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,, La pofition de Strasbourg fur les bords du Rhin, les anciennces relations de l'Alface avec l'Empire, les efforts des ennemis de la révolution pour les faire revivre, fembloient, en fixant fur nous l'attention de la France & de nos voisins, nous prefcrire l'obligation de donner un éclat impofant au patriotisme qui nous anime.

Réunis fur cette place où nos peres ne fe donnerent qu'à regret à la France, nous venons cimenter par nos fermens notre union avec elle; nous avons juré d'obéir avec refpect aux loix que vous aurez décrétées, & qui auront été fanctionnées ou acceptées par le roi; nous avons juré & nous jurons de verfer jufqu'à la derniere goutte de notre fang pour maintenir la conftitution.,,

Si la ville de Strasbourg n'a pas eu la gloire de donner la premiere l'exemple aux autres villes du royaume, elle aura du. moins celle d'être, par l'énergie du patriotifme de fes habitans, un des boulevards les plus forts de la liberté françoife.

On a repris la difcuffion fur l'organisation du pouvoir judiciaire. M. Lanjuinais a critiqué les plans de MM. Duport & Chabron. Il préfere celui du comité. Son difcours n'a pas paru infpirer beaucoup d'intérêt à l'afTemblée.

M. Barnave a fait l'analyfe des trois plans propofés; il a dit que celui du comité ne préfentoit que des parlemens dédoublés, & des bailliages changés de place; qu'il établitfoit conftitutionellement l'ancienne hié rarchie des tribunaux, avec tout fon appareil féodal & fes éternelles difcuffions de compétence; il a fini par propofer un plan

de travail, que l'affemblée a adopté, avee quelques modifications, par le décret fui

vant :

,, L'affemblée nationale décrete, qu'avant de régler l'organisation du pouvoir judiciaire, les queftions fuivantes feront décidées :

1 L'établissement des jurés ; 2. les établira-t-on en matiere civile & en matiere criminelle? 3. la juftice fem-t-elle rendue par des tribunaux fédentaires? 4. y aura-t-il plufieurs dégrés de jurifdition, ou bien l'ufage de l'appel fera-t-il aboli? 5. les juges feront-ils établis á vie, ou feront-ils élus pour un tems déterminé? 6. les juges feront-ils élus par le peuple, & doivent-ils être inftitués par le roi? 7. le miniftere public fera-t-il établi entiérement par le roi ? 8. y aurat-il un tribunal de caffation ou de grands juges? 9. les mêmes juges connoîtront-ils de toutes les matieres, ou divifera-t-on les différens pouvoirs de jurifdiction pour les caufes du commerce, de l'adminiftration des impôts & de la police? 10. établira-t-on un comité chargé de préfenter à l'assemblée un travail fur les moyens d'accorder les principales difpofitions des loix civiles & criminelles avec le nouvel ordre judiciaire?

L'ajournement prononcé hier pour la queftion fur le privilege de la compagnie des Indes, a été l'objet d'une réclamation affez vive. Plufieurs membres ont fait voir qu'il avoit été furpris, qu'on n'avoit pas dû entamer & décider une queftion ajournée à un jour fixe. L'affemblée, convaincue par ces raifons, & croyant que l'ajournement n'étoit qu'un ordre de travail, révocable à fa volonté, a décidé que la difcuffion de cette affaire feroit reprife; & le débat a été ouvert par M. le vicomte de Noailles, qui s'eft élevé contre les prétentions de la

compagnie des Indes, & a foutenu le décret proposé par le comité. La difcuffion a été continuée à demain.

Un de ces jours paffés on a trouvé affiché, tant aux Tuileries qu'en divers autres lieux, un placard manufcrit, conçu à-peu près en ces termes :

Citoyens, nous fommes joués, la mifere aug mente tous les jours & rien ne finit; on nous donne de fort bonnes paroles, & cependant nous mourons de faim: il eft tems de voir un terme à nos infortunes; fi dans huit jours nous ne voyons aucun changement dans les affaires, l'af femblée nationale aura lieu de fe plaindre des conféquences qui pourront en résulter, &c.

