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ASSEMBLÉE NATIONALE. SÉANCE DU 2 AOUT.

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Le ministre de la guerre, Dabancourt, annonce le choix de Custine, Charton, Servan et Beauharnais, pour commander au camp de Soissons; et dénonce un crime abominable qui s'est commis dans la manipulation du pain, où des malveillans avaient mis du verre. Louis-Philippe-Joseph, prince français, se plaint de la défense qui lui a été faite par le roi, de servir comme volontaire dans l'armée de Luckner, et du refus de l'employer dans son grade d'amiral.-La municipalité de Paris transmet son arrêté proscrivant toute autre cocarde que celle militaire. Lacroix fait sentir le danger qui résulterait si chaque municipalité s'arrogeait le droit de faire des réglemens sur cet objet; il fait rendre un décret portant l'autorisation de porter toute espèce de cocarde, pourvu qu'elle soit aux couleurs nationales. — Guadet fait décréter, en faveur des militaires étrangers qui abandonneront leurs drapeaux, une pension viagère de 100 liv., l'admission au titre de citoyen, et la liberté de prendre ou de refuser du service dans les armées françaises.

SÉANCE DU 2 AOUT AU SOIR.

[Des grenadiers de la section de Saint-Jacques-l'Hôpital sont admis à la barre. Législateurs, les sections de la capitale s'assemblent pour demander la suppression des grenadiers de la garde nationale parisienne. Le conseil-général de la commune doit se réunir pour prendre un arrêté à cet égard. Mais c'est par une loi que nous devons être supprimés ; et nous venons vous la demander cette loi qui nous supprime nous, et tous les grenadiers de l'empire. Nous avons toujours rempli nos devoirs avec exactitude, et nous jurons tous de nous soumettre à la loi que vous porterez, parce que nous sommes esclaves de la loi. (On applaudit.)

Une députation des volontaires de la ville de Marseille est admise à la barre.

L'orateur de la députation. Nous venons, au nombre de cinq

cents, acquitter le serment des citoyens de Marseille, de combattre pour la liberté. ( On applaudit.) Mais la liberté n'est pas le roi, et lorsque nous allons verser notre sang, il nous importe de savoir si c'est pour la défense de la liberté, ou pour les intérêts de Louis XVI. La vie des hommes n'est jamais comptée pour rien dans les cabinets des cours; nous le savons, les despotes ont une autre manière de combattre que par la force des armes. Mais le genre de guerre qui convient aux despotes ne convient pas au peuple français. ( La partie gauche applaudit. )

Législateurs, si nous sommes trahis, nous espérons que vous aurez la bonne foi de nous le dire, pour que, exerçant les droits que lui donne sa souveraineté, la nation se délivre du roi par la manifestation éclatante de la volonté nationale. ( Les applaudissemens recommencent.) Le nom de Louis XVI ne nous rappelle plus que des idées de trahison. Hâtez-vous donc d'en prononcer la déchéance, et lorsque le peuple est égorgé par la cour, sauvezle par la Constitution. Les ministres vous ont trompés dans le rapport qu'ils vous ont fait de l'état de nos forces et approvisionnemens, et il n'y a pas encore contre eux de décret d'accusation! Terrier a envoyé dans les départemens des libelles inconstitutionnels, et Terrier n'est pas en état d'accusation! Champion a fait aussi une proclamation où il provoque les citoyens de s'armer contre les citoyens. Jamais le patriotisme ne fut bien accueilli à la cour, qui fut toujours le refuge des amis du despotisme. Lorsque des citoyens furent assassinés sous le guichet du Louvre, les daines d'honneur ne vinrent pas leur essuyer le visage; le roi ne leur demanda pas de quel district ils étaient. (On applaudit dans la partie gauche. ) Le ministre de la justice n'écrivit pas à l'accusateur public pour lui enjoindre de venger la liberté individuelle outragée. Cependant les hommes qui furent alors assassinés étaient des Français; mais des Français patriotes. ( Mêmes applaudissemens.) Ici ce sont de ci-devant gardes du roi, et les maris des dames de la cour.

Et qu'importe qu'ils aient tenu des discours indécens contre la Constitution! qu'importe qu'ils aient frappé une femme et des

citoyens sans armes, auxquels les Marseillais s'efforçaient de porter des secours! qu'importe que ceux-ci, dînant paisiblement aux Champs-Élysées, aient été insultés, provoqués, attaqués! Cest alors que le roi, jouant le rôle de défenseur officieux des grenadiers des Filles - Saint-Thomas (On applaudit dans une grande partie de la salle et dans les tribunes.), s'efforce de poursuivre les Marseillais par-devant les tribunaux. Eh bien ! nous voulons qu'elle soit instruite cette terrible procédure, et en attendant que les tribunaux aient prononcé, nous resterons en otage à Paris; et comme nous avons autant de droit que les grenadiers des Filles-Saint-Thomas à garder l'assemblée nationale, nous demandons que votre garde de sûreté soit composée de trois cents hommes de chaque département. Au reste, nous sommes loin de nous plaindre de l'accueil que nous ont fait les citoyens de Paris; et si l'on en excepte les ci-devant gardes du roi, transformés en gardes nationaux, nous avons vu que nous n'avions ici que des frères. Nous vous prions de pourvoir à notre subsistance. (On applaudit.)

