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• Le danger imminent où se trouvent nos contrées, nous a fait prendre l'arrêté suivant. Nous le soumettons à la sagesse de l'assemblée nationale, et nous espérons qu'elle voudra bien lui donner son approbation. >

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Extrait de la délibération prise le 26 juillet, par les corps administratifs réunis d'Aix et de Marseille.

Le conseil-général du département, vu la délibération prise, le 23, dans l'assemblée générale des corps administratifs et judiciaires, commandant de bataillons, évêque métropolitain, viceprésident de la société de Marseille; vu les lettres du département des Basses-Alpes et de M. Dubois-Crancé, les délibérations du conseil de la commune d'Aix, de l'administration du district, ainsi que les lettres du département de la Drôme et de l'étatmajor de l'armée du Midi à l'assemblée nationale; considérant que le rassemblement de soixante-dix mille hommes, formé dans les états du roi sarde, vers les frontières de nos départemens; que les préparatifs de cette armée ne laissent plus de doute sur l'invasion dont nous sommes menacés; que les avis du département des Basses-Alpes, qui réclame avec instance des secours, comme étant le plus exposé, ne permettent plus le moindre délai ; que la ville de Marseille est surtout désignée comme le théâtre du pillage, des meurtres, des incendies; que si, dans un péril aussi imminent, les administrateurs ne prenaient pas tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour prévenir ces malheurs, ils en deviendraient responsables à la nation entière; considérant, d'ailleurs, que l'état délabré des chemins exige de grandes avances, pour que le commerce ni les transports militaires ne soient interrompus, arrête: 1° de faire dans le département des Bouches-duRhône une levée de six mille volontaires nationaux, conformément à la loi du 8 de ce mois, pour renforcer l'armée du Midi ; et que, pour fournir à leur paiement, les avances seront faites, sur les ordonnances du conseil de département, par les caisses publiques; à l'effet de quoi, défenses sont faites à tous caissiers, trésoriers, receveurs de districts, de se dessaisir des revenus natio

naux qui sont entre leurs mains, sous peine d'en devenir responsables, et ce, conformément au vou des pouvoirs constitués et administratifs réunis de la ville de Marseille; 2° que cet arrêté soit envoyé aux départemens voisins, pour les inviter à prendre les mêmes mesures, et qu'il sera envoyé au corps législatif et au roi par un courrier extraordinaire. »

M. Cambon. Des arrêtés d'administrations de département, qui arrêteraient le versement des fonds dans les caisses publiques, mettraient véritablement la patrie en danger; il est essentiel que l'assemblée réprime un pareil abus d'autorité. Si l'assemblée nationale négligeait le soin urgent de défendre la patrie, le peuple, sans doute, devrait la sauver lui-même; mais ici elle a pris d'avance toutes les mesures propres à éloigner les dangers dont nous sommes menacés. Tout est réglé et déterminé, puisque vous avez donné aux généraux la réquisition des gardes nationales sédentaires. Si la mesure prise par le département des Bouches-du-Rhône pouvait être imitée par les autres, il en résulterait le renversement de la monarchie et de la Constitution, car bientôt la France serait divisée en quatre-vingt-trois républiques fédératives. Je demande donc que cet arrêté soit improuvé.

La proposition de M. Cambon est appuyée par plusieurs membres. D'autres observent que cet arrêté n'a été pris que sous la réserve de l'approbation du corps législatif.

L'assemblée renvoie cette arrêté à la commission extraordinaire, pour en être fait un rapport dans le jour.

On lit une adresse du département de la Marne, qui est ainsi conçue :

« Législateurs, une lutte violente s'est établie entre le pouvoir exécutif et les représentans du peuple; quelle sera l'issue de ce combat qui met la chose publique en péril? Si vous connaissez les traîtres, pourquoi ne frappez-vous pas leurs têtes coupables. Le pouvoir exécutif a tous les moyens de nuire; vous n'êtes forts que de la confiance publique, aussi ne néglige-t-il rien pour vous la ravir. Des libelles incendiaires sont répandus à pleines mains dans les départemens, tous les arrêtés inconstitu

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tionnels qui tendent à désapprouver vos décrets, de nombreux journaux qui ne respirent que la guerre civile, sont gratuitement distribués; et cependant rien de ce qui pourrait contrebalancer l'effet de ce poison ne nous arrive. La plupart des lois ne sont point officiellement connues; par exemple, l'honorable décret que vous avez rendu pour un ministre patriote, et que nous espérions consigner dans nos registres, ne nous est pas encore arrivé; il en est de même de votre adresse au peuple, de la lettre énergique du vertueux Roland; enfin, de tous les discours dont vous ordonnez l'impression et l'envoi dans les départemens. Le pouvoir exécutif met une négligence plus coupable encore dans les approvisionnemens de l'armée.

Législateurs, reconnaissez enfin les ennemis dont vous êtes environnés; quant à nous, si nous sommes obligés de faire un choix, le parti de nos représentans sera toujours le nôtre. »

MM. Cambon et Lacroix ajoutent quelque développement aux chefs d'accusation énoncés dans les adresses des administrations de la Meurthe et de la Corrèze, et demandent que M. Terrier (de Montciel) soit décrété d'accusation.

