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Voilà donc quels font les prétextes dont le parti qui domine en ce moment s'eft fervi pour accabler notre général. Le deffein de le perdre a pris chaque jour de nouvelles forces. Enfin, fans avoir égard à de juftes fupplications, on eft venu le 13, à onze heures du foir, fignifier au général libérateur, l'ordre du congrès de fe rendre prifonnier à la citadelle d'Anvers. Cette nouvelle rigueur n'a point étonné fon courage, & fans répondre un feul mot, fans qu'il lui échappât le moindre reproche, fans que fon vifage en parût un moment altéré, il s'eft conformé à l'ordre, & il eft parti efcorté de 20 dragons. La feule grace qu'il ait demandé, c'eft qu'on permît à fa femme de partager fa captivité, & ce n'eft qu'avec peine qu'il a paru obtenir cette confolation. Un autre ami lui étoit utile, on avoit promis de ne pas l'en priver; c'étoit l'abbé de Broux, chanoine de la métropole de Malines & fon fecrétaire. Nous ignorons encore fi on lui accordera cette grace; ce qui eft sûr, c'eft que le 14 de ce mois cet eccléfiaftique étoit encore enfermé aux freres Alexiens; c'eft qu'on a eu la dureté de l'y retenir dans le moment où il venoit de perdre une mere chérie, fans lui laiffer du moins la foible confolation de la pleurer avec fon pere & fa famille, aujourd'hui doublement affligée.

Les intentions malfaifantes des foi-difans fouverains & maîtres du général van der Merfch, ont paru encore par les maneges ourdis en Flandre, pour aliéner de lui les Etats de cette province, qui jufqu'ici avoient été fes défenfeurs. Ces maneges heureuse

ment n'en impofent point aux Flamands qui fe feront tous un honneur de confidérer M. van der Merfch parmi leurs concitoyens; ils fe font mis en garde contre les impreffions fâcheufes qui en pouvoient réfulter, & la ville de Gand refle toujours très attachée à fa caufe. Il n'en eft pas abfolument de même des états, qui féduits fans doute par des rapports artificieux, ont eu l'air de tergiverfer dans la réponse qu'ils ont faite à la lettre du géneral.

Toute la ville de Namur étoit dévouée au général avant qu'il n'en fortît avec un corps de 2400 hommes, pour s'affurer files troupes qu'on lui avoit annoncées, étoient amies ou ennemies. Il fort, & trois heures d'abfence, & une fomme confidérable deftinée à la folde de la garnifon, diftribuée avec profufion à la canaille foulevée par van Hamme, Deflondes & d'autres agens plé. 'nipotentiaires de l'ariftocratie, changent la fcene. On ne crie plus: Vive van der Merfch, mais vive van der Noot; cette acclamation eft remarquable. On avoit deviné que le général en chef qui doit être inftruit des moindres mouvemens des différentes divifions de l'armée, iroit reconnoître celle qui arrivoit, fans qu'il en fût informé officiellement, & l'on a tiré parti de la circonftance pour l'accufer hautement & lui faire perdre en un moment l'honneur qu'il s'étoit acquis par fa probité, & que fon courage avoit accru. Les 24 métiers de la même ville ne fe font pas conduits avec plus de fuite à fon égard. Ils avoient huit jours auparavant applaudi à la démarche des officiers & applaudi univerfellement aux qualités au patriotifme

du général; mais le lendemain de la journée du 6, tout a changé de face, & ils ont pris une réfolution toute contraire.

On ne conçoit pas mieux les excès auxquels on s'eft porté à l'égard du commandant de la ville de Namur, le général, major comte de Rofieres. Il y étoit géné ralement eftimé, & même tellement aimé de la garnifon & des habitans, que s'il y fût refté après la journée du 6, il y a grande apparence que les uns & les autres lui auroient donné des marques éclatantes & non équivoques de leurs fentimens. Malgré ces difpofitions toutefois, malgré qu'avant de fortir de Namur il ait écrit & aux états du comité, & à M. le général van der Merfch, des lettres qui le mettent entierement à couvert de toute inculpation, on a eu l'injuftice de l'arrêter ignominieufement à Louvain, où il paffoit pour fe rendre à Bruxelles, on a eu l'injuftice, plus criante de le retenir prifonnier aux freres Alexiens, cù il eft encore. M. le comte de Dolomieu, auffi général-major au fervice des Etats-Belgiques Unis, fe. trouve également en butte à la haine du parti, qui ne peut lui pardonner le grand crime d'être François, le plus grand crime encore d'ofer en profeffer les principes.

