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accordé aux manufacturés de filature & de toile de coton nationales, en encouragement, afin que, contre fa nature, le commerce de l'Inde tourne à la profpérité de

notre commerce.

M. Cazalès a penfé que l'affemblée n'avoit pas de notions affez claires, quant à préfent, pour décider la grande queftion du commerce des Indes. Il a demandé l'ajournement à la prochaine légiflature.

M. d'Eprémefnil a foutenu le privilege de la compagnie des Indes, fous le point de vue de l'intérêt général du royaume. 11 eft remonté à l'origine de la derniere compagnie, dans laquelle il étoit lui-même intéreflé avant fa diffolution en 1769, & pour laquelle il a cru alors devoir plaider. Toujours attaché à fes vieux préjugés qu'il a fucés dans l'Inde avec le lait, il a foutenu que ce commerce ne pouvoit être bien fait que par une compagnie fouveraine armée & ayant une propriété territoriale, à caufe des taxes que les fouverains de l'Inde établiffent arbitrairement fur les négocians & les compagnies, quand on n'a pas la force en main pour leur réfifter. De ce que nous n'avons pas actuellement une compagnie armée & ayant un territoire dans l'Inde où elle puiffe exercer les droits de fouveraineté, M. d'Eprémefnil a conclu qu'il ne falloit pas examiner fi la compagnie s'écarte plus des principes que le commerce des particuliers dans l'Inde. Il a dit qu'une compagnie, même mauvaife & mal organifée, eft plus utile à l'état que le commerce des particuliers.

Comme il importe de bien connoître les décrets qui font fanctionnés, nous allons

rappeller

rappeller ceux dont M. le garde-des-fceaux avoit envoyé la lifte, qui a été lue dans la féance du 31 mars.

La lettre du miniftre portoit que le roi vient de donner fa fanction.

1. Au décret du 16 mars, concernant les perfonnes détenues en vertu d'ordre particuliers;

2. Au décret du 18, relatif aux bois & forêts;

3. Au décret du même jour, interprétatif de celui du 6 mars, concernant le furfis des jugemens émanés des jurifdictions prévôtales;

4. Au décret du 20 février, 16 & 20 mars, concernant les religieux;

5. Au décret des 14, 15, 18, 20 & 21 mars, portant fuppreffion de la gabelle, du droit de quart-bouillon & de traite fur le fel & l'établiffement d'une contribution provifoire;

6. Aux décrets relatifs à la fuppreffion des droits fur l'amidon, fur les fers, les cuirs, la fabrication des huiles & les contributions qui doivent les remplacer;

7. Au décret relatif aux déchets qui peuvent avoir lieu fur les droits d'aides & autres y réunis, & à la perception des droits de traite & autres qui n'ont été ni fupprimés ni abonnés ;

8. Au décret qui annulle les procès commencés, à raifon de la perception des droits de marque des cuirs, des fers, fur la fabrication & le tranfport des huiles & favons; 9. Au décret concernant l'emploi de l'excédent des économies au rembourfement des dettes les plus onéreufes;

10. Au décret qui deftine le produit des Tome IX.

D

dons patriotiques au payement des rentes de 50 livres, & au-deffous, à l'hôtel-de-ville de Paris;

II. Au décret du 24, pour l'établiffement d'une adminiftration provifoire dans la province du Languedoc.

12. Au décret du même jour, qui autorife les commiffaires nommés pour avifer au choix & à l'eftimation des biens domaniaux & eccléfiaftiques qui feront vendus aux municipalités, à choifir quatre d'entr'eux pour prendre connoiffance de la fituation des opérations de la caiffe d'efcompte ; 13. Au décret du 5, relatif aux penfions & autres articles du livre rouge;

14. Le roi a donné auffi, des ordres pour l'exécution du décret du 24 mars, portant qu'il fera furfis à toutes opérations relatives aux échanges des domaines, & notamment à l'expédition & fceau de toutes lettres de ratification defdits échanges;

15. Et pour l'exécution de celui du 25, relatif à la préfentation des décrets de l'affemblée nationale, à l'acceptation ou à la fanction du roi.

