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commande est tellement circonscrit, qu'il laisse entièrement à découvert la partie la plus importante du pays que je suis chargé de défendre.

› J'aurais renouvelé mes représentations sans m'écarter de mon poste, si de nouvelles circonstances ne m'avaient fait sentir l'importance de hâter la lenteur des explications politiques. Avant-hier, j'ai reçu de Savoie, par deux endroits différens, des détails semblables, qui me démontrent que le moment de l'explosion est proche. J'ai su que le 15 de ce mois, le roi de Sardaigne avait accordé la paie de guerre à ses troupes ; que le même jour, il avait été publié au prône des églises une lettre pastorale de l'archevêque de Turin, qui invite les bons chrétiens à prier Dieu pour la prospérité des armes des Piémontais contre les Français rebelles à leur Dieu et à leur roi. (Murmures.) Les mêmes lettres portent que M. Risetti, inspecteur-général de l'artillerie, était parti pour aller à Milan, passer la revue des troupes autrichiennes qui devaient entrer en Piémont. L'ordre d'établir des hôpitaux de guerre venait d'être donné. Alors j'ai cru qu'il n'y avait pas un moment à perdre pour détruire l'illusion funeste dans laquelle l'assemblée nationale et le roi pouvaient être encore sur les dangers du Mid Je suis parti la nuit même pour leur exposer les vérités qui intéressent le salut entier de l'empire. J'ai pensé, messieurs, qu'il suffirait de les faire connaître pour faire changer les dispositions qui coûteraient d'éternels regrets. J'ai l'honneur de vous assurer, et j'en aurai pour garant les cinq départemens de la frontière des Alpes, que tous les points de cette frontière sont menacés par des forces fort supérieures aux nôtres. D'après la jonction des Autrichiens, qui semble très-prochaine, plus de six mille hommes se trouveront répartis dans le comté de Nice, dans le Piémont et dans la Savoie ; il paraît que le point d'attaque le plus complétement préparé se dirige sur Lyon, que vingt mille hommes, bientôt réunis à dix ou douze mille Autrichiens, menacent le centre du royaume d'une incursion dont il est aisé d'apprécier toutes les conséquences, même pour l'armée du Rhin, qu'elle placerait entre deux armées ennemies. Vous 10

T. XVI..

sentez, messieurs, et les derniers événemens de l'Ardèche vous l'indiquent assez, vous sentez quelle commotion produirait jusqu'au fond des départemens intérieurs, la marche libre d'une armée étrangère, liée avec les malveillans réunis dans ces contrées.

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» Pour achever de vous démontrer l'importance de mes observations, je vous présenterai le tableau court et exact de m s moyens de résistance. J'ai à mes ordres quarante-huit bataillons de volontaires nationaux, au complet de cinq cent quarante-six. Vingt régimens de ligne de quatre à cinq cents hommes audessous du complet, six bataillons d'infanterie légère et quiuze escadrons; total, quatre-vingt-quatorze bataillons et quinze escadons. La frontière des Pyrénées, sur laquelle les ministres m'ont rassuré jusqu'à présent, n'emploie que seize bataillons pour la garde des places d'Avignon, Arles, Montélimar, Valenc; l'inté rieur du pays où viennent de se passer des événemens si alarmans, en occupe seize; les gorges des....... et du pays de Gex, quatre; total, trente-six bataillons; il ne m'en reste donc que cinquante-huit; les places de Toulon, Antibes, Monaco, Embrun, Briançon, Grenoble et Barreaux, en occupent dix-neuf; il ne me reste donc que trente-neuf bataillons qui puissent tenir la campagne. J'en ai désigné dix à la défense du Var, et neuf à Camper. Le camp de..... est dans une position importante et nécessaire pour se defendre contre les troupes qui descendront dụ Piémont. Ces moyens très-faibles recevront du pays même le complément de force qu'assure un patriotisme pour qui la Constitution et la liberté sont tout, et pour qui les dangers et la mort ne sont rien. Je n'ai donc que vingt bataillons, tant pour tenir la position de....., dont tout le monde connaît l'importance, que pour fermer le chemin de Lyon. Pour peu que l'on retranche sur cette dernière ressource, il ne reste rien. Le pays auquel la nature et l'art ont refusé toute défense, est livré à l'ennemi, Lyon n'est qu'à quinze lieues des frontières; Lyon n'offre que des richesses à saisir, et peut-être de nombreux alliés à nos ennemis.

