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qu'ils parlent déjà hautement de transaction. On assure que plus de cent soixante ont déjà pris des passeports. Certes, on ne doit, voir en eux que des traîtres à la patrie. Ces projets acquièrent encore plus de vraisemblance, quand on se rappelle tous les efforts que fait M. Diétrick pour royaliser Strasbourg, quand on apprend qu'il fait préparer les plus beaux appartemens à l'ancien palais de l'évêque ; quand on voit enfin le roi de Prusse porter de ce côté toutes ses forces. Sans doute, on imagine que la présence: du roi aplanirait bien des difficultés pour faciliter l'entrée d'un prince qui déclare ne venir en France que pour maintenir la Constitution et le pouvoir du roi.-Mais Biron est là. (Patriote français, n. MLXXIX.)

Quel était le but de Brissot en interprétant ainsi les mouvemens et l'agitation populaire dans un sens tout opposé à celui que leur donnaient les écrivains patriotes les plus énergiques? Pourquoi donnait-il le signal du système d'alarmes le plus propre à arrêter toutes les pensées d'insurrection dont étaient alors préoccupés tous les hommes purement révolutionnaires, et à jeter le doute sur les intentions mêmes des fédérés? Faisait-il autre chose par lá que protéger la cour? Avait-ils pris des engagemens avec elle? c'est ce que l'avenir nous apprendra. Mais, pour savoir combien, en faisant ainsi, Brissot agissait contre les projets de ceux avec lesquels il semblait, à la tribune, uni d'opinion, il nous faut aller examiner ce dont s'occupaient alors les hommes qui firent le 10 août.

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( CLUB DES JACOBINS, DU 12 AU 22 JUILLET.

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Dès le 2 juillet, au milieu des plaintes de toute espèce que laissaient échapper les orateurs sur toutes les fractions du pouvoir exécutif, sur la méthode suivie par les corps constitués avec une persistance infernale, et dont le résultat était une désorganisation, une anarchie, contre lesquelles les efforts des meilleurs citoyens et des plus chauds amis de la Constitution, eb ro

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allaient devenir impuissans. ( Discours de Merlin. Journal des Jacobins, n. CCXXV.) Au milieu des accusations contre La Fayette, et des justifications de la journée du 20 juin, « M. Réal vint exposer une théorie de l'insurrection; il proposa, dans la supposition où le danger de la patrie serait déclaré par un décret, de suspendre le chef du pouvoir exécutif de ses fonctions. M. Danjou proposa, comme mesure urgente, une convention nationale pour reviser quelques articles de la Constitution, tels. que le veto, la liste civile, la nomination des ministres, celle des généraux. (locum citum.) Ces avis furent écoutés avec calme, et l'assemblée ne se prononça autrement qu'en ajournant la discussion.

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I

Ces audacieuses propositions ne furent point répétées à la tribune des Jacobins. Mais mille accidens des discours et des discussions les plus ordinaires laissent apercevoir que l'on s'occupait de ces projets, soit dans des conversations intimes, soit dans des réunions moins publiques. Nos lecteurs en trouveront une indication assez claire dans les deux séances que nous avons rapportées précédemment, et particulièrement dans le discours de Danton (séance du 13). On voit que les paroles de l'orateur ont un sens secret, intelligible seulement pour les hommes avertis. D'ailleurs, tous les membres du club n'étaient certainement pas également instruits; et ce qui arriva à Lasource, dans cette même séance, en est une preuve.

La réunion des fédérés, après le 14 juillet, donna une nouvelle activité à ces pensées d'insurrection; et ce fut peut-être aussi la circonstance sur laquelle s'établit le premier noyau régulier de conspiration. Les Jacobins s'occupèrent beaucoup, dans leurs séances publiques, des moyens de conserver ces soldats de la patrie à Paris : ils n'épargnèrent point les exhortations, et ne négligèrent d'ailleurs aucun moyen de détail pour leur en rendre le séjour moins onéreux ou plus agréable; ils leur trouvèrent des logemens; ils leur offraient des dîners patriotiques, les conduisaient au théâtre. Par là, ils purent garder en quelque sorte chez eux cette petite armée, à la disposition de

ses chefs. Quant à ceux-ci, ils en étaient sûrs; ils avaient avec eux une complète fraternité d'intelligence révolutionnaire et de projets. Enfin, pour soutenir la fidélité des soldats, de temps en temps un membre de l'assemblée nationale, ou de la commune de Paris, tel que Manuel, venait jeter quelques mots propres à inspirer la confiance dans l'avenir et la persévérance dans le présent.

Après le 14 juillet, il se forma un comité central des fédérés, qui se réunissait dans le local même des Jacobins. Nous ignorons comment il fut nommé, ou s'il se nomma lui-même. Nous ignorons qui le présidait; nous n'avons trouvé que le nom de Mazué, indiqué comme celui du président de la séance du 10 août. Nous ignorons également quels en étaient les membres. Les événemens nous en indiqueront par la suite quelques-uns. On doit, d'ailleurs, considérer comme positif, que les principaux meneurs du club communiquaient, et souvent délibéraient avec lui. A ce titre, Robespierre en faisait certainement partie.

