et l'esprit contre-révolutionnaire; nous l'avons licenciée; il a connu ses délits, et il lui a témoigné de la reconnaissance.

Des corps administratifs ont violé la Constitution; au lieu de sévir contre eux, il a publié leurs arrêtés, et propagé leurs principes.

Une armée délibère; le général le permet, il quitte son poste, et le roi ne le désapprouve pas.

Tous ses ministres devaient être d'un civisme irréprochable; et cependant, ceux que l'on accuse lui ont paru (d'après sa lettre au corps législatif) les plus estimables. Ceux qui ont emporté les regrets de la nation ont mérité sa haine ; et depuis son règne constitutionnel, le ministère est livré à une fluctuation qui suffirait seule pour désorganiser le gouvernement.

Il doit avoir de l'ascendant sur l'esprit des princes, ses parens; et ce sont eux qui ont provoqué contre nous le concert des puis

sances.

Pour qui s'arment ces cours? Pour lui. Que nous demandentelles? De le rétablir despote. C'est même en son nom que tous nos ennemis agissent. S'est-il, d'après la Constitution, opposé à leurs entreprises par des actes formels? C'est, messieurs, ce qué vous devriez juger, au lieu de crier.

Depuis plus d'un année il a connaissance du traité des puissances contre la France, et il n'a pas fait tout ce qui était en lui pour le rompre, pour nous procurer des alliés, pour mettre l'empire en état de défense.

A la veille de la guerre, plus de cinquante mille hommes man

quaient dans les troupes de ligne; ses ministres nous dirent que, le 10 février, cent cinquante mille hommes pourraient attaquer l'ennemi, et au mois de mai rien ne fut prêt.

Après la guerre déclarée, la nation s'est presque trouvée sans armes, sans munitions, sans chevaux, sans approvisionnemens. Au lieu de faciliter la nouvelle levée de troupes, l'achat et la fabrication des armes, on a tout entravé.

Un camp devait être formé à Soissons, et rien n'est préparé pour son organisation.

Le plan de guerre jusqu'à ce jour a été combiné de manière que nos braves soldats ont toujours combattu contre des forces supérieures.

Le Brabant nous appelait, et déjà victorieux nous l'avons évacué; en abandonnant le malheureux Belge, nos avons incendié le toit de ses pères; enfin, on dirait que le roi des Français venge par la flamme la cour de Vienne de l'insurrection belgique; et que le roi de Hongrie venge par le fer la cour des Tuileries de l'insurrection française.

Voilà, messieurs, des faits qui contrastent entièrement avec la lettre du roi, et s'opposent à son impression.

L'assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'im

pression.

Une députation de la commune, ayant M. Pétion à sa tête, est introduite à la barre.

M. Pétion. Législateurs, c'est lorsque la patrie est en danger que tous ses enfans doivent se presser autour d'elle; et jamais un si grand péril n'a menacé la patrie. La commune de Paris nous envoie vers vous; nous venons apporter dans le sanctuaire des lois le vœu d'une ville immense. Pénétrée de respect pour les réprésentans de la nation, pleine de confiance en leur courageux patriotisme, elle n'a point désespéré du salut public; mais elle croit que, pour guérir les maux de la France, il faut les attaquer dans leur source et ne pas perdre un moment. C'est avec douleur qu'elle vous dénonce par notre organe le chef du pouvoir exécutif. Le peuple a sans doute le droit d'être indigné contre lui; mais

le langage de la colère ne convient point aux hommes forts. Contraints par Louis XVI à l'accuser devant vous et devant la France entière, nous l'accuserons sans amertume comme sans ménagemens pusillanimes. Il n'est plus temps d'écouter cette longue indulgence qui sied bien aux peuples généreux, mais qui encourage les rois au parjure; et les passions les plus respectables doivent se taire quand il s'agit de sauver l'État.

