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obfervoit en fubftance M. Coubé du Tarn, » En preffant cet argument inéludable, il propofoit à l'Affemblée d'aller établir fes féances à Rouen ou dans telle ville où les citoyens refpectent, où les magiftrats font règner les loix.

L'Allemblée a mis aux voix & rejetté cette propofition, & décrète qu'elle lève la fufpenfion de M. Pétion, annulle le renvoi aux tribusaux quant à la conduite administrative du maire; ajourne la décision fur la fufpenfion du procureur de la commune jufqu'à ce que celui-ci ait été entendu, ordonne que le préfent décret fera envoyé, ce foir, par le pouvoir exécutif, à la municipalité & au département, & enjoint au miniftre de la juftice de rendre compte, fous trois jours, des pourfuites qui ont dû être faites contre les fauteurs des défordres du 20 juin ; article contenant une fingulière contradiction puifqu'il inculpe d'impofture manifefte le vertueux maire dont les rapports n'ont ceffé d'affirmer qu'il n'y avoit cu aucun défordre.

Malgré le vœu très-prononcé d'un grand nombre de Départemens & de villes contre les attentats du 20 Juin, le Maire de Paris a été déclaré irréprochable, & fon triomphe a éclaté à la Fédération, où le Peuple n'a ceffé de crier : Vive Pétion, vive le vertueux Pétion. Son nom étoit fur les chapeaux & les bannières des fociétés populaires. La préfence du Roi, de la Cour perfécutée, facrifiée, donnoit encore un re

lief de plus, quelque chofe de piquant au patriotifme de M. Peion & de fes nombreux adorateurs. C'étoit en effet un rafinement digne de leur civifme que l'aviliffement du Monarque, infulté par les applaudiffemens même qu'en prodiguoit à fes plus acharnés perfécuteurs.

Cette Fête, au refte, fi l'on en excepte la Garde Nationa de Paris le décemment & militairement tenue, a répondu, fuivant nous, à l'idée qu'on peut fe faire d'un raf femblement déforganifé d'hommes armés & de peuple en mouvement. On y voyoit des piques, des fabres portés par des femmes, par des enfans; les emblêmes de la Liberté Françoife exécutés en carton, les attributs, les maximes de la Révolution portés au haut de bâtons peints aux trois couleurs. Cette multitude échauffée étoit précédée, fuivie, entremêlée de détachemens de Corps militaires & civils, fur-tout des Gardes Nationaux venus des Départemens; enfin, de la Municipalité de Paris, du Département & de l'Affemblée Nation nale. Arrivés au Champ-de-Mars, tous ces Corps fe font placés aux lieux qui leur avoit été affignés: on y exécuta un morceau de mufique. & le ferment, tánt de fois renouvellé, fut prononcé par l'Af femblée Nationale, le Roi, & enfuite le Peuple, fur ce qu'on nomme l'Autel de la Patrie.

Nous ignorons ce que peut être une cérémonie de ce genre chez une Nation riche, puiffante & policée; mais ce que nous pouvons affurer, c'eft que rien n'annonçoit dans celle-ci la coopération, la marche uniforme, la Fédération du Peuple François. Au moins peut-on dire qu'une : multitude de Soldats arrivés des provinces, quelques détachemens de troupes, des femmes, des enfans, des gens deguenillés en très-grand nombre, portant des piques, des emblêmes de carton groffièrement faits, des branches d'arbres, & revenant le foir le long des rues ivres, ou fe difputant avec les paffans, chantant les Ariftocrates à la lanterne, la Fayette eft un f.... gueux: infultant à la bonté, au malheur de leur Roi; on peut dire qu'une pareille cérémonie n'a véritablement rien de grand, & qui réponde à la puiffance de la Monarchie Fran çoife.

On doit cependant avouer que fi cette Fêté n'avoit rien de grand, rien qui approchất niême de celle de 1790, tout s'eft paffé avec une tranquillité ordinaire, & qu'aucun des complots annoncés, peut-être même provoqués par les placards fanatiques & les difcours des Clubs, n'a troublé le triomphe de la fouveraineté des piques & de MM. Pétion & Manuel; ce dernier s'y fit tranfporter en litière, comme une pièce effentielle à la cérémonie.

Le Roi s'y trouvoit dès onze heures du matin. Sa Majesté étoit partie des Tuileries à dix heures & demie, ayant dans fa voiture la Reine & fes enfans, Madame Elifabeth Mefdames de Lamballe & de Tourzel. Les Miniftres étoient à pied aux portières. La voiture étoit immédiatement précédée, par trois Officiers du fervice de Sa Majesté, à cheval avec quatre Cavalcadours & dix Pages en avant. Dans la voiture qui précédoit étoient MM. de Brezé, Nantouillet,. Touzet, Montmorin jeune, de Saint Prieft Fleurieu, Champcenet & de Poix; dans celle qui fuivoit étoient Mefdames d'Offun de la Rocheaymon, Serent, Tarente & de Maillé.

Deux colonnes de Grenadiers marchoient des deux côtés du cortége, que commandoient MM. de Witingkoff, Boiffieux & Menou.

La partie de la colonne des Fédérés, des Gardes nationales, des femmes, des enfans, des gens à piques qui précédoit l'Affembléé ayant défilé dans le Champ-de-Mars fous le balcon où le Roi étoit avec fa Famille, S. M. eft defcendue précédée des Officiers nommés ci-deffus & s'eft placée à la tête de l'Affemblée entre le préfident & un autre Membre, le refte fuivant en colonne de 4 à 5 de front; de chaque côté étoit une colonne de Gardes nationales & de Troupe de ligne avec quelques Cavaliers faifant ouvrir le paffage.

A l'inftant où le Roi eft monté à l'Autel pour prononcer le ferment exigé, un grouppe de 30 à 40 prétendus vainqueurs de la Baftille, portant le modèle de ce Château & ayant à leur tête deux ou trois Orateurs forcenés, étoient parvenus au haut des gradins allez près de Sa Majesté & par Toilloient chercher à troubler la tranquillité en propofant de fubftituer au ferment de la Conftitution qu'ils difoient imparfaite, ceJui de vivre libre ou mourir pour achever la conquête de la liberté.

Ils ajoutoient, en provoquant, en quelque forte, des Membres de l'Affemb.ée, qui étoient près d'eux, qu'ils avoient bien fait de leur rendre l'etion lans quoi ils les en auroient fait repertir, & l'auroient porté aujourd'hui fur l'Autel de la Patrie pour le réintégrer eux mêmes au nom du peuple ils crioient: vive l'Affemblée tant qu'elle fera d'accord avec le Peuple.

Le Roi a montré le plus grand calme & la plus grande férénité pendant toute la cérémonie. Après le ferment il a été reconduit à l'Ecole Militaire où il eft remonté dans la Voiture avec fa Familie, & le même ordre qu'en allant a été obfervé au retour. Il eft arrivé au château des Tuileries à fept heures pallées.

On a remarqué qu'autant les Fédérés de 1790 montrèrent de zèle & d'attachement pour la Monarchie, autant les Provinciaux

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