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Tel est le précipice qu'ouvrirait sous nos pas une disposition. qu'il est encore temps de changer. Les motifs qui l'ont inspirée sont sans doute d'une haute importance; mais il est possible aussi que, ne connaissant pas l'éminence du danger dont je viens vous offrir le tableau, on ait adopté un système que des notions plus justes feraient changer. J'ai cru remplir un devoir sacré en nie présentant moi-même pour vous dire ces importantes vérités. Je n'ai pas calculé dans l'état de forces dont je puis disposer, vingt et un nouveaux bataillons dont l'assemblée a décrété la levée, ni l'augmentation de deux cent trente-six hommes par bataillons de volontaires; 1o parce que ce recrutement de volontaires nationaux n'est pas, à beaucoup près, achevé; 2° parce que je n'ai pas encore d'armes à leur donner. Le ministre de la guerre m'en a promis incessamment dix mille, et peu après un autre envoi de douze mille. Mais ces envois rencontrent si souvent dans leur route des obstacles que l'égoïsme et la défiance opposent à leur passage, et d'ailleurs l'attaque peut être si prochaine, que je ne dois compter que sur ce qui se trouve aujourd'hui à portée de la frontière. Je sais bien que si l'ennemi paraît, tout ce qu'un peuple généreux a de bras armés se joindra à moi. Nous mourrons tous s'il le faut pour la cause de la liberté. Mais si vous nous enlevez ce petit nombre de disciplinés, dont l'instruction doit servir de guide au zèle inexpérimenté de nos braves citoyens, vous nous priverez des plus grands moyens de résistance et de victoire. Hier, par l'honorable approbation que vous avez donnée aux mesures des généraux du Rhin, vous avez pris un grand moyen d'accroître vos armées. Mais serait-il permis de vous en indiquer un peut-être plus efficace encore, pour donner tout à coup à nos forces militaires une force supérieure, et par le nombre et pár la qualité, aux forces de nos ennemis? Nous avons éprouvé à la guerre l'avantage de former en bataillons les compagnies de grenadiers et de chasseurs des régimens de ligne. Profitons de cette expérience; il n'est peut-être pas en France de département national qui n'ait formé avec prédilection des compagnies ou des sections de grenadiers ou de chasseurs. Ces derniers sur

tout sont l'élite des jeunes gens. En général ces compagnies sont bien armées, bien habillées. Un amour propre, très-louable, les a portés à s'exercer, à s'instruire, à se faire remarquer par un travail plus assidu. Qu'il soit permis aux généraux de s'entendre avec les départemens pour rassembler seulement la moitié de ces compagnies d'élite; qu'ils aient le droit de les réunir en bataillons, et de mettre à leur tête des chefs choisis parmi les commandans des gardes nationales en activité. Vous aurez tout à coup des corps excellens, des corps tout armés, tout équipés; des corps que, dès le lendemain, vous pourrez présenter à l'ennemi. La magie attachée au nom de grenadiers et de chasseurs aura son effet, et, par un seul décret, vous ferez sur-le-champ passer les armées françaises, de la plus désolante infériorité où elles se trouvent, à la plus imposante supériorité. C'est alors que vous donnerez véritablement à l'univers le glorieux exemple de l'énergie d'un peuple libre. Je remettrai au ministère de la guerre et à votre comité militaire, l'état de tout ce qui manque encore en armes, en effets de campemens, en munitions, en officiers généraux ; j'ose espérer de l'assemblée des secours sans lesquels le zèle est impuissant et le courage sans effet. Je conjure l'assemblée de prendre en considération le tableau que je viens d'avoir l'honneur de mettre sous ses yeux. »

M. Vergniaud. Votre commission extraordinaire a été chargée de vous présenter un rapport sur les dangers de la patrie, et sur les moyens de l'en garantir. Elle croit remplir en partie vos vues par le projet de décret dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture; projet dont les généraux de l'armée du Rhin et M. de Montesquiou nous ont fourni l'idée. Telle est notre confiance dans les heureux efforts qu'il doit produire, que nous ne balançons point à vous le présenter comme suffisant pour vous faire triompher des ennemis extérieurs, et même des trahisons que vous pourriez avoir à craindre dans l'intérieur. Elle s'occupera néanmoins d'une manière spéciale de satisfaire au décret que vous avez rendu hier; mais comme elle ne peut remplir que successivement les obligations que vous lui imposez, elle vous prie de

calmer à cet égard une impatience qui serait le signe de craintes indignes de vous, indignes de la nation, indignes des grandes ressources qui lui assurent la conquête de sa liberté et le maintien de sa Constitution, malgré tous les efforts des tyrans.

M. Vergniaud présente, et l'assemblée adopte un projet de décret dont voici les dispositions principales :

1o Les généraux d'armée, chargés de la défense des frontièresdu royaume, sont autorisés à user des moyens employés par les généraux de l'armée du Rhin, approuvés par le décret de l'assemblée nationale du 23 juillet présent mois. L'assemblée déclare ce décret commun à tous les généraux.

2o Dans le nombre des gardes nationaux de tout le royaume, qui sont à la réquisition des généraux, les compagnies de grenadiers, de chasseurs, de dragons nationaux et d'artillerie, pourront être à la réquisition des généraux pour un quart ou pour une moitié.

3o Les généraux indiqueront les lieux de rassemblement aux gardes nationaux convoqués; ils pourront indiquer des points particuliers de rassemblement aux grenadiers et chasseurs nationaux.

4° La formation des volontaires se fera d'abord en compagnies, puis ensuite en bataillons, les généraux auront soin de composer les compagnies avec les volontaires de chaque commune, ou des communes les plus proches les unes des autres.

5o Les volontaires convoqués nommeront eux-mêmes leurs officiers et sous-officiers. Le comité demandait que l'emploi de lieutenant-colonel fût réservé à la nomination des généraux. Cette proposition a été écartée.

Le comité demandait qu'il fût réservé exclusivement à des citoyens qui auraient servi huit aus.

Cette seconde proposition est encore écartée.

Tout est laissé au choix d'où raît la confiance si utile à de n' us velled truupes

G* Lòu vuieñlaitée qui exciderunt le nombre pressit pour

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