L'assemblée ajourne cette proposition, en ordonnant au comité des décrets de vérifier si les pièces dont la non publication est dénoncée, ont été remises au pouvoir exécutif.

Sur la proposition de M. Jean Debry, au nom de la commission extraordinaire, le décret suivant est rendu :

« L'assemblée nationale, considérant que les officiers et soldats gardes nationales volontaires, et les gardes nationaux sédentaires des différentes communes sont, comme les officiers et les soldats des troupes de ligne, armés en vertu de la loi, pour la défense de la liberté ; considérant qu'ils doivent en conséquence, dans le cas où ils seraient pris les armes à la main, être traités suivant les règles établies entre les nations policées à l'égard des prisonniers de guerre; et voulant à la fois veiller à la sûreté des citoyens français, maintenir l'égalité des droits entre les hommes, et ne pas s'écarter des lois sacrées de l'humanité, décrète qu'il y a urgence.

L'assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. Ier. Tout noble étranger, tout officier, tout général, quelle que soit sa dignité ou son titre, qui sera pris les armes à la main contre la nation française, sera traité de la même manière que l'auront été les citoyens français, les officiers ou soldats des bataillons volontaires, les officiers ou soldats des troupes de ligne pris les armes à la main.

II. On suivra, envers tous les étrangers pris les armes à la main, les règles établies.

III. Dans le cas où les lois ordinaires de la guerre seraient violées par les puissances étrangères, on suivra, à l'égard des soldats des troupes ennemies, les règles ordinaires de la guerre.]

La séance fut terminée par un rapport de Carnot le jeune, au nom de la commission extraordinaire et du comité militaire réunis. Nous ne devons plus avoir, dit le rapporteur, d'autre politique que celle du plus fort. Il faut que, selon J.-J. Rousseau, chaque citoyen devienne soldat par état et non par métier. Il faut que pendant la guerre tout le peuple se lève armé, et qu'à la paix nos troupes de ligne rentrent dans l'ordre civil ; une nation libre ne doit point avoir de troupes de ligne, quand il n'y a plus de danger pour la patrie; car, du moment où le danger existe, tous les citoyens sont soldats. Aujourd'hui c'est le peuple qui fait la guerre pour lui; trop long-temps il l'a faite pour les despotes. >

Carnot conclut à autoriser les municipalités à faire fabriquer, sans délai, aux frais du trésor public, pour armer tous les citoyens en état de porter les armes, des piques sur le modèle donné par le maréchal de Saxe. Leur longueur devait être de huit pieds, et ne pouvait en excéder dix. Les vagabonds, gens sans aveu, et les personnes notoirement connues par leur incivisme, devaient être privés de cette arme. Les municipalités étaient juges de l'application de ces cas d'exception.

Séance du soir. Décret sur le rapport de Tardiveau, qui casse

l'arrêté des Bouches-du-Rhône mentionné dans la séance de ce matin. · Ducoz annonce que la société des Amis de la Constitution, de Bordeaux, a nommé vingt-quatre commissaires qui, munis de l'approbation du département, en parcourent le territoire en son nom et au nom des Amis de la Constitution, réveillent l'énergie, font partout des soldats, et donnent à chacun de ceux qu'ils enrégimentent 50 livres de gratification aux dépens de la société. (On applaudit.)—Une députation du bataillon des FillesSaint-Thomas vient se disculper de l'accusation d'avoir été assaillant dans sa dispute avec les Marseillais. (Huées de la part des tribunes; quelques applaudissemens dans l'assemblée.)

SÉANCE DU CLUB DES JACOBINS. 1er AOUT.

Robespierre occupe le fauteuil.

N... La patrie est, dit-on, en danger, et de tous côtés, dans cette ville, on ne s'occupe que de plaisirs, de fêtes et de bals. Parmi ces derniers, il en est un qui devrait être plus particulièrement proscrit dans ces jours de surveillance, c'est celui qui a lieu tous les jours, depuis dix heures jusqu'à minuit, au PalaisRoyal; c'est le rassemblement de tout ce qu'il y a d'hommes pervers et de femmes corrompues. Un tel rassemblement ne peut avoir que les suites les plus dangereuses dans les circonstances où nous sommes. »

M. Loys communique une lettre adressée à la Société populaire de Nîmes, par le comité central des sociétés patriotiques réuni à Châlons-sur-Saône, dans laquelle ce comité fait part des mesures qu'ont arrêtées les municipalités de ce département. Ces mesures sont de désarmer toutes les personnes dont les principes ne sont pas très-prononcés en faveur de la révolution, dans le cas où le roi viendrait à s'éloigner de Paris, où une défaite sur les frontières permettrait à l'ennemi de mettre le pied sur le territoire français, ou bien si une insurrection se manifestait soit à Paris, soit dans Lyon, soit dans toute autre grande ville du royaume; dans l'un des cas ci-dessus, de mettre sur-le-champ

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