Page images
PDF
EPUB

FEUILLE VILLAGEOISE,

ADRESSÉE, CHAQUE SEMAINE,

ATOUS LES VILLAGES DE LA FRANCE,

POUR LES INSTRUIRE

Des Loix, des Événemens, des Découvertes qui
intéressent tout Citoyen:

PROPOSÉE PAR SOUSCRIPTION

Aux Propriétaires, Fermiers, Pasteurs, Habitans et
Amis des Campagnes,

A 7 liv. 4 sols par an, Franc de Port.

L'ignorance du bien est la source du mal.

A PARIS,

Chez DESENNE, Libraire, au Palais-Royal, No. i et

1790.

Phated In France,

AVERTISSEMENT. I

[ocr errors]

LES curés sont les précepteurs de la religión. Cet emploi important, à tous égards, le deviendroit encore plus, s'il ajoutoit à l'instruction chrétienne l'instruction civile. Ce seroit donc une sage pensée, et une idée vraiment pastorale, de rassembler dans leur maison, ou dans la maison municipale, ou dans la cour des anciens châteaux, ou dans l'église villageoise, les principaux paysans, pour leur lire, chaque dimanche, notre Feuille, et pour leur expliquer les passages qui ont besoin d'être éclaircis ou commentés. Au défaut des curés, les chapelains, ou même les possesseurs des châteaux, pourroient rendre aux villages ce salutaire office, et s'acquérir par là une domination bien préférable à celle qu'ils ont perdue. Au lieu de vassaux, ils auroient des disciples et des prosélites. Si le pasteur, le chapelain, ou le riche du hameau, ne pouvoient se charger de cette honorable instruction, les chirurgiens de la campagne, qui pour l'ordinaire sont animés d'un zèle patriotique, pourroient former chez eux une sorte d'école ou de club; et là ils développe roient nos préceptes; ils répondroient aux questions, et si quelquefois ils avoient besoin de nous consulter, ils nous écriroient, en affranchissant le port des lettres, aux frais de la petite communauté. Cette correspondance pourroit contribuer à rendre notre Feuille plus utile. Nous nous sommes bornés dans ce premier numéro à exposer aux villageois nos vues générales.pour leur instruction. Elle cominientera second.

2-1-46 43841

N°.

I.

AUX

HABITANS DES CAMPAGNES,

SUR le but et l'objet de la Feuille Villageoise.

C'EST

EST pour vous que nous écrivons, paisibles. habitans des campagnes; il est tems que l'instruction parvienne jusqu'à vous. Ci-devant, elle étoit renfermée dans les villes où de bons livres ont insensiblement éclairé les esprits, et préparé la révolution dont vous avez recueilli les premiers avantages. C'est par la lecture qu'ont été cultivés ces hommes courageux que vous aviez chargés de vous représenter, et de défendre vos droits : c'est

Far la lecture que vous apprendrez vous-mêmes à connoître vos droits, et à les conserver. Vous n'avez pas sans doute, l'ambition, ou du moins. le loisir d'aspirer à des connoissances très-étendues; tais il en est qui doivent être précieuses à tous les. habitans de la France, et qu'il est indispensable pour vous d'acquérir. Nous avons vu le tems où Ten n'avoit pas honte d'assurer que l'ignorance de voit être votre partage; c'est que l'ignoranee de ceux qui sont gouvernés, semble faire la sureté de ceux qui gouvernent; c'est que des puissans qui abusent, craignent toujours d'être observés. Ce tems d'obscurité n'est plus. Un nouveau gouvernement va succéder à celui qui, d'abus en abus, avoit accumulé les maux sur tous les rangs et toutes les conditions. Il se soutenoit par les préjugés qui entretiennent l'ignorance, ou par l'autorité qui impose silence, aux réclamations et aux plaintes. Celui

auquel vous allez être soumis, ne peut se soutenir que par les lumières; il se fortifie par l'instruction; il se nourrit, dans chacune de ses parties, par l'émulation et par les connoissances que chacun y apporte; il se remote par la surveillance de tous ceux qui l'étudient et qui l'observent: il périroit,

s'il n'étoit éclairé.

Cependant, habitans des campagnes, vous participez à ce gouvernement. Vous avez le droit d'élire ceux qui vous représentent, vous-mêmes pouvez être élus; vos concitoyens peuvent vous confier quelque partie de l'administration de vos affaires communes; et quand même vous n'aspireriez à aucune de ces places honorables, vous devez en connoître les devoirs et les fonctions, pour obéir à ceux qui y ont été élevés, pour juger s'ils sont dignes de votre confiance. Enfin, le droit et le devoir de chacun de vous, est d'étudier ses loix, afin d'apprendre à leur obéir. L'obéissance aux loix est le premier des devoirs ; mais elle est bien plus franche et plus assurée, lorsque les loix sont connues de ceux qui obéissent, que lorsqu'elles ne leur parviennent que par des ordres arbitraires dont il ne leur est pas permis d'examiner les motifs. Les décrets de l'assemblée nationale ne sont pas tous arrivés jusqu'à vous ; quelques-uns vous ont été présentés de manière à vous séduire et à vous tromper; sur-tout vous ne connoissez pas la liaison qu'ils ont entr'eux; et si plu→ sieurs vous ont instruit des bienfaits, inattendus peut-être, qu'ils vous apportoient, vous n'avez pas eu le tems d'apprendre les obligations qu'ils vous imposent.

Vous avez une nouvelle constitution: vous ne pouvez vous dispenser de la connoître, car elle

a été faite pour vous comme pour tous les autres François. Vos représentans ont même senti que les campagnes étant les nourricières de l'Etat pour lequel elles se couvrent, tous les ans, des productions qui l'alimentent, c'étoit sur les habitans des campagnes que devoient se porter les plus grands bienfaits de la constitution nouvelle. Elle va bientôt être achevée: c'est ce moment que nous saisissons pour vous la faire connoître. Tout vous invite à poursuivre vos travaux, à vous laisser aller au courant des nouvelles institutions et de l'ordre qu'elles ont établi; et c'est dans ce repos de vos ames long-tems agitees, c'est dans le doux loisir qu'il vous prépare, qne vous pourrez vous livrer aux lectures que nous vous offrons. Amis des champs et de la nature, nous ne pouvons avoir de plus douce jouissance que de penser que les habitans des champs vont être heureux. Mais il faut qu'ils connoissent eux-mêmes leur bonheur, et ce n'est pas dans les discours vagues d'une conversation peu réfléchie, qu'ils pourront s'instruire de leurs loix et de la liaison qu'elles ont entr'elles. S'ils consentent à s'abandonner à nos soins, ils trouveront dans la suite de ces feuilles, les principes et les détails de la constitution qu'ils ont juré de maintenir. Nous leur présenterons le sens des décrets portés par l'assemblée nationale et sanctionnés par le roi; nous les leur offrirons dans un ordre facile, et nous tâcherons qu'ils apprennent à aimer chaque loi qu'ils auront appris à connoître.

Jusqu'ici, le paysan, attaché encore à la glebe, ne connoissoit point les relations de la France avec ses voisins, ou il ne recevoit que de fausses idées à cet égard. Tout habitant d'un pays libre doit cepen

A 3

« PreviousContinue »