On étoit fort content des volontaires de la Bazoche, qui s'étoient fort bien comportés aux mois de juillet, d'août & de feptembre; ils ont prêté le ferment civique entre les mains des repréfentans de la commune, le 13 de ce mois. Un arrêt du 4, confacre de la part des municipaux la fatisfaction qu'ont donnée les fervices de MM. les clercs du Palais; il loue l'économie qui a dirigé les dépenfes de ces citoyens militaires; il invite l'adminiftration à leur payer 7935 liv. qui leur reftoient dues; il ordonne qu'il fera placé fur les tombés de MM. Tubœuf & Vatan, morts en fervant la patrie, une pierre, qui tranfmettra à la postérité leurs noms & la mémoire de leurs travaux patriotiques ces mêmes hommes ont été gagnés; le 28, ils couroient au nombre de 300, dans les rues de Paris; ils tenoient des propos ariftocratiques; armés de gros bâtons, ils cherchoient à faire des profélytes; ils faifoient des motions au Palais-Royal; ils difoient à

la vue des patrouilles ! A bas les bayonnettes; ils ont été au fauxbourg St Antoine ameuter les ouvriers de la Baftille; les chaffeurs & les grenadiers citoyens en ont arrêté quelques-uns. Le 29, il y avoit des grouppes au Palais-Royal; on s'y plaignoit de l'inexatitude de la caiffe d'efcompte, de la protection que lui accorde le miniftere & furtout de la pénurie de l'argent. Un billet noir coûte aujourd'hui 60 liv. à réalifer en efpeces; il nous femble, qu'en tout état de caufe, on doit avoir, au moins, le droit de fe plaindre. Les patrouilles ont arrêté un grand laquais, qui avoit la livrée de Mad. Aubert, niece du fugitif Calonne, pour avoir dit qu'il falloit aller faire le fiege de la banque de la rue Vivienne; beaucoup de jeunes citoyens ont été conduits aux diftricts pour n'avoir fait que des plaifanteries.

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Dans la féance d'hier, M. le Camus, frappé de maniere irréguliere dont les derniers décrets étoient fanctionnés, a obfervé que la diftinction effentielle, entre l'acceptation des décrets conftitutionnels & la fanction des loix proprement dites, n'étoit point aflez marquée dans la forme employée jufqu'à préfent; que deux feuls des décrets conftitutionels, déposés dans les archives de l'affemblée, portoient au bas ces mots : J'accepte, figné LOUIS; & que tous les autres portoient feulement cette formule, le roi mande, &c. Il a fait remarquer combien il étoit important de maintenir l'acceptation pure & fimple qui formoit le véritable contrat entre le roi & la nation, & il a requis

que le président fût chargé de demander au garde-des fceaux de faire donner aux décrets couftitutionnels la forme d'acceptation déterminée par l'affemblée, c'est - à - dire qu'ils fuffent foufcrits par le roi de ces mots : J'accepte, & en outre, contre-fignés par le miniftre..

Cette motion a été adoptée.

Dans cette même féance, M. Target, au nom du comité, a lu un difcours, conte'nant le tableau de ce que l'affemblée nationale avoit fait & de ce qui reftoit à faire. Il a préfenté un plan de travail & de diftribution; en voici les principaux objets : 1. organisation du pouvoir judiciaire; 2. miniftere eccléfiaftique & remplacement des dfmes; 3. organisation de l'armée & des gardes nationales; 4. perfectionner la déclaration des droits, finir l'organisation des pouvoirs législatif & exécutif; 5. continuer le travail des finances; 6. s'occuper de plufieurs autres objets preffans, tel qu'un réglement fur la chaffe, la fin des décrets féodaux & les indemnités, la compofition de la municipalité de Paris, la forme judiciaire en matiere criminelle; le remboursement des charges de judicature, le commerce l'agriculture, la loi fur la preffe, les travaux de charité, l'éducation publique, &c. M. Target a fini par annoncer que le comité penfoit que le jour où le roi, environné d'un peuple immenfe, accepteroit & feroit proclamer la conftitution, devoit être l'anniverfaire de celui où, après avoir renvoyé les troupes qui étoient autour de Paris, il étoit venu feul déclarer, au milieu de l'affemblée nationale, qu'il ne vouloit plus faire qu'un avec elle. L'affemblée

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