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tieuse avait déjà préparé ses bataillons; elle menaçait de vous dicter des lois, et de vous prescrire le genre de despotisme sous lequel vous devez gémir. Tous les Français ont demandé vengeance d'un outrage dirigé contre l'indépendance nationale, et vous avez commencé la guerre que vos ennemis avaient déjà déclarée de fait par leurs dispositions évidemment hostiles.

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Cet acte a accéléré le dénoùment de toutes les conspirations secrètes que le temps aurait encore rendues plus funestes à la liberté publique. Par un étrange renversement de la politique européenne, le successeur du grand Frédéric a arboré, en faveur de nos ennemis, les drapeaux triomphans à Lignitz et à Barkan; et le maître de la Silésie est compté aujourd'hui au nombre des alliés de la maison d'Autriche.

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La confédération germanique, dont l'indépendance est naturellement garantie par la France, qui seule peut la préserver de l'immortelle ambition de l'Autriche, a vu avec joie cette ligue formidable se former pour détruire votre Constitution; plusieurs princes même sont réputés y avoir accédé; déjà les armées ennemies ont inondé leur territoire; et à la faveur de la neutralité, les campemens, les quartiers, les magasins et les autres dispositions militaires s'exécutent sans inquiétude : le temps viendra où ces puissances, comme tant d'autres, aveuglées dans leurs propres intérêts, sortiront enfin de l'erreur dans laquelle elles paraissent se plaire aujourd'hui; la ligue du Nord prescrit à l'Europe entière une servitude générale, et montre de toute part un front menaçant; selon son système, la Pologne ne doit voir finir les horreurs de la guerre qu'avec le sacrifice de son indépendance; les libertés de l'Allemagne sont détruites par le changement de la politique prussienne; la France doit être livrée aux angoisses d'une guerre intestine, et aux coups fatals des bataillons étrangers; jusqu'à ce que, cédant aux torrens des maux qu'on lui prépare, elle soit livrée, dans un état de faiblesse, à la discrétion de ses nouveaux protecteurs; c'est alors que la balance politique étant renversée, le sort des autres puissances leur sera soumis, et que, forts de leurs soldats mercenaires, couverts de

fers et avides d'or, toutes les usurpations leur deviendront faciles. C'est aux Français à préserver le monde de ce terrible fléau, et à réparer la honteuse insouciance, ou la malignité perfide de ceux qui voient avec indifférence la destruction de tout genre de liberté sur la terre; les peuples courageux et sagement gouvernés sont la providence du monde; et les Français seuls, en combattant les ennemis communs du genre humain, auront la gloire de rétablir l'harmonie politique qui préservera l'Europe d'une servitude générale.

Quels que soient le nombre et les forces de nos ennemis, nous ne pouvons pas succomber dans la lutte sanglante, mais glorieuse qu'on nous prépare; un peuple immense qui sent ses forces et sa dignité, réuni d'intérêts et par les lois, protégé par une grande armée et des places fortes, sur un territoire qui, par sa contiguité et l'heureuse correspondance de ses parties, fournit une masse solide de puissance, ne peut jamais devenir la proie des rois combinés contre lui. Soumis comme nous à l'inconstance des événemens, aux dépenses incalculables de la guerre, et ayant un ennemi de plus à combattre dans la force et la vérité de nos maximes, le moindre choc doit renverser nos agresseurs et altérer leur accord; car jamais il n'exista de traité solide entre des ambitieux qui soutiennent la cause de l'injustice; mais les vrais Français, dont l'intérêt public a fait une confédération fraternelle, n'ont pas de défection à craindre; les dangers de la patrie exciteront le courage de ses enfans; c'est dans les dangers, dans les malheurs même, que les ames s'exaltent et réunissent toute leur énergie, nous avons tous contracté une dette immense envers le monde entier : c'est l'établissement et la pratique des droits de l'homme sur la terre.

La liberté, féconde en vertus et en talens, nous prodigue les moyens de l'acquitter tout entière; ils espèrent sans doute, nos ennemis, dans les dissensions passagères qui nous agitent; ils en augurent la désorganisation de notre gouvernement; non, nous n'accomplirons pas leurs coupables espérances; nous sentons bien que dans l'état des choses un changement dans nos

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institutions politiques amènerait nécessairement l'interrègne des lois, la suspension de l'autorité, la licence, le déchirement dans toutes les parties du royaume, et la perte inévitable de la liberté ; notre vigilance conservera sans détruire, mettra les traîtres dans l'impuissance de faire le mal, et avec la stabilité du gouvernement, nous ôterons aux ambitieux toutes les chances qu'ils se préparent dans les changemens et les révolutions perpétuelles des empires; ainsi, réunissant l'énergie à la sagacité, nous pourrons parvenir à des succès glorieux.

Le roi nous dénonce de nouveaux ennemis, et nous déclarons au roi que l'intention des Français et son devoir est de les combattre et de les repousser, quelque part qu'ils soient, tant qu'ils persisteront à se montrer nos agresseurs.

