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L'ASSEMBLÉE nationale a rendu, ces jours derniers, divers décrets mémorables. Le plus important eft celui qui concerne les lettres de cachet. En voici la teneur:

de

L'affemblée nationale enfin arrivée au moment heureux d'anéantir les ordres arbitraires détruire les prifons illégales, & de déterminer une époque fixe pour l'élargiffement des prifonniers qui s'y trouvent renfermés, à quelque titre ou fous quelque prétexte qu'ils y aient été conduits;

Confidérant la néceffité de donner le tems aux parens & aux amis de ceux qui font encore détenus, de concerter les arrangemens qu'ils croiront devoir prendre, à l'effet de leur affurer une fituation convenable & tranquille pourvoir à leur fubfiftance;

& de

Confidérant encore, que parmi les prisonniers enfermés en vertu d'ordres arbitraires, il en eft qui ont été préalablement jugés en premiere inftance, ou qui font feulement décrétés de prife-. de-corps, ou contre lesquels il a été rendu plainte en justice, & dreffé des procès-verbaux tendan's à conftater un corps de délit ; enfin qu'il s'en trouve quelques-uns que leur famille a déférés à l'ad

miniftration, comme coupables de faits très graves que l'on a cru certains & fuffifumment avérés; Confidérant qu'il eft juste de tenir compte des rigueurs d'une longue détention à ceux même qui feroient reconnus coupables de crimes capitaux, & d'allier à leur égard les ménagemens infpirés par l'humanité, à l'exactitude que la juftice, l'intérêt de la fociété, & celui des individus forcent à porter dans la recherche, la condamnation & la punition des délits conftans, réguliérement poursuivis & complettement prouvés;

Confidérant enfin qu'il est nécessaire de prolonger la détention de ceux qui font enfermés pour caufe de folie, affez longtems pour connoître s'ils doivent être mis en liberté, ou foignés dans des hôpitaux établis, infpettes & dirigés avec cette vigilance, cette prudence & cette humanité qu'exige leur trifte fituation; a décreté & décrete ce qui fuit:

Art. I. Dans l'espace de fix femaines après la publication du préfent décret, toutes les perfonnes détenues dans les châteaux, maifons religieufes, maisons de force, maisons de police, ou autres prifons quelconques, par lettre-de-cachet, ou par ordre des agens du pouvoir exécutif, à moins qu'elles ne foient légalement condamnées ou décrétées de prife-de-corps, qu'il n'y ait eu plainte en justice portée contr'elles, pour raifon de crimes emportant peine afflictive que leurs pere, mere, ayeul ou ayeule ou autres parens réunis n'ayent follicité & obtenu leur détention d'après des mémoires & demandes appuyés fur des faits très graves, ou enfin qu'elles ne foient renfermées pour caufe de folie, feront remifes en liberté.

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II. L'affemblée nationale n'entend comprendre dans la difpofition du précédent article, les mendians & vagabonds enfermés à tems en verti

de fentence d'un juge, ou fur l'ordre des offciers de police & autres ayant carattere pour l'exécution des réglemens relatifs à la mendicité & à la sûreté publique à l'égard defquels il n'eft rien innové quant à préfent.

III. Ceux qui fans avoir été jugés en dernier reffort, auroient été condamnés en premiere inftance, ou feulement décrétés de prife-de corps, comme prévenus de crimes capitaux, feront conduits dans les prifons des tribunaux défignés par la loi, pour y recevoir leur jugement définitif. IV. A l'égard des perfonnes non décrétées contre lefquelles il y aura eu plainse rendue en jullice, d'après une procédure tendante à conftater un corps de délit, il leur fera libre de demander à être jugées, & alors elles ne pourront fortir de prifon quen vertu d'une fentence d'élargiffement. Dans le cas où elles renonceront à fe faire juger, l'ordre de leur détention fera exécuté pour le tems qui en refte à courir, de maniere toutefois que fa durée n'excede pas fix années.

