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les punir et de pourvoir au salut de l'État. Vous nous avez déclaré que la patrie est en danger; c'est nous avertir de tous les faits que nous venons de vous rappeler. Quelle est, en effet, la cause de tous les dangers, si ce n'est la perfidié de la cour et de ses agens, et de tous les fonctionnaires publics qu'elle a corrompus? Vous n'avez pas voulu nous dire qu'il n'existait point de ligue entre les despotes et les agens de la cour, car vous n'avez pas voulu nous tromper; vous ne l'auriez pas même pu: nous savons, nous sentons que sans la trahison de nos ennemis intérieurs, les autres ne seraient point à craindre, ou plutôt nous savons qu'ils n'existeraient pas.

Représentans, nous dire que la nation est en danger, c'est nous dire qu'il faut qu'elle soit sauvée, c'est nous appeler à son secours ; si elle ne peut l'être par ses représentans, il faut bien qu'elle le soit par elle-même. (Vifs applaudissemens des tribunes.) La contenance qu'elle vient de montrer dans la fédération générale de ce puissant empire, l'objet de ses réclamations, celui du serment qu'elle a prêté, tout à prouvé qu'elle en avait à la fois la puissance et la volonté.

C'est en vain que des géneraux perfides et des despotes insolens se réunissent pour la désigner comme une faction. Sous quelque forme qu'elle se rassemble, en quelque temps, en quelque lieu qu'elle s'explique, elle prouvera toujours à l'univers qu'elle est factieuse en effet dans le sens des tyrans, c'est-àdire, qu'elle est bien déterminée à les écraser et à ne se laisser désormais enchaîner ni trahir par personne. (Mêmes applaudissemens.)

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Réprésentans, nous avons laissé dans nos départemens des millions de citoyens qui nous ressemblent ; mais quelque événement qu'il arrive, ne serions-nous que dix contre cent, comme nous sommes cent contre dix, la victoire de la liberté n'en est pas moins certaine. Un homme libre vaut cent esclaves, et la destinée du vice est de trembler devant la vertu. Législateurs, pères de la patrie, nous ne voulons point porter atteinte à notre Constitution, mais nous voulons qu'elle soit et qu'elle puisse être

exécutée. Nous ne refusons pas d'obéir à un roi, mais nous mettons une grande différence entre un roi et une cour conspiratrice, dont la Constitution même, dont toutes les lois divines et humaines réclament la punition et l'expulsion. (Une vingtaine de membres et toutes les tribunes applaudissent.) Nous savons que les peuples créent les rois pour en être bien servis, non pour en être opprimés et livrés aux fers des conspirateurs. Nous abhorrons toute espèce de machiavélisme, qui ne se masque d'un respect hypocrite pour la Constitution, que pour fournir à ses ennemis les moyens de la détruire sans obstacles. Nous ne sommes plus, depuis long-temps, les dupes des intrigans et des traîtres, et nous ne voulons point être esclaves. Nous voulons triompher ou mourir pour la liberté, mais nous ne voulons pas combattre sous les ordres des courtisans et des complices de nos tyrans. (Applaudissemens.)

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On nous parle de faire la guerre à l'Autriche, et l'Autriche est dans nos camps et dans le conseil du roi, et l'Autriche est à la tête de nos armées. (Acclamations réitérées dans toutes les tribunes.) Ce n'est point assez que la nation française soit abaissée au point de faire la guerre à des traîtres, elle est encore conduite et trahie par eux. Ce sont leurs frères, leurs alliés qui composent l'état-major de nos armées. Eh! quel autre avantage a sur la ci-devant noblesse, à Coblentz, la ci-devant noblesse, soi-disant patriote, qui est restée au milieu de nos guerriers? Quel avantage a-t-elle, si ce n'est d'être plus lâche et plus perfide?

Tous les gens de cette caste funeste, qui joignaient à la maladie de l'orgueil, des préjugés, quelque franchise, quelque fierté, se sont rangés en bataille contre nous; tout ce qu'il y avait parmi eux de plus bas, de plus pervers en tout genre, a continué de nous caresser pour nous trahir, pour attiser au milieu de nous le feu de la guerre, pour séduire l'armée, pour opprimer le patriotisme, pour livrer aux flammes les propriétés, les maisons d'un peuple malheureux qui allait briser ses fers de concert avec nous. La patrie elle-même ose armer contre elle des despotes.

Quel scandale, quel délire! On a permis que les ci-devant nobles, intrigans qui avaient déshonoré le caractère de législateurs dans l'assemblée nationale constituante, se soient convertis tout à coup, de législateurs perfides en chefs d'armée plus perfides encore. A leur tête est La Fayette, le plus méprisable, le plus criminel, comme le plus perfide des ennemis, le plus infâme des assassins du peuple. (Un murmure d'indignation presque général s'élève dans l'assemblée.) La Fayette a foulé aux pieds toutes les lois, il a déclaré la guerre à l'assemblée nationale.

M. Hua. Il n'est pas possible à l'assemblée d'entendre traiter de criminel un citoyen qu'elle n'a pas jugé. Qui est-ce qui jugera La Fayette? Est-ce l'assemblée ou ces Messieurs? (Des rumeurs s'élèvent dans les tribunes, et couvrent a voix de M. Hua.)

M. le président. J'observe aux tribunes qu'il y a une loi qui défend d'applaudir, et qu'il n'y a point de patriotisme sans obéissance à la loi.