Enfin, le roi a accepté le décret du 15 mars, concernant les droits féodaux.

Le 30 mars, rue Saint-Merri, il s'eft gve commis un de ces fuicides réfléchis, dont l'Angleterre feule nous offre des exemples.

Le nommé Vilette, domestique, âgé de vingt-fix ans, étoit d'une probité exacte : appliqué à tous fes devoirs, il n'avoit aucune paffion, & avoit amaflé un pécule affez confidérable. Il ne fortoit jamais, & paffoit le tems que lui laiffoit fon fervice, à lire de bons livres. Le 10 du mois dernier, il fit son teftament, & il y joignit

un mémoire où il déclare qu'il eft bâtard qu'une pauvre femme l'a élevé & nourri avec fes enfans, qu'il a été reconnoiffant & qu'il a aidé fa mere adoptive de tout fon pouvoir. Dans un dialogue de fon ame à Dieu ( 1 ), il motive fon deffein de quitter la vie, par les relations que l'on trouve dans Rouffeau & dans Séneque; il y fait connoître qu'il déteftoit fon état, parce qu'il fe croyoit infiniment au deffus. Il fait fes adieux au magnanime tiers état, à la noblesse qui doit fe féliciter de la clémence de fes vainqueurs, au clergé qu'il exhorte à quitter fon coftume & fes fuperftitions. Il finit par déclarer qu'il remercie fes maîtres , auxquels il étoit très attaché, de leurs foins & de leurs attentions à fon égard, & il en fait l'éloge le plus complet. Le jour de fa mort, on n'a remarqué aucun changement dans fon fervice, ni fur fon vifage. Après que fes maîtres ont été couchés, il s'eft retiré dans fa chambre. Il a rangé toutes fes affaires dans le plus grand ordre, & pofé fur une table fon teftament cacheté, où il inftitue pour fon héritier un des enfans de fa mere adoptive, qu'il appelle fon frere. Le matin ́il lui avoit écrit pour lui annoncer fa mort & il avoit envoyé 132 livres à fa mere; envers laquelle, dit-il, il a été plus reconnoiffant que fes propres enfans. Après avoir tout difpofé, il a pris une feuille de papier qu'il a divifée par cafes, & il a écrit, d'une main très ferme, diverfes difpofitions

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(1) On trouve dans ce mémoire des réflexions fort fenfées, entr'autres celle-ci.,, Un pere fage doit laiffer à fes enfans, ou un état ou un champ à Cultiver.,,

qui fe trouvent dans fon teftament; favoir, 100 livres pour fa contribution patriotique, 48 livres pour la fociété maternelle, 48 liv. pour les pauvres du diftrict, 48 liv. pour les prifonniers détenus pour mois de nour rice, 12 liv. pour boire à ceux qui le porteront en terre. Il a placé chaque fomme en argent fur les différentes caffes. Au bas de la feuille, il a écrit, d'une main un peu tremblante, ces mots: Allons vite, il faut partir. Enfuite il s'eft brûlé la cervelle d'un coup de piftolet. Il s'étoit enfermé dans fa chambre au verrou; mais auparavant il avoit collé fur la porte, en dehors, une feuille de papier avec le mot, en gros caractere, fuicide.

On a trouvé le malheureux étendu fur le parquet, baigné dans fon fang, tenant encore dans fa main le piftolet auquel étoit attaché un papier où on lifoit fes mots : Quand on n'eft rien, et qu'on eft fans espoir, la vie eft un oppropre et la mort un devoir. Un autre piftolet étoit préparé, avec une devife du même genre: fur le mur de la chambre étoit écrit en gros caractere: Aujourd'hui mon tour, demain le tien.

M. Necker eft dangereufement malade. Voici l'épitaphe qu'on lui prépare.

Quand devant Dieu, parut avec effroi
Le Directeur, vantant fa confcience,
Le Seigneur lui dit réponds-moi,
Necker, qu'as-tu fait de la France ?
J'ai laiffe le peuple fans Roi
Et le royaume fans Finance.

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