De Paris le 11 avril.

On a lu hier à l'affemblée nationale une lettre de M. Necker, qui a jetté l'affemblée dans le plus profond étonnement. I expofe la gêne où fe trouve le tréfor public pour les mois d'avril & de mai, & pour fatisfaire au fervice de ces deux mois, il demande que l'affemblée l'autorife à ouvrir,

dans le courant de la femaine prochaine, un crédit nouveau de quarante millions fur la caiffe d'efcompte.

,, Quel moment choifit-on, s'eft écrié M. Biauzat, pour vous inftruire de la pénurie du tréfor public? Le moment où il eft, diton, prefque vuide, où il faut le remplir. On preffe ainfi votre décifion, pour ne pas laiffer un moment à votre réflexion, pour vous arracher des décrets que votre prudence, dans un temps plus calme, rejetteroit. C'eft ainfi que prefque toutes les demandes en finance nous ont été préfentées. Mais fi le tréfor eft vuide, pourquoi donc le miniftre accorde t-il tous les jours des gratifications? Pourquoi par exemple, en accorder une de 5,000 liv. à M. de Vauvilliers?

Comme fi un miniftre des finances pouvoit accorder une feule gratification fans votre aptorité! Et obfervez encore, Meffieurs qu'on ne ceffe de nous demander des fonds, fans nous affigner leur emploi, fans nous rendre compte des recettes. -- Je demande que le miniftre foit tenu de donner l'état des dépenfes d'avril & de mai,,.

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A ce difcours patriotique en a fuccédé un autre non moins vigoureux, de M. Camus, qui, après avoir appuyé la motion de M. Biauzat, a rendu compte, au nom du comité des penfions, de nouvelles difficultés élevées par le miniftre des finances, pour la communication des papiers, ordonnée par l'affemblée.

,, Il exifte, a-t-il dit, un regiftre de décifions, fur lequel font portées toutes les décisions en vertu defquelles on touchoit au tréfor royal. Nous l'avons demandé à M. Necker; il nous a renvoyés à M. Defrefne.

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Jour pris avec ce dernier, il manque au rendez-vous, il manque à vos commiffaires! Explication fur-le-champ avec le miniftre; il nous dit qu'il a donné contre-ordre. Contre-ordre à un décret! & pourquoi ? Parce que nous avons publié le livre rouge; il devoit refter fecret, le roi le vouloit ainfi. Nous avons répondu que la nation, que l'affemblée nationale vouloient & devoient vouloir la publicité, & que fous cette volonté, tout autre devoit fléchir, que nous n'étions point les repréfentans du roi, mais ceux de l'affemblée, à laquelle feule nous devions compte de notre conduite. M. Necker a cédé, a confenti à la communication du regiftre des décifions. Nouveau je ne puis, nouvelle difficulté; on fe refufe à nous laiffer prendre des extraits, on veut nous aftreindre à parcourir à la volée tous ces énormes in-folio. -- Pour ne pas perdre le fruit de notre démarche, nous avons confenti à nous borner à lire. Nous avons parcouru treize volumes, &, dans cette lecture rapide, nous avons été frappés de la gratification de M. de Vauvilliers, dont on vient de vous parler, & d'une bien plus étrange encore, de 6000 liv. par mois accordée à M. de Duras pendant tout le tems que dureroient les états-généraux.,,

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M. Camus a conclu en demandant que ies regiftres de recette & de dépense, relatifs à l'adminiftration des finances, & notamment le regiftre de décifions, des ordonnances du tréfor royal, fuffent envoyés au comité pour en prendre une communication libre & prompte, à l'exception des livres originaux qui ne peuvent être dépla

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