M. Bellegarde. Je demande l'impression et l'envoi aux quatrevingt-trois départemens.

M. Mazuryer. J'appuie la demande de l'impression, afin que Paris et la nation entière connaissent les circonstances de l'événement du 30 juillet dernier. Il s'agit de savoir si les Marseillais se sont rendus aux Champs-Élysées pour se rendre coupables de l'assassinat qu'on leur reproche, ou si les chevaliers de Coblentz y sont venus avec des intentions hostiles pour attaquer les volontaires de Marseille. Nous n'avons entendu encore que les plaintes amères des citoyens de la section des Filles-Saint-Thomas; nous n'avons encore entendu que la déclaration des gardes nationaux, alors en faction aux portes de la reine. Il importe que cette adresse soit imprimée pour que l'on connaisse la vérité; car les déclarations qui ont été faites en faveur des Marseillais, entre autres la déclaration d'un membre de l'assemblée, ont été dénaturées par les journalistes, et notamment par le Moniteur, qui a fait

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une réticence infàme (1). Les journalistes, dont nous sommes entourés, presque tous vendus à la cour, n'ont point rendu compte de la déclaration énergique des Marseillais.

Il importe que tout le monde sache quels sont ceux qui ont attaqué, et ceux qui n'ont fait que se défendre; je demande que la pétition des Marseillais soit imprimée et répandue dans Paris seulement: il faut prouver combien il est dangereux de s'en rapporter avec tant de confiance à certains juges-de-paix qui se permettent d'instruire des procédures avec une partialité qu'on ne şe serait pas même permise dans l'ancien régime.

M. Merlin. Les grenadiers des Filles-Saint-Thomas m'ont déjà rendu justice: j'étais présent à cette malheureuse affaire, et j'en ai sauvé plusieurs du carnage, entre autres, MM. Renaud de Saint-Jean-d'Angély, et Moreau de Saint-Méry; ainsi je ne dois pas leur paraître suspect. Je déclare donc que le narré fait par les Marseillais est exact dans tout son contenu. (

L'assemblée décrète l'impression de la pétition des Marseillais. M. Laporte. La liste civile a payé le dîner des grenadiers des Filles-Saint-Thomas; ils ont invité un chasseur à aller avec eux, en lui disant qu'il ne lui coûterait rien.

M. Girardin. M. Duhamel n'a jamais été garde du roi. Ce malheureux jeune homme laisse une femme enceinte et deux enfans. Il me semble qu'il appartient aux amis de la liberté, de l'humanité, de regretter la perte de citoyens tels que M. Duhamel, qui, depuis le commencement de la révolution, n'a cessé de donner des preuves de civisme. (On murmure.) Je demande donc que la pétition ne soit imprimée qu'après avoir été examinée par vos co

(1) Note du rédacteur de la séance du 30 juillet au soir.-ERRATA. N. CCXIV, page 901, première colonne, opinion de M. Gaston, après ces mots : «< un homme qui avait l'air d'un fort à bras les provoque de nouveau, » lisez : et tire sur l'un d'eux un coup de pistolet dont l'amorce brûle sans que le coup parte.

Le tumulte de cette séance, le sentiment pénible dont il était impossible de se défendre au récit d'une scène aussi affligeante, suffiront peut-être pour excuser l'omission d'un fait échappé à la plupart des journalistes, même à MM. Condorcet et Brissot, que M Mazuyer ne soupçonne pas sans doute d'être aux gages de la liste civile. CHARLES HIS.

mités, et que le rapport en aura été fait; autrement ce serait préjuger la question.

N... M. Girardin, qui nous a tant parlé du civisme de M. Duhamel, ignore sans doute que ce même M. Duhamel entretenait des correspondances avec Coblentz ; qu'on lui a trouvé dans ses poches des papiers qui attestent la vérité de ce que j'avance. Un grenadier de la garde nationale parisienne m'a dit avoir pris connaissance de ces pièces; si l'assemblée l'exige, je le nommerai.

M. Girardin. J'ignorais en effet que M. Duhamel entretînt des correspondances avec Coblentz. Il suffit que M. Duhamel ait été indignement assassiné, pour que je sois sensible à son malheur. Je demande que le préopinant dépose sur le bureau, et signe les pièces qu'il dit avoir été trouvées sur M. Duhamel.

L'assemblée passe à l'ordre du jour.

La séance est levée à onze heures.

Un grand nombre de citoyens de la section des Quatre-Nations se précipitent à la barre.

M. Duhem. Je demande que les députés reprennent leurs places, et qu'on écoute les pétitionnaires.

N... Comme une grande partie des députés s'est déjà retirée, et qu'il n'y a pas de président dans la salle, je demande qu'on aille dans les comités pour en chercher un.

Les citoyens des deux sexes entrent en foule dans la salle en criant: Vengeance! vengeance! on empoisonne nos frères !

N... Comme on ne trouve pas de président dans le comité, je demande que M. Dussaulx, président d'âge, occupe le fauteuil. M. Lasource. Les citoyens qui sont dans l'enceinte de la salle doivent rester calmes. (Les citoyens s'asseyent et font un grand silence.) Citoyens, tous les membres qui sont ici partagent votre indignation; ils demandent vengeance, comme vous, de l'attentat abominable commis contre nos malheureux frères qui volent à la défense de la patrie. Mais prenez garde, citoyens, les ennemis du bien public vous agitent; plusieurs de vous se sont même permis contre les députés des propos peu mesurés. Pensez donc

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