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HISTOIRE PARLEMENTAIRE

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

JUILLET 1792.

SÉANCE DU DIMANCHE 15 JUILLET:

On lit une lettre du directoire de Sarrelouis, dont voici la teneur:

L'ennemi est aux portes de la ville; les Prussiens arrivent en force dans l'électorat de Trèves. Ce prince a enfin levé le masque; il exerce des hostilités contre les Français: quatre négocians du district de Sarrelouis, appelés à Trèves par leurs affaires, y ont été arrêtés et emprisonnés, au mépris du droit des gens. Tels sont les faits sur lesquels nous appelons la sollicitude de l'assemblée. »

M. Rouhier. Je demande que le maire de Paris nous rende compte tous les jours des fédérés qui arriveront. Je demande en

T. XVI.

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outre que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, tous les jours, des troupes qui sont en marche pour renforcer les frontières, et des mesures qu'il prend journellement, afin que les différentes municipalités, districts et départemens, fournissent leur contingent de gardes nationaux. Il ne faut pas passer une journée sans vous faire rendre compte de ces mesures urgentes et nécessaires, parce que autrement vous seriez dans le cas d'être trompés; et dans le moment où vous croiriez vos frontières le plus en sûreté, elles n'y seraient pas. (On applaudit. )

M. Fauchet. Il y a long-temps que l'assemblée a décrété que le pouvoir exécutif pourrait disposer des troupes de ligne qui sont à Paris. Il est très-important qu'il le fasse. Je demande que l'assemblée décrète que ces troupes s'éloignent de Paris demain ou après-demain.

M. Rouhier. Je demande aussi que le ministre rende compte pourquoi les troupes de ligne qui sont à Paris ne sont pas encore sur les frontières, et pourquoi les Suisses gardent le roi, tandis qu'il ne peut avoir de Suisses pour sa garde.

M. Choudieu. Nous désirons que la force entière soit portée aux frontières; mais par des moyens adroits, par des moyens perfides, on a fait décréter à l'assemblée que le pouvoir exécutif serait libre de faire partir les troupes qui sont à Paris. Ce n'est pas assez qu'il soit libre, il faut qu'il y soit forcé. Aux termes de la Constitution, il ne doit rester dans Paris d'autres troupes que celles qu'il vous plaira d'y laisser. Je demande donc que l'assemblée nationale décrète à l'instant que le pouvoir exécutif sera tenu de faire partir dans vingt-quatre heures les troupes de ligne qui sont à Paris.

M. Rouhier. Je combats la motion de M. Fauchet. Le ministre de la guerre vous a dit qu'il enverrait tant d'hommes par régiment, en choisissant tout ce qu'il y a d'anciens soldats et de gens en état d'aller sous la tente; on en a usé de même pour tous les régimens; il fut même observé à l'assemblée que si on envoyait tous les régimens, on pourrait y joindre six à huit mille hommes de plus, en y mettant les recrues; mais que les recrues ne se

raient que des sujets d'hôpital, car l'on sait que lorsqu'un soldat n'est pas formé, il ne reste pas quinze jours sous la tente. L'assemblée confirma les dispositions prises à cet égard: je ne vois pas pour quelle raison on les changerait aujourd'hui.

M. Delmas. Il y a quinze jours que vous avez mis à la disposition du pouvoir exécutif les régimens de troupe de ligne. Le ministre n'en a fait marcher aucun détachement. Cependant les ennemis se portent sur Montmédi. Le ministre de la guerre vous a dit que tous ces régimens n'étaient pas en état de faire la guerre ; que les premiers bataillons ont été formés aux dépens des se-, conds, et que ces seconds formeraient un dépôt. Cela a été imaginé pour éluder le départ des troupes pour les frontières. Il est impossible d'établir les dépôts d'un régiment à quatre-vingts lieues de lui. Je demande d'ailleurs, à tous les militaires, si Paris peut étre un bon dépôt. C'est ici le cas de rappeler les délices de Capoue. Je demande donc que d'ici à trois jours, les régimens soient éloignés de trente mille toises de Paris.

M. Girardin. Je ne viens point combattre l'éloignement des cinq régimens, mais me réjouir de ce qu'il n'existe plus d'inquiétude sur les complots dont on menaçait Paris. Cependant je remarqué avec étonnément que ceux qui voulaient un cămp de vingt mille hommes pour triompher des conspirateurs, soient aussi les mêmes qui veulent faire partir les régimens destinés à maintenir, à assurer la liberté publique. La Constitution donné au pouvoir exécutif le droit de veiller à la sûreté intérieuré et extérieure de l'État. Si vous prenez vous-mêmes des mesures d'exécution, vous vous chargez de la responsabilité. Malgré les réflexions trèspeu militaires de M. Delmas, qui veut qu'on fasse partir des troupes de ligne, quoiqu'elles ne doivent pas inspirer d'inquietudes... (Il s'élève des violens murmures.) J'ignore jusqu'à quel point il est permis d'interrompre un opinant. J'use d'un droit que plusieurs membres ont comme moi, de dire librement des absurdités. (On applaudit.) J'en entends souvent, et je n'interromps personne.... Je disais que les dépôts de ces régimens ne pouvaient inspirer aucune inquiétude. Ils sont composés des braves

gardes-françaises; or les patriotes de 1789 valent bien ceux qui se traînent sur les pas de la révolution, qui en 1790 étaient à peine connus. Il me semble d'ailleurs que Paris est assez grand pour qu'avant de décider une pareille question, il faille consulter la municipalité, et savoir si elle n'a pas besoin de troupes auxiliaires. Je demande que le pouvoir exécutif ne soit autorisé à employer que les troupes de ligne disponibles.

M. Calvet. La ville de Paris renferme dans son sein cinq établissemens principaux qui appartiennent au royaume entier, tels que le corps législatif, le pouvoir exécutif, le tribunal de cassation, la caisse de l'extraordinaire et la trésorerie nationale. La garde nationale n'est appelée que pour faire le service subsidiaire. Il faut donc nécessairement une garde salariée dans Paris. Tout le monde sait que nous avons reçu une quantité de lettres du ministre de l'intérieur, du département, de la municipalité, qui annonçaient que la force publique était insuffisante dans Paris.. Si vous voulez en éloigner aujourd'hui les troupes de ligne, il faut que vous augmentiez la gendarmerie.

Plusieurs voix. Cela est fait par l'incorporation des ci-devant gardes-françaises.

M. Lacroix. Je réponds à M. Calvet que de tous les établissemens dont il vient de parler, si l'on en excepte le château des Tuileries, il n'y en a pas un seul qui soit confié aux troupes de ligne à Paris. Je dis à M. Girardin que ce n'est point par l'inquiétude causée par la présence de ces braves troupes de ligne, que l'assemblée se propose de leur donner l'occasion de servir plus utilement la patrie. (On applaudit.) C'est parce que ces troupes elles-mêmes, dans une pétition qu'elles ont faite au corps législatif, en présence de leur général, ont demandé à voler sur nos frontières menacées ou près d'être attaquées, que l'assemblée s'est décidée à mettre à la disposition du pouvoir exécutif ces troupes qui ne pouvaient être tirées de Paris qu'en vertu d'un décret. Aucun de mnes collègues n'a partagé la défiance que M. Girardin a voulu jeter sur ces régimens. Tous leur rendent la justice qui leur est due: il savent qu'ils sont composés de l'élite des patriotes. (On

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