Nous ne vous retracerons pas la conduite entière de Louis XVI depuis les premiers jours de la révolution, ses projets sanguinaires contre la ville de Paris, sa prédilection pour les nobles et les prêtres, l'aversion qu'il témoignait au corps du peuple, l'assemblée nationale constituante outragée par des valets de cour, investie par des hommes armés, errante au milieu d'une ville royale, et ne trouvant d'asyle que dans un jeu de paume. Nous ne vous retracerons pas des sermens tant de fois violés, des protestations renouvelées sans cesse, et sans cesse démenties par les actions, jusqu'au moment où une fuite perfide vint ouvrir les yeux aux citoyens les plus aveuglés par le fanatisme de l'esclavage. Nous laisserons à l'écart tout ce qui est couvert du pardon du peuple; mais le pardon n'est pas l'oubli. Vainement d'ailleurs nous pourrions oublier tous ces délits; ils souilleront les pages de l'histoire, et la postérité s'en souviendra.

Cependant, législateurs, il est de notre devoir de vous rāppeler en traits rapides, les bienfaits de la nation envers Louis XVI, et l'ingratitude de ce prince. Que de raisons pouvaient l'écarter du trône au moment où le peuple a reconquis la souveraineté ! La mémoire d'une dynastie impérieuse et dévorante, où l'on compte un roi contre vingt tyrans, le despotisme héréditaire s'accroissant de règne en règne avec la misère du peuple, les finances publiques entièrement ruinées par Louis XVI et par ses deux prédécesseurs, des traités infâmes perdant l'honneur national, les éternels ennemis de la France devenant ses alliés et ses maîtres voilà quels étaient les droits de Louis XVI au sceptre constitutionnel. La nation, fidèle à son caractère, a mieux aimé être généreuse que prudente : le despote d'une terre

esclave est devenu le roi d'un peuple libre; après avoir tenté de fuir la France, pour régner sur Coblentz, il a été replacé sur le trône, peut-être contre le vœu de la nation qu'il aurait fallu consulter.

Des bienfaits sans nombre ont suivi ce grand bienfait. Nous avons vu, dans les derniers temps de l'assemblée constituante, les droits du peuple affaiblis, pour renforcer le pouvoir royal; le premier fonctionnaire public devenu représentant héréditaire, une maison militaire créée pour la splendeur de son trône, et son autorité légale soutenue par une liste qui n'a d'autres limites que celles qu'il a bien voulu lui prescrire.

Et bientôt nous avons vu tous les bienfaits de la nation tournés contre elle. Le pouvoir délégué à Louis XVI pour maintenir la liberté s'est armé pour la renverser. Nous jetons un coupd'œil sur l'intérieur de l'empire. Des ministres pervers sont éloignés par la force irrésistible du mépris public; ce sont eux que Louis XVI regrette. Leurs successeurs avertissent la nation et le roi du danger qui environne la patrie; ils sont chassés par Louis XVI, pour s'être montrés citoyens. L'inviolabilité royale et la fluctuation perpétuelle du ministère éludent chaque jour la responsabilité des agens du pouvoir exécutif. Une garde conspiratrice est dissoute en apparence; mais elle existe encore : elle est encore soudoyée par Louis XVI, elle sème le trouble et mûrit la guerre civile. Des prêtres perturbateurs, abusant de leur pouvoir sur les consciences timides, arment les enfans contre les pères; et, de la terre sacrée de la liberté, ils envoient de nouveaux soldats sous les drapeaux de la servitude. Ces ennemis du peuple sont protégés par l'appel au peuple, et Louis XVI leur maintient le droit de conspirer. Des directoires de départemens coalisés osent se constituer arbitres entre l'assemblée nationale et le roi. Ils forment une espèce de chambre haute éparse au sein de l'empire; quelques-uns même usurpent l'autorité législatrice; et, par l'effet d'une ignorance profonde, en déclamant contre les républicains, ils semblent vouloir organiser la France en république fédérative. C'est au nom du roi qu'ils al

« PreviousContinue »