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Cette décision est un triomphe de l'agriculture rem. porté sur la routine et le préjugé, qui, dans le Bra bant-Wallon et dans la ci-devant province de Namur, formant une portion considérable des départemens de la Dyle, de Jemmappes et de Sambre-et-Meuse, l'asservissent encore au désastreux systême de la jachère.

Grâces soient rendues aux tribunaux, qui, s'élevant à la hauteur de leurs augustes fonctions, ne permettent pas que des conventions particulières nuisent à la prospérité de l'état.

Interpréter la clause d'un contrat dans un sens qui la rende avantageuse aux parties contractantes et à la société entière, c'est remonter au principe même des lois, puisqu'elles n'ont été établies que pour diriger les hommes vers leur plus grand bien-être.

Dans cette matière, le public est nécessairement intéressé; car, si les propriétaires des biens ruraux, par un attachement aveugle à une pratique vicieuse forcent avec effet leurs fermiers à la maintenir, la réproduction sera arrêtée dans sa source; la quantité de denrées et de bestiaux en circulation sera considérablement moindre, que ce qu'elle pourrait être par un bon systême de culture.

S'il est vrai que les richesses agricoles et la population qui accompagne leur progrès sont le thermomètre d'une bonne administration, la Cour, dont les attributions paraissent étrangères à cette branche d'organisation sociale, aura cependant dans cette circonstance influé sur ses ressorts; et il est remarquable que son arrêt peut recevoir une utile application dans presque tous les départemens de l'ancienne France.

c'est qu'il

Ce qu'il y a de plus heureux encore, est rendu à une époque où les sociétés d'agriculture, secondées par le gouvernement, s'attachent à extirper la jachère (*).

Un semblable arrêt avait été prononcé en l'an XIII, par la Cour, première section; mais, comme il portait sur un bail de terres situées en Hainaut, où l'opinion publique a déjà fait justice de la jachère, il a dû produire une moindre sensation.

Voici l'espèce :

(*) On lit dans le Moniteur du 20 avril de cette année (société d'agriculture du département de la Seine, séance du 5 avril) les détails suivans :

M. Silvestre, secrétaire, a lu le rapport des travaux de la société pendant l'année 1806, et il a tracé le tableau des encouragemens et des améliorations dont l'agriculture a été redevable, dans cet intervalle, à la protection et aux soins éclairés du gouvernement.

M. Yvart, professeur d'agricultare, à l'école vétérinaire d'Alfort, a lu un rapport sur le concours que la société avait ouvert pour la suppression des jachères. Il a fait sentir les plus grands avantages de ce nouveau genre de culture, qui est malheureusement encore trop peu répandu; et il a prouvé, par l'analyse des ouvrages de pratique, envoyés à ce concours, combien les propriétaires - cultivateurs, qui ont eu le bon esprit d'adopter ce système, ont vu s'accroître en peu de temps le revenu de leurs terres. Les auteurs des deux mémoires que la société a couronnés, sont : MM. Fera, de Rouville, correspondant de la société d'encouragement pour l'industrie nationale, et de celle d'agriculture de la Seine, de Seine et-Oise, et de Seine-etMarne, propriétaire-cultivateur, à Rouville, canton de Malesherbes, département du Loiret; et Rosnay-de-Villers, propriétaire-cultivateur à Monterolier, arrondissement de Neufchâtel, département de la Seine-Inférieure: il a été accordé à chacun d'eux une somme de 1000 fr., et une médaille d'or. La société, en regrettant de n'avoir que ces deux prix à distribuer, a décerné une médaille d'or à M. Bonneau, propriétaire-cultivateur, à Saint-Lacténéin, arrondissement de Châteauroux, département de l'Indre, et une autre à M. Gaujac, propriétaire-cultivateur, à Daugny, département de Seine-et

Marne.

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LE sieur Janneret, négociant, à Paris, est devenu propriétaire du domaine dit Seconde-Chassart, situé à Saint-Amand, dans le voisinage de Fleurus, et contenant 183 hectares ou 194 bonniers.