Le comité central ne dirigeait pas seulement les fédérés ; il communiquait encore avec quelques sections de Paris; entre autres celle de Mauconseil. (Voyez Journal du club des Jacobins, n°s CCXXXV, CCXXXVI, CCXLVII.)

SÉANCE DU 12 JUILLET. M. Robert demande que le nom de fédérés donné aux hommes envoyés des départemens, soit remplacé par celui d'insurgés, qui seul leur convient. - Ordre du jour.

Robespierre dénonce Marta, qui a inséré dans le journal du soir, un compte rendu de son projet d'adresse ; et lui a attribué d'avoir donné aux Marseillais le conseil de ne point quitter le champ de la fédération sans avoir vengé les victimes de la loi martiale.

M. Taschereau appuie Robespierre, et accuse Marta de plusieurs autres marques d'incivisme.

La société décide que l'écrivain coupable est expulsé de la société.

Divers fédérés se succèdent à la tribune, et déclarent qu'ils

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ne quitteront Paris qu'après que l'assemblée nationale aura mis
́en activité le pouvoir exécutif national; ainsi parlèrent les ora-
teurs des fédérés et de la Charente. Nous sommes chargés
de demander la destitution du roi, dit l'orateur de la députation
du Calvados. Si l'assemblée nationale n'a pas le droit de ren-
dre la souveraineté au peuple, dit celui de la Drôme, le peuple
la reprendra. Et nous, nous demandons de l'union et des
armes, ajoutèrent les fédérés du Doubs.
Et nous,

nous ver

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serons tout notre sang pour la défense de nos droits, s'écrièrent ceux de la Côte-d'Or. » Ensuite on se donna l'accolade fra

ternelle.

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Il fut décidé que le procès-verbal de cette séance serait imprime et distribué.

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SÉANCE DU 15. —‹ Le commissaire chargé par les fédérés de faire un rapport sur plusieurs de leurs propositions, commence ce rapport. Il expose que la première réflexion qu'ont faite les commissaires, a été qu'ils ne devaient former qu'une seule armée, qu'un seul corps, avec la garde nationale parisienne, malgré les insinuations perfides de l'état-major parisien ; qu'en conséquence il fallait communiquer, aux bataillons de Paris, les pétitions qu'ils s'étaient proposé de présenter à l'assemblée nationale.

La seconde réflexion des commissaires est que cette armée pourra néanmoins être divisée en plusieurs sections, pour la défense de divers points, tels que Paris et l'assemblée nationale... Mais comment se former, tandis qu'une partie est encore dans les départemens, qu'une autre portion est en route, et que le reste est à Paris. Les volontaires fédérés veulent bien verser jusqu'à la dernière dernière goutte de leur sang; mais ils ne veulent pas être envoyés à la boucherie; ils ne veulent marcher que, conformément aux décrets, sous des chefs qu'ils se seront choisis il est donc physiquement impossible qu'ils partent et qu'ils se divisent, dit le rapporteur, car alors on ne manquera pas d'envoyer au milieu d'eux des épauletiers avec des fragmens de la liste civile, pour les travailler, les fatiguer. Il est donc important qu'ils ne fassent qu'un avec la garde nationale parisienne; qu'ils

ne se séparent point avant de s'être tous réunis; mais, pour cela, il faut pourvoir aux moyens de subsistance, dont plusieurs ont besoin, et proposer à cet effet une souscription, et se concerter sur cela avec M. le maire.

» Un député du Calvados. La grande question du salut de la patrie a été agitée parmi les commissaires, et la première chose que nous avons pensée, c'est que c'était dans la Constitution qu'il fallait prendre les moyens de la sauver. Notre dessein, en venant à Paris, a été de rassembler, autour de l'assemblée nationale, une force suffisante pour lui donner l'assurance dont elle a besoin pour rendre les décrets nécessaires au salut public. Nous avons donc cru qu'il fallait lui demander un décret pour former un camp de soixante mille hommes dans le Champ-de-Mars, et un autre camp, plus ou moins considérable, où l'assemblée nationale jugera convenable, dans l'enceinte des trente mille toises de son arrondissement.

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› Cette mesure a été unaniment admise par le comité, et nous n'avons rien voulu proposer autre chose, pour ne pas nous exposer à nous voir repousser, dans toutes nos demandes, par l'aristocratie de certains membres de l'assemblée nationale. Nous n'avons pas voulu parler de la punition de La Fayette, que nous obtiendrons, ni de la destitution des départemens, que nous aurons aussi,

» Ce que nous avons bien arrêté, et ce qu'il est important de proclamer tout haut, c'est que ce sera dans la Constitution, et dans la Constitution seule, que nous puiserons les moyens de sauver la patrie; que les Jacobins maintiendront de tout leur pouvoir la Constitution, jusqu'au moment de la révision fixée par la Constitution; et que ce ne sera qu'après avoir épuisé tous les moyens qui sont dans la Constitution, que, si le salut de la patrie l'exige, nous emploierons alors ceux qu'il pourra nous commander, ...

› Notre premier objet est donc de demander un camp pour le soutien de l'assemblée nationale; et un tel décret n'étant pas su, jet à la sanction, il peut avoir son effet sur-le-champ. Un député nous a fait entendre qu'il ne fallait faire cette demande qu'avec

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