L'orateur de la députation. Représentans, La Fayette a foulé aux pieds toutes les lois, il a déclaré la guerre au peuple français et à l'assemblée nationale; et il existe encore. Les lois, la patrie, la liberté, ne sont donc plus! Représentans, vous avez déclaré que la patrie est en danger; mais ne la mettez-vous pas vousmêmes en danger à chaque instant, en prolongeant l'impunité des traîtres qui conspirent contre elle-même. On dit que les Français ont mis en question si la loi les condamne. Hélas! avec quelle promptitude elle aurait déjà frappé un malheureux qui eût commis le plus léger de ses innombrables délits.

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Représentans, la patrie indignée demande que vous prononciez contre cet homme méprisable (1). Les défenseurs de la patrie demandent des chefs sous lesquels ils puissent exterminer ses

(1) Cette adresse est insérée tout entière dans le Défenseur de la Constitution, n. 10. Nous pouvons donc indiquer quelques inexactitudes du Moniteur. Il est probable, au reste, que le texte véritable est celui du Défenseur de la Constitution; car il y a très-lieu de croire que Robespierre fut le rédacteur de cette énergique écrit.

A cette place, au lieu de la phrase qu'on vient de lire, on trouve Que vous prononciez entre elle et cet homme méprisable, ce qui yaut mieux. (N. des aut.) 2

T. XVI.

ennemis. Mais pour avoir des chefs, il faut commencer par déstituer les traîtres et les conspirateurs. Nous ne pouvons marcher sous leur conduite, ni consentir à notre ruine et à notre servitude. Nous marcherons seuls s'il le faut, et nous sauverons le peuple et vous-mêmes. (Les applaudissemens recommencent.) Et tous les amis de la patrie, et le peuple entier, se précipiteront avec nous, et nous prouverons à l'univers que sans les chefs payés par la cour et par la noblesse, les tyrans de la nation seraient déjà vaincus; nous prouverons que l'indignation amoncelée par les crimes dans le cœur des hommes vertueux, peut renverser én un moment le criminel ouvrage de l'intrigue; nous prouverons que les factieux qui aiment la patrie et la Constitution, que les brigands qui ont de l'humanité et des vertus, savent faire rentrer dans le néant tous les honnêtes gens couverts de crimes et de parjures (Les tribunes applaudissent.), tous les amis de l'ordre public, traîtres envers le peuple, enrichis de ses dépouillés, et souillés de son sang.

Pères de la patrie, suspendez provisoirement le pouvoir exécutif dans la personne du roi. (Applaudissemens réitérés des tribunes, murmures dans l'assemblée.) Le salut de l'État l'exige et vous commande cette mesure. Mettez en état d'accusation La Fayette; la Constitution et le salut public vous l'ordonnent. Décrétez le licenciement des états-majors, des fonctionnaires militaires, nommés par le roi. Destituez et punissez, suivant le vœu de la Constitution, les directoires de département et de districts, coalisés avec La Fayette et la cour contre la liberté publique. Enfin renouvelez les corps judiciaires (1)... (L'indignation

(1) Ce paragraphe est tout différent dans le Défenseur; le voici :

<< Et vous, représentans, entendez la voix de la nation entière, qui vous crie de pourvoir au salut public. Montrez-vous dignes du peuple français et de vousmêmes servez-vous de son énergie, et secondez-la : lui seul peut et veut vous sauver. Il vous demande en retour que vous vouliez épargner son sang en adoptant quelques dispositions simples que tous vos devoirs vous prescrivent impėrieusement.

» 1o Mettez en état d'accusation La Fayette et tous ses complices, comme la Constitution et le salut public vous l'ordonnent;

» 2o Décrétez le licenciement de l'état-major de l'armée;

d'une partie des membres de l'assemblée, l'improbation ou l'ennui des autres, se manifestent par de violentés rumeurs. - De toutes parts on demande que les pétitionnaires soient rappelés à l'ordre.)

M. Goujon. Ils sont égarés par les factieux qui parlent en leur

nom.

M. le président aux députés. Messieurs, l'assemblée nationale, fidèle à ses sermens, trouvera dans la Constitution les moyens de sauver la patrie; elle unira toujours la prudence au courage, la sagesse à la fermeté. Elle ne désespérera jamais du salut public, tant qu'il y aura en France du patriotisme et des vertus; c'est-àdire, qu'elle n'en désespérera jamais. L'assemblée vous invite à assister à la séance.

MM. Dumolard et Girardin demandent la parole. On observe qu'il y a un décret qui interdit toute discussion à la suite des pétitions.

Après quelques débats, l'assemblée passe à l'ordre du jour.]

La séance fut terminée par la lecture d'une lettre du maré- . chal Luckner et de diverses notes qui y étaient jointes. Nous allons donner une courte analyse de ces volumineux écrits; on verra qu'elles semblaient avoir été faites pour justifier l'énergique dénonciation des fédérés.

Luckner annonçait d'abord qu'il avait reçu, par le ministre, communication d'un décret qui l'invitait à faire part à l'assemblée des ordres qu'il avait reçus et de ceux qu'il avait donnés. Il répondait à cette injonction, qu'il ne croyait pas devoir communiquer ces choses à d'autres qu'au pouvoir exécutif, et que l'assemblée pourrait les apprendre de ce dernier. Il justifiait cette

» 3o Destituez et punissez, selon le vœu de la Constitution, les directoires coalisés avec La Fayette et la cour contre la liberté publique;

» Enfin faites du pouvoir exécutif ce que le salut de l'état et la Constitution même exigent, dans les cas où la nation est trahie par le pouvoir exécutif.

» Ce ne sont pas là sans doute toutes les mesures que l'intérêt public prescrit; mais celles-ci au moins sont tellement indispensables, que les négliger c'est évidemment abandonner le soin de la chose publique, (Défenseur de la Constitution, n. 10.)

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