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fons de jeu, ou plutôt de ces repaires, où une feule paffion raffemble autour d'elle tous les vices: li vient de paroître tout àl'heure un nouvel édit fur cet objet, qui étend les prohibitions des jeux de bataid des maifons publiques aux maifons privées, & qui prononce des peines plus févères contre les infracteurs de cette loi fi néceffaire aujourd'hui dans toute l'Europe. Il eft bien vrai qu'on ne fait pas naître les bonnes mœurs par des loix pénales, mais les ma fons de jeu ne bleffent pas feulement les vertus, elles troublent prefque toujours l'ordre focial, & par là elles rentrent fous l'infpection du pouvoir national qui gou

verne.

Un Prince qui gouverne avec des vues fi morales ne pouvoit pas fe mettre au nombre des ennemis de la France : le DucRégent paroît entièrement difpofé à garder la neutralité, & c'eft un grand contraste de plus, & tout entier à fa 3 entre lui & Guftave III, qui, par fes fureurs & par fes courfes contre la révolution françoise avoit mérité d'être appellé le Chevalier errant des Defpotes.

Le Duc-Régent, perfuadé que les inftitutions les plus diverfes par leur nature doivent être également dirigées par le caractère propre au Gouvernement de l'Empire, & que la force d'un Peuple libre ne doit pas reffembler aux armées d'un Roi

abfolu, prépare une nouvelle organisation des troupes de la Suède. Dans cet objet, il a appellé, pour le 19 du mois prochain, à Stockholm, les Chefs & les Capitaines de tous les régimens.

POLOGNE.

De Varfovie, le 8 Août 1792.

Il s'imprimoit à Varfovie, fous le titre de Gazette Nationale, un Journal qui profelfoit & qui répandoit les principes de la nature, de la raifon & de la liberté. L'Auteur de cette Feuille n'avoit pas cru devoir fuivre l'exemple de lâcheté que lui avoit donné le Roi. En préfence des Ruffes, & en quelque forte fous leurs bayonnettes, il écrivoit que l'introduction des armées étrangères étoit une trahifon; que les rebelles étoient ceux qui agiffoient contre la volonté générale de la Nation. La Gazette nationale a été fupprimée, & ce qui peut furprendre davantage, le Gazetier n'a pas été égorgé. En profcrivant le Journal, on a même effayé de le refuter. De telles abfurdités, difent les organes de la législatrice de toutes les Ruffies, ne peuvent être fouffertes dans le moment où on eft occupé de la régénération de la République. Ce feroit affurement une étrange République que celle à laquelle Catherine donneroit des

loix...,& le monde entier fait comment cette femme chargée de tant de crimes régénère! On peut efpérer encore que la Pologne fe relevera de l'abjection où fon Roi a voulu la mettre, & que le Roi feul y reftera. Dans Varfovie même, au milieu de cette ville infortunée où commandent aujourd'hui les Ruffes, on entend des paroles, on voit des fcènes où refpire l'invincible amour de la liberté. Un de ces hommes qui ne prononcent pas un vain mot lorfqu'ils difent qu'ils aiment mieux - mourir que de porter un autre joug que celui des Loix, le Prince Jofeph Poniatowski eft arrivé dans cette Capitale, & pour fe montrer fans doute au Peuple qu'il n'abandonnera point, il eft allé, dès le foir même, au fpectacle. A la vue de ce fidèle

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Général l'attendriffement & l'enthousiasme ont été extrêmes & à-peu près univerfels. A l'inftant, il a été à lui fenl, le fpectacle. Une multitude immenfe l'a environné, l'a preffé, l'a élevé fur fes bras dont elle lui formoit comme un pavoi: De toutes parts retentifoient les cris de vivent les Patriotes, periffent les Ruffes et les traîtres! & les Ruffes étoient là: ils ont entendu ces cris, ils en ontfrémi; mais ils ont contenu leurs mour vemens & le fang n'a point coulé. Il ne faut pas croire que ce foit dans quelques occafions feulement & dans ces fpectacles qui émeuvent les ames les moins fenfibles

que les Polonois manifeftent de telles dr politions. Tout annonce qu'elles font conftantes dans ce Peuple qui a été tourmenté par l'anarchie, mais non pas avili par un tranquiile defpotifme. On affure que le Roi lui-même eft tellement perfuadé que les Polonois ne porteront pas long-temps le joug qu'on leur a impofé, qu'il eft dans le dfin d'abdiquer la Couronne & de voyager en Italie un tel voyage convient à un Prince qui, après avoir joui de la gloire de fe montrer à la tête d'une grande révolution, a manqué lâchement a fa gloire & à la liberté! Là, il ne verra parmi les hommes vivans que des efclaves, & fi les images de la liberté fe préfentent quelquefois à fes yeux, ce fera dans les portraits de ces grands hommes de l'antiquité auxquels on ne croit plus.

De Francfort-fur-le-Mein, le 10 Août.

Cette légion de Mirabeau qui répandoit l'epouvante dans les villages d'Allemagne, & dont on ne parloit plus depuis longtemps, commence à faire parler de nouveau des affronts au moins qu'elle reçoit. Mirabeau vouloit fervir dans l'armée du Prince de Hohenlohe le Prince a chaffé ces espèces de Condottieri & le Chef de leur bande. Mirabeau, qui croit être à lui feul une armée, a voulu fe porter près de Philif

l'ont fait déloger; il a cru trouver un camp à Kehl; les Autrichiens l'ont prié de fe mettre un peu à diftance. Il ne faut pas croire que tous les Emigrés François foient trai tés comme Mirabeau parmi les Autrichiens &les Pruffiens. La politique des Emigrés eft de faire croire qu'ils ne font rien dans les armées pour ne pas allumer contre eux toute la fureur des reflentimens de la Nation Mais les Emigrés font au nombre de 10000; ils favent faire la guerre, & nul ne peut la faire avec plus de rufe qu'ex contre leur pa trie: ils connoiffent les chemins, ils parlent la langue de la France; ils ont des intelligences dans leur pays qu'ils ravagent; en changeant de cocarde les voilà de parfaits efpions: il eft impoffible que les Pruffiens & les Autrichiens dédaignent de fe fervit de vingt mille hommes qui peuvent leur rendre de fi grands fervices; on lit en effet dans toutes les Gazettes de l'Allemagne qu'ils fervent ou comme incorporés dans les armées étrangères, ou comme formant des corps à part.

De Manheim, le 13 Août.

Un grand nombre de ci-devant Confeillers & Préfidens des ci-devant Parlemens de France le font répandus dans ce pays & déjà ils commençoient à tenir des confé

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