Le pays qui contient dans son sein les forces destinées à nous détruire n'est pas en droit de réclamer la neutralité; c'est lui qui l'a violée le premier, s'il a accepté de bon gré les bataillons ennemis, permis les magasins, l'établissement des quartiers et les autres préparatifs de guerre. Si, au contraire, il y a été forcé, ces troupes alors sont ses ennemis et les nôtres, et nous sommes en droit de les combattre; et ce serait une prétention bien étrange que celle de vouloir fixer les limites de notre défense à une neutralité violée par nos agresseurs, et qui sert d'appui à toutes leurs entreprises. Loin de nous de vouloir faire partager les horreurs de la guerre à ceux qui n'exercent pas d'hostilités envers la nation française; mais puisque leur territoire est le point d'appui de nos ennemis déclarés, il ne doit plus être sacré pour nous, et la justice nous autorise à faire les dispositions nécessaires à notre conservation, et à regarder comme soumis aux lois de la guerre tous les établissemens militaires que nos ennemis y ont déjà formés.

Telles sont les explications que vos comités ont cru nécessaires pour assurer la marche des opérations militaires contre toute crainte mal fondée qui pourrait s'élever dans l'ame de ceux qui commandent nos armées; ils m'ont, en conséquence, chargé de vous présenter le projet de décret suivant ;

L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des douze et de ses comités diplomatique et militaire réunis, déclare que le roi est chargé de repousser par la force des armes tout ennemi déclaré en état d'hostilités imminentes ou commencées contre la nation française, et de le faire attaquer et poursuivre partout où il conviendra, d'après les dispositions militaires. >

Ce projet de décret est unanimement adopté. ]

SÉANCE DU MATIN, 17 JUILLET.

La séance commença par des dénonciations. Ce fut d'abord une adresse des citoyens de Metz, qui dénonçaient le directoire du département, comme complice de La Fayette. Ensuite, ce fut le directoire de la Haute-Marne, qui dénonçait la société des Amis de la Constitution, de Langres, comme coupable d'avoir fait une souscription destinée aux volontaires qui voudraient se rendre à Paris à la Fédération, et annonçait qu'il la faisait poursuivre par les tribunaux. On applaudit au passage qui exprimait les pensées patriotiques de Langres; on murmura à ceux qui représentaient les sentimens dy directoire; et le tout fut renvoyé au comité des recherches. On vota l'établissement d'une nouvelle manufacture d'armes à Moulins; puis, sur le rapport de Carnot jeune, on décréta que le complet de guerre de l'armée de terre, serait porté de quatre cent quarante à quatre cent cinquante mille hommes. Les départemens devaient fournir d'abord, pour compléter les régimens de ligne, un contingent proportionné à leur population, et dont le total était fixé à cinquante mille hommes. De plus, pour atteindre le chiffre demandé, on faisait appel aux volontaires nationaux, qui devaient être organisés en bataillons particuliers. A cet effet, des commissaires nommés par les directoires des départemens, devaient convoquer tous les hommes en état de porter les armes, dans le chef-lieu de leur canton, et après avoir proclamé le danger de la patrie, ouvrir trois registres, l'un pour l'inscription des vétérans, l'autre pour l'engagement dans les troupes de ligne, le troisième pour la formation

des bataillons de volontaires. L'assemblée décida, de plus, sur la proposition de Lasource, que toute commune qui fournirait un corps armé, complétemént équipé, au-delà de son contingent, aurait bien mérité de la patrie.

En ce moment, une députation de fédérés, fut admise à la barre, et vint jeter dans l'assemblée une pensée de terreur de plus, au milieu des embarras auxquels elle opposait tant de décrets.

L'orateur. La nation est trahie. Cette vérité est maintenant aussi connue de tous les Français, qu'elle était facile à prévoir dès le moment où l'on confia à nos oppresseurs le soin de nous défendre contre nos ennemis, qu'eux-mêmes avaient appelés à leur secours ; que les tyrans ligués contre nous osent nous menacer, au nom du roi des Français, d'une servitude prochaine ; que des officiers plus que suspects, sont à la tête de nos armées, et commandent dans nos places fortes; que le sang des braves soldats de la patrie a été versé inutilement pour la cause de la liberté; que nos conquêtes sont abandonnées ; quo nos alliés sont indignement trahis et outragés par nos própres généraux; que ceux-ci essaient de corrompre nos armées, au lieu de les conduire à la victoire; qu'ils désertent leurs camps en présence de l'ennemi, pour venir conspirer à la cour et dans la capitale, pour venir, jusque dans le sanctuaire de la législation, menacer, avilir nos propres représentans; que nos ennemis du dehors ne dissimulent plus leur ligue impie; qu'au moment où ceux-ci sont prês d'être introduits dans nos places, les autres déclarent ouvertement la guerre au peuple français, qu'ils osént insulier par les dénominations de brigands et de factieux: il faut le dire, législáteurs, tous ces attentats qui supposent les crimes des plus exécrables tyrans dont les hommes aient conservé la mémoire, nous ne devons les imputer qu'à nous-mêmes, à nous qui avons stupidement laissé nos destinées entre les mains de nos anciens tyrans, à nous qui avons lâchement souffert tous les crimes de leurs agens et de leurs complices. (Les tribunes applaudissent.)

C'est à vous, représentans, que la nation a imposé le soin de

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