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persévéraient dans leurs conclusions. Les débats fu rent clos de nouveau, et la Cour mit la cause en, délibéré pour prononcer à l'une de ses premières audiences.

:

Dans la soirée dudit jour, 29 ventôse, la dame Tongries mourut inopinément : on conçoit que cet événement dut inspirer d'autres désirs à la famille, de son mari, sur la nature des capitaux et dettes actives ses intérêts à cet égard étaient changés du tout au tout en effet, si ces objets étaient meu-s bles, ils passaient en totalité au mari survivant, et après sa mort, qu'on considérait comme prochaine, à ses proches si, au contraire, ils tenaient nature' d'immeubles, la famille de l'épouse prédécédée avait› la moitié de la nue-propriété.

Les tuteur et subrogé tuteur tentèrent donc de revenir sur ce qu'ils avaient énoncé dans divers actesí et dans les plaidoiries sur l'immobilisation.

A cette fin, ils donnèrent assignation, et conclurent à ce qu'il fût dit que, par le décès de l'épouse Tongries, la cause était devenue sans objet..

Dans l'état où étaient la cause et les parties, qu'y avait-il à décider? D'abord la question de procédure, ensuite de la nouvelle demande des tuteur et subrogé tuteur; et, s'il y avait lieu à prononcer au fond, il fallait décider à qui avait dû appartenir l'admi-. nistration de la communauté et déterminer, d'après les dernières plaidoiries et les, actes antérieurs, la. nature des capitaux et des dettes actives.

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En principe, la mort d'une des parties n'arrête,

pas la prononciation de l'arrêt, lorsque l'instruction est totalement achevée. Art. i.er, titre 26 de l'ordonnance de 1667.

*

Le code de procédure a la même disposition dans son article 342.

« Le jugement de l'affaire qui sera en état ne sera a différé, ni par le changement d'état des parties, <<< ni par la cessation des fonctions dans lesquelles « elles procédaient, ni par leur mort, ni par les « décès, démissions, interdictions ou destitutions de « leurs avoués. »

Cette règle est cependant susceptible d'exceptions: si, par exemple, c'était la partie survivante qui demandat que le jugement fût différé, pour assigner en reprise les héritiers de la partie décédée, il parait que, comme la loi a eu l'intention de la favoriser, et qu'on ne peut tourner contre elle une disposition établie en sa faveur, on ne pourrait se dispenser d'acquiescer à sa demande : Sallé, dans son commentaire à l'ordonnance, rapporte l'espèce d'un arrêt rendu en la première chambre des enquêtes le 15 juin 1678, qui a prononcé en ce sens.

Le ministère public observa que, dans la cause, le principe général recevait son application; en conséquence, il conclut à ce que la Cour prononcât comme si la mort de la dame Tongries ne fût point arrivée.

Ces conclusions furent adoptées, et cependant l'arrêt ne fut prononcé que le 11 floréal an XIII. ¡

Une sorte de fatalité s'attachait à cette affaire pour

en rendre les événemens bizarres : vers le même temps, le tuteur Vandenbussche tomba en faillite et justifia ainsi les craintes de la dame Tongries, relativement à l'administration de la somme majeure qui était sous les scellés.

«

La Cour, par son arrêt,

« Considérant que le mari n'est administrateur « de la communauté conjugale que pour autant qu'il jouit de ses facultés intellectuelles; que par « son interdiction il est constaté qu'il est hors d'état « d'administrer; qu'il en résulte que cette adminis<< tration doit refluer sur l'autre membre de ladite « communauté capable de gérer » ; adjugea à l'épouse Tongries l'administration de la communauté.

« Considérant de plus, que les parties ont con« clu de part et d'autre à l'immobilisation des de<«<niers qui se trouvent dans la communauté et de

ceux qui doivent y rentrer; qu'en conséquence, il « ne s'agit que de juger conformément à leurs con«clusions;

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cel

Déclara que toutes les sommes appartenantes à la communauté, tant celles rentrées en caisse que les à rentrer, seraient tenues pour immeubles entre les conjoints, et employées en acquisitions de biens fonds.

L'interdit décéda peu de temps après la signification de cet arrêt; Jean Overstyns et son épouse, héritière unique de Jean Tongries, se pourvurent en requête civile.

La poursuite fut uniquement dirigée contre la par

tie de l'arrêt qui concerne l'immobilisation; elle était appuyée sur sept moyens.

Les quatre premiers se fondaient en un seul.

Selon les demandeurs, l'épouse Tongries avait doleusement affirmé à la Cour, des déclarations qui réellement n'existaient pas; ainsi elle avait porté la Cour à juger sur pièces faussement indiquées.

Ils tentaient de justifier cette assertion, en alléguant que leur avoué n'avait pas fait, à l'audience du 13 ventôse, la déclaration rappelée dans les conclusions de la dame Tongries du 29, et portant qu'en atten. dant l'emploi des deniers dont il s'agit, ils les tenaient pour immeubles le plumitif et les conclusions dudit jour 13 ventôse déposées sur le bureau, prouvent que rien de semblable n'a été dit.

L'arrêt porte donc sur des demandes et déclarations qui n'ont pas eu lieu au procès, et il adjuge ce qui n'a été ni consenti ni déclaré.

Le cinquième moyen était le désaveu de leur avoué; s'il était vrai que pareille déclaration eût été faite.

Par les sixième et septième, ils prétendaient que l'interdit n'avait pas été valablement défendu, puisque son défenseur s'était borné à la dernière audience à demander la communication des conclusions et des déclarations avec un délai moral pour y répondre.

Le sort des quatre premiers moyens dépendait de la foi qui devait être attachée au texte de l'arrêt et de savoir si cette foi pouvait être ébranlée par la circonstance que le consentement supposé vrai par l'arrét, n'était pas rapporté au plumitif.

Les héritiers d'Elisabeth Hannaert observaient que la plaidoirie verbale se compose de tout ce qui se dit à l'audience; le juge prononce sur ce qu'il y apprend per narrationem negotii, sans qu'il doive s'arrêter à ce qui se trouve inséré au plumitif : aucune loi n'exige de fixer par écrit les conclusions; moins encore les déclarations qui se font verbalement dans les débats.

Si donc le juge, dans le texte de son jugement, énonce que des déclarations ont été faites par les parties, il est au moins incivil de révoquer en doute la réalité de ces déclarations; le juge les a reconnues en fait il les a constatées non précisément par le plumitif, mais par l'instruction entière : le silence du plumitif mériterait-il donc plus de confiance que le fait attesté par l'arrêt? Non : la foi qui lui est due ne saurait être ébranlée que par l'inscription de faux gesta quæ sunt translata in publica monumenta habere volumus perpetuam firmitatem. L. 6. cod de re jud.

. Ces principes ont été consacrés par deux arrêts de la cour de cassation, des 2 floréal an X et 11 ventôse an XI, rapportés par M. Merlin, au mot requéte civile, § 6.

Surabondamment; dans l'espèce, les notifications et actes extrajudiciaires, relativement à l'immobilisation, justifiaient assez la vérité du fait. On a vu par le narré du procès qu'elle avait été provoquée par les tuteur et subrogé tuteur, avant qu'un événement imprévu eût fait naître un intérêt opposé dans la famille de l'interdit.

Les héritiers de la dame Tongries répondaient au cinquième

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