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proscrits. S'il est quelques zélés défenseurs des droits du peuple qu'il aurait pu désirer de réélire, l'inconvénient de les exclure sera plus que compensé par la nécessité de repousser la ligue de tant de chefs de parti, qui serait toujours l'écueil de la paix et de la liberté publiques. Que l'assemblée nationale actuelle s'honore donc par un décret semblable à celui que ses prédécesseurs ont rendu. Que les membres de l'assemblée constituante s'engagent formellement à laisser à d'autres mains le soin de bâtir le temple de la liberté dont ils ont jeté les fondemens; qu'ils s'excluent ainsi glorieusement de la convention prochaine, et renoncent à tout nouveau choix du peuple, jusqu'à ce qu'elle soit terminée; que ceux d'entre eux qui ont montré le plus de zèle pour la défense de la liberté, donnent les premiers cet exemple, que ceux qui se refuseront à ce sacrifice soient jugés par cela même, et que cette preuve d'ambition soit pour eux, aux yeux du peuple, un titre suffisant d'exclusion.

> Et qu'on ne dise pas que les bons citoyens qui seront éloignés de la convention nouvelle, seront perdus pour la patrie. Ils la serviront puissamment dans les emplois dont la plupart d'entre eux sont actuellement revêtus; ils la serviront dans les assemblées du peuple, comme citoyens. Il importe qu'il reste au milieu du peuple des hommes intègres et judicieux, étrangers aux fonc-tions publiques, pour l'éclairer et pour surveiller les dépositaires de son autorité.

Expions donc, aux yeux des nations, cette lâche ambition de tant d'indignes fonctionnaires qui ont scandalisé l'Europe, et qui sont à la fois la honté et le fléau de notre révolution. Loin de les envier, laissons purifier ces places par une génération nouvelle de magistrats dignes du peuple français. Que nous faut-il de plus que le bonheur et la liberté de notre pays? (1) »

SÉANCE DU 50.

ROBESPIERRE occupe le fauteuil de président. - M. Chénier communique à la société une lettre qui lui a été

(1) Ce discours n'est que cité dans le Journal du Club Il fut imprimé dans le Défenseur de la Constitution, n. XI. C'est de ce journal que nous l'avons extrait. (Note des auteurs.)

adressée de Metz le 26. On y remarque les passages suivans < M. le maréchal de camp Berthier a été à Paris prendre langue › au comité autrichien; on l'appelle ici l'espion de la reine... › Le roi a défendu expressément de recevoir dans les armés au> cun volontaire, et cet ordre a été signifié à M. de Chartres... › On dit que Luckner démentira Guadet sur la conversation que > celui-ci dit avoir eu avec lui, chez l'évêque de Paris. >

» M. Collot d'Herbois lit l'adresse délibérée dans les sections de Paris. Sur la demande de celle du Marché des Innocens, elles en ont arrêté l'envoi à l'armée française. Pour qu'elle parvienne plus sûrement à sa destination, la distribution en sera confiée aux municipalités frontières de la part de la commune de Paris, avec invitation de la faire tenir aux soldats par tous les moyens qui leur paraîtront les plus sûrs.

> M. Mandouze obtient la parole pour lire à la société le manifeste des puissances armées contre la France. Cette lecture, souvent interrompue par des éclats de rire, ne peut se traîner jusqu'à la fin.

>

› Beaucoup d'agitation se fait apercevoir dans l'assemblée et surtout parmi les fédérés présens.

» M. Robespierre. On donne au bureau des avis qui alarment diverses personnes; on annonce que la générale bat dans plusieurs quartiers: Eh bien, messieurs, nos frères les citoyens de Paris veillent ; vous vous en apercevez au vide qui règne ici. C'est donc un motif pour vous de rester calmes et tranquilles. Dans ces momens difficiles, les vrais patriotes doivent se montrer fermes et courageux. Je déclare que, dans ce moment, je crois que notre poste est ici: j'y resterai. Un fédéré se plaint d'avoir été insulté ; sans doute, comme frères, comme patriotes nous ressentons tous son injure; mais je ne puis lui donner la parole sans consulter l'assemblée. Que ceux qui veulent que le fédéré soit entendu... etc.

› La société donne la parole au fédéré.

» Le fédéré. Je suis fédéré de la Côte-d'Or. Étant sorti d'ici, il y a un instant, au bruit du tambour, je passais devant Saint

Roch, je demandai ce qu'il y avait et pourquoi on rappelait. On me répond: C'est pour ces b..gr. de fédérés qui nous donnent plus de mal... A ces mots je demande à celui qui me fait cette réponse, si c'est pour moi qu'il l'a faite. Au même instant, cinq personnes tombent sur moi, m'arrachent mes épaulettes, mon sabre, comme vous le voyez, me maltraitent malgré la résistance que je leur oppose, et s'enfuient. ›

› Un rappel se fait entendre. L'agitation continue. Là M. Robespierre déclare que, vu cette agitation, il ne peut tenir la séance ; il la déclare suspendue, quitte le fauteuil, et sort de l'assemblée.

› Après quelques minutes, M. Mendouze au bureau du président représente que le 17 juillet 1791, on avait employé la même tactique pour interrompre les séances, et que le seul moyen à opposer étant la fermeté, il propose à la société de se déclarer permanente.