V. Les prifonniers qui devront être jugés en vertu des deux articles précédens, & qui feront condamnés comme coupables de crimes, ne pourront fubir une peine plus fevere que quinze années de prifon, excepte dans le cas d'affaffinat de poifon ou d'incendie, où la détention à perpétuité pourra être prononcée; mais dans ces cas mêmes, les juges ne pourront prononcer la peine de mort ni celle des galeres perpétuelles.

Dans les quinze années de prifon, feront comptées celles que les prifonniers ont déjà paffées dans les maisons où ils font détenus.

VI. Quant à ceux qui ont été enfermés fur la demande de leur famille, fans qu'aucun corps de délit ait été conftaté juridiquement, fans. même qu'il y eût eu de plainte portée contr'eux en juftice, ils obtiendront leur liberté, fi dans

le délai de trois mois, aucune demande n'est préfentée aux tribunaux, pour raifon des cas d eux imputés.

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VII. Les prifonniers qui ont été légalement condamnés à une peine afflictive, autre toutefois que la mort, les galeres perpétuelles ou le banniffement à vie, & qui n'ayant point obtenu de lettres de commutation de peine, fe trouvent renfermés en vertu d'un ordre illégal garderont prifon pendant le tems fixé par l'ordre de leur détention, à moins qu'ils ne demandent eux-mêmes à fubir la peine à laquelle ils avoient été condamnés par jugement en dernier reffort ; & cependant aucune détention ne pourra jamais, dans le cas exprimné au préfent article, excéder le terme de dix années; y compris le tems qui s'est déjà écoulé depuis l'exécution de l'ordre illégal.

VIII. Ceux qui feront déchargés d'accufation recouvreront fur le champ leur liberté, fans qu'it foit befoin d'aucun ordre nouveau, fans qu'il puiffe être permis de les retenir fous quelque prétexte que ce foit.

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IX. Les perfonnes détenues pour caufe de démence, feront, pendant l'espace de trois mois à compter du jour de la publication du préfent décret, à la diligence des procureurs du roi interrogées par les juges dans les formes ufitées, & en vertu de leurs ordonnances, vifitées par les médecins, qui, fous la furveillance des diredoires des diftri&ts, s'expliqueront fur la véritable fituation des malades, afin que, d'après la fentence qui aura ftatué fur leur état, ils foient elargis, ou foignés dans les hôpitaux qui feront indiqués à cet effet.

X. Les ordres arbitraires emportant exil, & tous autres de même nature, ainfi que toutes lettres de cachet, font abolis, & il n'en fera plus

donné à l'avenir. Ceux qui en ont été frappés font libres de fe transporter par-tout où ils jugeront à propos.

XI. Les miniftres feront tenus de donner aux citoyens ci-devant enfermés ou exilés, la communication des mémoires & inftructions fur lesquels auront été décernés contr'eux les ordres illégaux, qui ceffent par l'effet du préfent décret.

XII. Les mineurs feront remis ou renvoyés à leurs peres & meres, tuteurs ou curateurs, au moment de leur fortie de prifon.

Les affemblées de diftrict pourvoiront à ce que les religieufes ou autres perfonnes qui, à raifon de leur fexe, de leur age, ou de leurs infirmités, ne pourroient se rendre fans dépense à leur domicile, ou auprès de leurs parens, reçoivent en avance, fur les deniers appartenant au régime de la maison où ils étoient renfermés, ou fur les caiffes publiques du diftria, la fomme qui fera jugée néceffaire & indifpenfable pour leur voyage, fauf á répéter ladite fomme_fur le couvent dont les religieufes étoient professes, ou fur les familles, ou fur les fonds du domaine.

XIII. Les officiers municipaux veilleront à ce que les perfonnes mifes en liberté, qui fe trouveroient fans aucune reffource, puiffent obtenir du travail dans les atteliers de charité dejà établis, ou qui feront établis à l'avenir.

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XIV. Dans le délai de trois mois, il fera dreffé par les commandans de chaque fort ou prifon d'état, fupérieurs de maifons de force ou maifons religieufes, & par tous détenteurs de prifonniers en vertu d'ordres arbitraires, un état de ceux qui auront été élargis, interrogés & vifités, renvoyés par-devant les tribunaux qui garderont encore prifon, en vertu du préfent décret; ledit état fera dreffé fans fraix & certifié.

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