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voqués, auraient cessé. Ce n'est qu'à de sembables espérances et de pareils raisonnemens que l'on peut, il nous semble, attribuer le silence presque absolu des journaux feuillans ou royalistes, si vétilleux ordinairement et si attentifs aux plus petites démarches de Brissot et de ses amis. Il n'est, à notre connaissance, question que deux fois de ce qui se passait dans le sein de la Cité, et d'une manière très-légère, et cependant les choses étaient arrivées à ce point que des sections correspondaient même avec des communes étrangères, envoyaient et recevaient des adresses; ce qui était arrivé autrefois à la municipalité de Paris. Ainsi, nous trouvons encore dans les annales patriotiques une adresse des citoyens de Narbonne à la section des Quinze Vingts.

Citoyens, disait-elle, nous n'avons rien à vous prescrire, vous êtes près du gouvernail; c'est à vous de surveiller le pilote. Il vaudrait mieux le jeter à la mer que de submerger l'équipage. Le dix-neuvième siècle approche; puissent, à cette époque de 1800, tous les habitans de la terre, éclairés et affranchis, adresser à Dieu une hymne de reconnaissance et de liberté. Demandez encore à Louis XVI s'il veut être de cette fête universelle; nous lui réserverons encore la première place au banquet. S'il s'y refuse! adieu; nous sommes debout, et nos sacs sont prêts.... Notre lettre est l'éclair qui précède la foudre. » (Annales Patriotiques, n. CCIX. )

La commune de Paris, non plus que les sections, ne se faisait faute d'agir comme l'un des pouvoirs de l'état. Ainsi, le 26 juillet, elle prit, sur la proposition de M. Sergent, l'arrêté suivant :

Le corps municipal considérant qu'après l'enrôlement d'une très-grande quantité de citoyens, des pères de famille, des éponses, se séparent de ce qu'ils ont de plus cher pour les envoyer à la défense de la patrie, combattre sous le drapeau de la liberté; que ses soins doivent, répondant à la confiance publique, s'étendre au-delà des murs de cette ville, et pouvoir assurer leurs généreux parens de toutes les mesures employés pour leur subsistance et leur séjour au camp;

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› Arrête, en conséquence, que six citoyens, en qualité de

commissaires de la commune, seront chargés de se transporter, la semaine prochaine, à Soissons ; qu'ils seront autorisés à se concerter avec la municipalité de cette ville, pour obtenir tous les renseignemens qui pourront les assurer que les ordres qui ont été donnés pour recevoir les citoyens qui doivent former le camp de Soissons, ont été exécutés, et que ceux qui se dévouent avec tant d'empressement, y trouvent tout ce que l'assemblée nationale a ordonné au ministre de la guerre de faire fournir ; que les frais du voyage seront réglés par le corps municipal.

D'ailleurs, il ne se passait guère de jours où il n'y eût dans Paris quelque tumulte, surtout dans les lieux où le plaisir et l'oisiveté amenaient un concours de citoyens. Tantôt on brûlait des journaux ; tantôt on se disputait, et les querelles se terminaient quelquefois par des duels, plus souvent par des batailles à coups de cannes: partout on retrouvait des signes de la fermentation qui remuait la capitale.

Nous ne pouvons mieux achever cette narration qu'en racontant la cérémonie par laquelle la municipalité chercha à fermer la liste des enrôlemens civiques. Nous empruntons la narration du Moniteur.

[Paris, le 29 juillet. Le conseil général de la commune, ayant M. le maire à sa tête, est descendu sur la place où l'on avait élevé un amphithéâtre pour recevoir la municipalité. Quatre tribunes de forme antique avaient été disposées aux quatre extrémités de la place. On avait placé dans chacune de ces tribunes quatre bannières portant les mots liberté, patrie, égalité, constitution. Un détachement nombreux de garde nationale formait, au milieu de la place, un cercie, dans lequel étaient placés les citoyens qui, s'étant fait inscrire pour voler sur les frontières, ne sont pas encore partis pour le camp de Soissons.

M. le maire a prononcé le discours suivant, dont l'impression a été ordonnée, ainsi que la distribution à tous les volontaires.

Braves citoyens, vous vous enrôlez sous les drapeaux de la liberté; c'est pour la défendre, c'est pour combattre la tyrannie. Votre famille est maintenant au milieu des camps; votre famille

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est la patrie: nous devons tout sacrifier à cette mère commune. Toutes nos affections particulières doivent se fondre dans ce grand intérêt général. Périssons plutôt que de souffrir que notre sol soit souillé par l'esclavage. Mais non : les despotes seront vaincus; volez à la victoire......... La postérité vous désignera comme les premiers soutiens de nos droits. Recevez, avant votre glorieux départ, les témoignages d'amitié et les bénédictions de vos concitoyens, de vos amis, de vos frères, et les félicitations des magistrats du peuple. »

Ensuite les noms de chacun des généreux défenseurs de la patrie ont été proclamés à haute voix par un officier municipal. La musique de la garde nationale exécutait, à certains intervalles, des morceaux d'un genre guerrier. Les cris de vive la nation! vive la liberté! interrompaient souvent cet appel nominal. Les citoyens enrôlés ont été successivement embrassés par le maire de Paris, et ils ne sortaient des bras de leurs magistrats que pour passer dans ceux de leurs concitoyens.