› Cette proposition n'est pas appuyée. On engage M. Mendouze à occuper le fauteuil; et la séance continue.

› M. Réal, en appuyant les motifs qu'avait donnés M. Mendouze pour la permanence de la séance, insiste néanmoins pour qu'une partie des citoyens se rendent dans leurs bataillons; car là, dit-il, un Jacobin en impose à dix, à vingt Feuillans ou modérés.

» M. Colin ajoute la remarque que beaucoup de citoyens au moment où l'on rappelle, se hâtent de sortir pour aller, disentils, dans leurs bataillons, tandis qu'en effet ils vont s'enfermer chez eux. Il propose que tous ceux qui sont, comme lui, visiblement hors d'état de faire le service, ou qui ne le font pas habituellement, restent dans l'assemblée. Il s'offre de s'y établir permanent et d'y passer, s'il le faut, toutes les nuits.

› Divers citoyens viennent rassurer les esprits, qui n'avaient pas besoin de l'être; car les trembleurs étaient éloignés, en communiquant les divers prétextes sous lesquels on avait battu les rappels.

› En général, l'émotion qui se faisait sentir au-dehors parais

sait être une suite de la scène qui s'était passée aux Champs-Élysées, près du lieu où les fédérés de Marseille avaient dîné. A côté de cette auberge, des grenadiers des Filles-Saint-Thomas, avec des ci-devant gardes du corps et des sergens suisses, tenaient à table des propos de Coblentz ; leur refrain était Vive le roi, vive ·la reine, f.... pour la nation. Ces propos répétés ont occasioné une rixe dans laquelle il paraît que le projet de ces messieurs était d'exciter du bruit et de fuir. Cependant l'un d'eux nommé Duhamel eut une explication plus vive avec un fédéré. Proposition faite et acceptée pour vider la querelle en braves, chemin faisant, Duhamel trouve plus simple de se débarrasser de son adversaire; il lui lâche un coup de pistolet et le manque. Celui-ci, indigné d'une telle lâcheté, le perce, de part en part, avec son sabre et ne le manque pas...

M. Simon reprend la discussion sur la cause des maux de la France; il les attribue en partie à la précipitation avec laquelle on a déclaré la guerre. M. Lanthenas lui répond. Plusieurs membres observent que cette discussion n'a aucune utilité actuelle. - On passe à l'ordre du jour. — M. Mathieu s'étonne que le manifeste de Brunswick soit, pour ainsi dire, notifié aux Jacobins, avant de l'être à l'assemblée nationale.

› Un fédéré de la Drôme annonce que, depuis quelque temps, un nombre considérable de valets, de gens attachés à la cour, se sont fait inscrire dans la garde nationale; que leur projet est de se faire mettre tous de service le même jour, et qu'à une heure convenue ils s'empareront des canons et des postes...

› M. Barbaroux (Le journal l'appelle Barberousse ) après avoir rendu compte de la tranquillité qui règne au quartier des Marseillais, lit une lettre qui donne sur Marseille les détails suivans, en date du 23.

Il est arrivé hier dans cette ville une scène des plus tragiques. L'aristocratie, que nous croyions pour jamais expulsée de Marseille, a osé lever une tête orgueilleuse, et par un de ces complots qui en fait le caractère, elle avait décidé de se défaire de la municipalité, et autres. Mais il en fut comme de tous leurs projets ;

la mine fut éventée et le chef dénoncé par son propre domestique. Il a été arrêté dans la nuit du vendredi au samedi (du 20 au 21), étant de garde à la commune. Il se nomme Royer aîné, marchand drapier. Dans la matinée du samedi, le peuple se porta en foule à l'hôtel commun, et demandait à grands cris qu'on lui livrât ce nouveau du Saillant, pour le lanterner. Ce n'est qu'avec beaucoup de peine que la municipalité et quelques notables parvinrent à le soustraire à la vindicte publique ; ce ne fut même qu'après avoir promis de le livrer après son interrogatoire, que le peuple s'apaisa. Il fut donc interrogé en présence de son domestique : il avoua tout, chargea beaucoup son frère et nomma d'autres complices. On lui fit siguer sa déposition et on le conduisit de suite en prison, sans que le public s'en aperçût. Mais on sommait les officiers municipaux de tenir leur parole; ils trouvèrent les moyens de temporiser. Ce n'est pas que leur dessein fût de sauver le coupable; mais ils voulaient que la loi seule ordonnât de son supplice. Ils ne retardèrent que d'un jour sa mort. Le lendemain, sur les neuf ou dix heures du matin, on se porta en foule aux prisons; on enfonça les portes, on en tira le traître Royer, et on le mit à la lanterne. Ce Royer a donné la liste de ses complices; ils montent à plus de deux cents, et les Marseillais ont juré de ne pas en épargner un. Déjà plus de dix personnes ont été pendues. (Journal des débats des Jacobins.)

Il n'y eut pas de séance le 31. Il paraît, à en juger par leur journal, que les Jacobins continuaient à ne tenir séance que tous les deux jours.

PARIS.

HISTOIRE DES SECTIONS.

Ce qui se passa dans ces assemblées populaires n'est pas la partie la moins curieuse du mouvement révolutionnaire de juillet. Nous avons déjà vu en rendant compte des séances de l'assemblée nationale et de celles des Jacobins, qu'on s'y occupait activement de toutes les questions à l'ordre du jour, et qu'elles

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