Le 18 floréal de l'an X, il accorda un bail de 12 ans au sieur Bernard Cheval : ce bail devait commencer le 10 frimaire an XII, pour finir le même jour de l'an XXIV.

Depuis, Janneret vend la propriété au sieur Jackmar, avocat, demeurant à Dave, près Namur, qui est ainsi subrogé aux droits du premier, relativement au bail.

L'article 10 porte la clause suivante :

«

Ne

si le bailleur ou son le pourra, preneur, « préposé trouve à-propos de lui en porter inter« diction, déroyer la culture desdites terres arables; <«<et nécessairement après la récolte levée de l'an << XXIII, sera tenu et obligé, ledit preneur, de laisser « en jachère, dans l'ordre de royage de ladite ferme, << celui contenant le tiers desdites terres qui aura << produit cette année le marsage, à la disposition du <«< bailleur, et de l'avoir versé, c'est-à-dire, de l'a« voir labouré d'une première roye bien conditionné, << avant le mois de ventôse de l'an XXIII. »

L'article 11 et dernier statue que tout défaut de remplir les conditions du bail en sera résolutoire, à la volonté exclusive du bailleur.

Le nouveau propriétaire se prévaut de cette clause, et par acte d'huissier, du 15 vendémiaire an XII, il notifie au fermier Cheval qu'il lui fait défense

de déroyer aucune des terres labourables qu'il oc

cupe.

Cheval, qui avait coutume d'exploiter chaque année une partie de la jachère, continue sa culture accoutumée il plante des pommes-de-terre, sème du trèfle et un peu de lin dans la saison ou sole, qui, suivant l'ancienne routine, eût resté en friche, en l'an XIII.

Ce mode de culture, que l'avocat Jackmar considéra comme attentatoire à son interdiction, motivée sur l'article 10 précité du bail, donna lieu à des poursuites.

Devant le tribunal de Charleroi, et le 29 messidor an XIII, Jackmar a conclu, 1.° à ce qu'il fût dit que, par le motif que Cheval avait déroyé en la présente année une partie des terres en jachère, dépendantes de sa ferme, le bail serait résilié, conformément à son article 11 et d'après la volonté du bailleur; 2.0 à ce que Cheval fût tenu de délaisser la ferme le 11 fimaire an XIV, et condamné aux dommages-intérêts résultans du déroyage.

26 fructidor an XIII. - Jugement qui ordonne une expertise les experts sont nommés par les parties avec la réserve de non préjudice, de la part de Cheval.

Le procès-verbal, dressé par le juge-commissaire, donne pour résultat, que toutes les terres de la ferme étaient remblavées (c'est-à-dire, ensemencées) de différentes espèces de denrées, à l'exception de 27 hectares, 20 ares, 63 centiares > ou 29 bon

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niers et 113 verges, qui se trouvent en jachère dans la terre nommée le Grand-Royage.

29 brumaire an XIV. Autre jugement qui ordonne au sieur Jackmar de prouver que planter des pommes-de-terre, semer du lin et du trèfle dans la saison des jachères c'était déroyer; partie entière dans sa preuve contraire.

De part et d'autre, il fut tenu des enquêtes; mais elles répandirent peu de lumières sur l'usage pratiqué dans le lieu de la situation de la ferme et des lieux environnans, par la raison principalement, que la question ainsi posée, manquait de précision : plusieurs témoins déposaient sur l'usage des communes qu'ils habitaient, dont le sol est tout différent de celui de Saint-Amand; d'autres attestaient l'usage de laisser des jachères, mais sans mentionner la quotité d'autres encore établissaient une différence entre le mode de culture de la dernière année du bail et de toutes les autres quelques-uns décla raient que les propriétaires qui cultivent eux-mêmes ne laissaient point de jachères ou en laissaient peu; l'enquête produisit aussi des témoins qui répondirent affirmativement à la question, mais sans expliquer ou motiver leur opinion sur la signification du mot déroyer.

16 avril 1806. Le tribunal,

« Considérant que le défendeur n'a pu contreve«nir à l'interdiction sans encourir la peine à la« quelle il a volontairement consenti;

a Considérant que cette peine est le résiliement « du bail, comme aussi celle des dommages et in

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