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Ces scènes intéressantes se sont renouvelées pendant plus de deux heures. Une pluie très-forte, survenue pendant la cérémonie, n'a fait qu'augmenter la joie des citoyens, et cette circonstance rappelait l'époque de la fédération de 1790: alors, comme aujourd'hui, les défenseurs de la liberté, bravant l'intempérie des saisons, faisaient retentir l'air des cris de liberté et d'amour de l'égalité.

Près de dix mille citoyens se sont déjà fait inscrire, et parmi eux il en est un très-grand nombre d'anciens soldats ayant plusieurs années de service, et qui nous font concevoir l'espérance fondée de trouver de bons officiers, qui, sans être nés nobles, n'en commanderont pas moins bien nos légions civiques. ]

Le nombre des fédérés des départemens, arrivés à Paris le 30 au soir, était en outre de cinq mille trois cent quatorze.

T. XVI

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PROVINCES.

L'opinion publique n'était pas moins animée dans les provinces qu'à Paris; les divers partis étaient également en présence avec les mêmes caractères, les mêmes moyens dans les mêmes positions, mais avec des différences de forces en rapport avec l'état de l'opinion chez ce que l'on appelait alors le petit peuple, ou les eitoyens passifs. Dans quelques parties du midi, dans les campagnes de la Bretagne et de la Vendée, cette classe, négligée par les constituans de 89, était à la disposition de l'opposition royaliste; dans les grandes villes, au contraire, elle n'était pas moins révolutionnaire qu'à Paris. Nous avons parlé de l'exécution faite par la main du peuple à Marseille; ce fait seul suffirait pour prouver l'état de l'opinion, dans cette ville; mais nous savons dé plus que les sections ne s'y remuaient pas moins qu'à Paris : dès le commencement de juillet elles avaient voté pour un roi électif, et pendant que les gens graves s'occupaient de la question gouvernementale, les jeunes gens faisaient la guerre aux partisans de La Fayette, et aux insignes royalistes et feuillans. Ils pendaient ce général en effigie. Il est inutile de dire que la fête de la fédération s'y fit avec pompe et enthousiasme. L'évêque du département officia, et ensuite le maire fit prêter le serment de vivre libre ou mourir. A Bordeaux il y eut une scène de sang semblable à celle de Marseille, et qui prouve une pareille exaltation: trois prêtres non assermentés, qui se faisaient remarquer par leur activité contre-révolutionnaire, furent arrêtés à Cauderan, par les habitans eux-mêmes. On les amena à Bordeaux pour y être écroués ; ils furent saisis par le peuple; deux d'entre eux furent frappés, et leurs têtes promenées au bout d'une pique.

La colère contre les prêtres, qu'on appelait réfractaires, était extrême. A Angers et à Laval, on en arreta et on en emprisonna huit cents. A Dijon, à Grenoble on en fit autant. Ainsi la loi étant impuissante, le peuple, abandonné à lui-même, pourvoyait à son salut par les moyens de violence qui seuls étaient à sa disposition. Le conseil du département du Calvados prit l'initiative de

cette mesure; son arrêté sur les prêtres réfractaires est une pièce trop curieuse pour que nous ne la reproduisions pas ici.

Arrêté du conseil général du département du Calvados contre les prêtres réfractaires, perturbateurs du repos public.

◄ ART. Io. Les ecélésiastiques insermentés qui auront agité le peuple, troublé la tranquillité publique, ou dont la présence est dangereuse dans le canton qu'ils habitent, seront arrêtés et conduits au chef-lieu du département où ils seront détenus dans un lieu qui sera désigné.

H. Ne pourront, lesdits ecclésiastiques, être saisis ou arrêtés que lorsque le conseil ou le directoire du département aura prononcé la détention.

› III. La détention pourra être or donnée par le département sur la demande d'un conseil ou d'un directoire de district, après avoir pris l'avis de la municipalité dans laquelle l'ecclésiastique sera domicilié; mais, sur la même demande formée par une municipalité ou un conseil général de la commune, la peine de détention ne pourra être prononcée par l'administration qu'après avoir préalablement pris l'avis du district.

» IV. Lorsque huit citoyens actifs d'un canton formeront la demande de détention contre un ecclésiastique non assermenté, le conseil ou le direct oire du département pourra prononcer la même peine, après avoir pris l'avis du conseil général de la commune ou du district.

V. L'administration du département ayant renvoyé la demande au district, il sera tenu de la faire passer, dans les vingtquatre heures, à la municipalité ou au conseil général de la com

mune.

› VI. Le conseil général donnera son avis dans trois jours, non compris celui de la réception et de l'envoi.

› VII. Dès que le district aura reçu l'avis de la municipalité, il sera tenu, après avoir donné le sien, d'expédier le tout au département, au plus tard dans les trois jours qui suivront la réception.

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