Page images
PDF
EPUB

primer. Fait le 26 mars 1711.— M. R. DE VOYER D'ARGENSON.

Registré sur le livre de la communauté des libraires et imprimeurs de Paris, no 193, conformėment aux reglements, notamment à l'arrest de la Cour du parlement en datte du 3 decembre 1705, ce 27 mars 1711. - DE LAUNAY, syndic.

que la censure de la police. On n'a de lui, c'est toujours Piron qui parle, que les Approbations des sottises sans nombre de son temps, sous le nom factice de Passart. A sa mort, ce bel emploi, bon pour ses pareils, fut donné au celèbre auteur de Rhadamiste. » Au sujet de cette succession, Piron fit une épigramme à laquelle les lignes que nous venons de citer servent de commentaire. Voici l'épigramme :

Dieu des vers, sous ton pavillon

Qu'on vogue bien à la male heure!
Pour placer le grand Crebillon,
Il faut que le gros Cherier meure.
Quelle place! Pour moi, j'en pleure.
Examiner avec degout

Nos rogatons de bout en bout !

Du moins l'autre (en paix soit sa cendre)

Approuvoit ou reprouvoit tout

Sans lire ou sans y rien entendre.

OEuvres complètes d'Alexis Piron, édit. Rigoley de
Juvigny, in-8, t. 7, p. 240.

En disant qu'on n'avoit de l'abbé Chérier que ses approbations de censeur, Piron s'est trompé. Il a écrit dans le burlesque; il a été l'un des successeurs du comte de Cramail, l'un des devanciers de M. de Bièvre. Ainsi, en 1725, il donna l'Homme inconnu, ou les Equivoques de la langue, dédiées à Bacha Bilboquet. A la page 53 de leur 2e volume d'avril 1775, les auteurs de la Bibliothèque des

Romans reproduisent cette bouffonnerie, et donnent, comme préface, des détails sur Chérier: « Nous savons de quelques gens qui l'ont connu que c'étoit un plaisant de profession et de caractère, mais souvent fort agréable. Il fit imprimer son Homme inconnu, à la suite d'un Ana de sa façon intitulé Polissonniana, qui est un excellent extrait des bonnes ou mauvaises plaisanteries connues avant le temps où il écrivoit. Comme pendant 90 ans le goût avoit eu le temps de se perfectionner, l'Homme inconnu vaut mieux que le Courtisan grotesque.»

[graphic][ocr errors]

Catechisme des Normands1.

Catechisme des Normands, composé par un docteur de Paris.

D

Normand?

emande. Etes-vous Normand?

Réponse. Oui, par la grace de ma naissance et par la grace de mon intrigue. D. Qui est celui qu'on doit apeller

R. C'est celui lequel, etant né d'un père normand, naturellement intriguant, fait profession exacte d'une intrigue dissimulée.

D. Qu'est-ce que l'intrigue dissimulée?

R. C'est celle que le Normand a apris de ses ancêtres, et qui la communique de père en fils.

D. Est il necessaire au Normand d'avoir cette intrigue dissimulée?

R. Oui, s'il ne veut agir contre l'inclination naturelle de la nation normanique.

1. Cette pièce se trouve à la suite de celle qui a pour titre Catéchisme des courtisans (Cologne, 1668, pet. in-12), et que nous avons reproduite dans notre tome 5, p. 75

Du signe du Normand.

D. Quel est le signe du Normand?

R. C'est d'être toujours prêt à faire de faux serments en faveur de celui qui lui donne le plus d'argent 1.

D. Comment fait-il le signe?

R. En tenant ses mains dessus sa tête pour affirmer plus hardiment le faux serment qu'il fait pour vil prix, et les rabaissant lorsqu'on lui fait offre de plus d'argent qu'il n'en a reçu pour les léver, afin d'affirmer effrontement le contraire de son premier

serment.

D. Pourquoi fait-il le signe de la sorte?

R. Pour tromper et decevoir ceux qui ont confiance en ce signe, auquel il prend plaisir. D. Quand le Normand fait-il le signe?

R. Depuis son berceau jusqu'au dernier soupir de sa vie.

De la fin du Normand.

D. Quel est la fin du Normand?

R. C'est de trahir ses plus grands amis.
D. En quoi consiste le dessein du Normand?
R. Il consiste à etablir sa fortune aux depens du

1.

Celui dont parle Chicaneau (les Plaideurs, act. I, sc. 6):

Un grand homme sec, là, qui me sert de témoin,
Et qui jure pour moi lorsque j'en ai besoin,

est de la même race.

bien d'autrui et de l'honneur du prochain, sans épargner sacré ni profane.

Des moyens de parvenir à cette fin.

D. Par quels moyens parvient-il à cette fin? R. Par quatre moyens, sçavoir : l'infidelité, tromperie, haine et mechantes actions.

D. Qu'entendez-vous par l'infidelité?

R. J'entends que le Normand ne garde jamais la parole qu'il a promise.

D. Que devons nous croire du Normand?

R. Que c'est le plus grand fourbe du monde.
D. Expliquez-nous ce mot de fourbe?

R. C'est-à-dire qu'i est naturellement trompeur.
D. Comment trompeur?

R. C'est en proferant des paroles contraires aux pensées de son cœur, louant par paroles ceux qu'il blâme en lui-même, flattant et caressant ceux qu'il aime le moins, baisant ceux qu'il dechire par ses fausses impostures comme un Judas, aplaudissant les discours d'autrui, pour exciter à les continuer, afin d'en tirer une mauvaise consequence.

D. Vous dites que le Normand parvient à la haine?

R. Oui; mais il faut entendre comment, parceque, quand le Normand haït quelqu'un, il ne lui decouvre pas sa haine ouvertement; au contraire, il la dissimule et retient dans son coeur, il flatte et loue celui qu'il haït le plus, et le baiser du Normand est un veritable signe de la haine qu'il a dans

son cœur.

« PreviousContinue »