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imprudence l'avoit mis à la veille d'être décrété. M. Manuel, adminiftrateur, a cru qu'il étoit de fon devoir de découvrir les auteurs de ce libelle. Il s'eft tranfporté, accompagné feulement de M. Grandin, commiffaire, chez M. Pain: deux notables ont été appellés pour faire la recherche de fes papiers. Ce n'eft pas fans étonnement qu'on a lu une foumiffion fignée par MM. Séguier freres, de rédiger ces fottifes, avec l'engagement de M. Pain de les faire partager au profit du journal, lorfque fon fuccès auroit réuni cinq cents foufcriptions.

Il n'eft pas à préfumer que MM. Séguier foient les fils de M. l'avocat-général, auteur des réquifitoires contre la correfpondance de Berlin, l'almanach des honnêtes gens, &c. I ne verroit sûrement pas fans indignation les calomnies que fe permettoient fur l'affemblée nationale fes propres enfans, & il prouveroit à la France qu'avec les talens. de Cicéron, il a encore l'ame de Brutus.

De Paris le 30 mars.

La préfidence de M. Rabaud de SaintEtienne a ceffé avec la féance du 27, & dès le foir même il fe trouva remplacé la majorité des voix s'étant réunie au premier fcrutin en faveur de M. le Baron de Menou. Le miniftre proteftant eft defcendu en conféquence le lendemain 28, du pofte honorable où fes vertus, où fes talens, où l'efprit de tolérance l'avoient élevé, & il en eft defcendu plein de reconnoiffance & & de modeftie. Continuez, Meffieurs, a-t-il dit, continuez de donner des leçons à l'Europe, & des confolations à votre patrie ! prouvez par

votre courage qu'il n'y a point de périls qui vous étonnent, ni de travaux qui vous fatiguent. Parvenus à ces momens décififs pour les deftinées de la France, vous allez chercher dans des immenfes refources & dans le patriotisme éclairé de fes habitans, un remede aux maux invétérés que vous avez été appellés à guérir. Pourfuivez, Meffieurs, votre généreufe tâche. Tandis que vous fonderez cette plaie antique & profonde, tandis que régénérant la finance comme vous avez régénéré la conftitution, vous prouverez que ce peuple ne peut périr, dont les régénérateurs veillent pour lui, je vous fuivrai Meffieurs, dans votre noble carriere; heureux de m'inftruire à la plus étonnante école de la raifon & de la politique, qui ait été ouverte depuis qu'il exifte des nations.

On s'occupa dans le refte de cette féance de l'inftruction pour les Colonies françoifes, & elle fut très calme. Il n'en fut pas de même de celle du lendemain, où l'on porta des plaintes fur la négligence du pouvoir exécutif, relativement aux décrets de l'affemblée; Je ne fais, s'écria M. de Roberfpierre ce qui doit m'étonner le plus ou de l'audace continuelie des miniftres ou de votre longue patience à la fouffrir. On pafla aux difcuffions fur le pouvoir judiciaire. Il paroît qu'il fera établi un ordre tout nouveau dans cette partie. On s'attend bien que l'ancienne magiftrature ne verra pas ces innovations fans fe remuer, fans qu'il en résulte de nouveaux efforts pour contrecarrer encore le zele de l'affemblée nationale dans la réforme des abus, qu'elle pourfuit avec tant de follicitude. Mais fans doute il en fera de ces tentatives, comme de tous les complots femblables qui

fe font tous les jours, & qui, tous les jours, avortent. Le fupplice de M. de Favras auroit dû épouvanter tous ceux qui étoient tentés de l'imiter; & cependant on a découvert encore la femaine derniere une confpiration horrible, mais dont le chef, dont l'inventeur, en prenant la fuite a malheureufement échappé à la juftice.

Ce chef eft le comte de Maillebois; il a été dénoncé par un de fes fecrétaires comme l'auteur d'un projet de contre-révolution, dont voici quelques articles. Il comptoit fur le fecours de trois puiffances étrangeres. La cour de Madrid donnoit deux millions & fix mille hommes; la cour de Naples donnoit quatre millions & dix mille hommes; & la cour de Turin fournifloit huit millions & quinze mille hommes en tout 14 millions & trente-un mille hommes. Ces troupes devoient entrer en France, à une époque déterminée, par la Provence, le Lyonnois & le Dauphiné. Elles devoient trouver dans l'intérieur différens corps affez nombreux qui fe feroient joints à elles.

On dit que le mémoire original de ce projet, écrit en entier de la main de M. de Maillebois, eft déposé au comité des recherches. Le fecrétaire l'avoit fouftrait du porte-feuille, & y avoit fubftitué une copie qu'il en avoit faite par ordre de M. de Maillebois. C'eft au château de Thury, appartenant à Madame la Marquife de Caffini, que cette copie a été faite. Le fecrétaire venu à Paris fous quelque prétexte, a fait fa dénonciation, & a écrit enfuite à M. de Maillebois qu'ayant touvé de l'emploi à Paris, il ne retourneroit plus auprès de lui. Le général, étonné de cette retraite,

a couru à fon porte-feuille; & ne trouvant plus fon mémoire original, n'a plus douté de la trahifon. Il a demandé des chevaux & eft parti pour Bréda.

Dans la féance du lundi, M. le président a donné communication à l'affemblée d'un mémoire de M. le garde-des-fceaux, qui annonce que le roi a donné fon acceptation ou fa fanction à plufieurs décrets de l'affemblée; & notamment à celui qui ordonne la remife au comité des finances, & au comité des penfions, du livre-rouge. Le roi a de même accordé fa fanction aux différens décrets rendus pour le développement des arrêtés du 4 août dans la partie qui a rapport aux droits féodaux. Le mémoire de M. le garde-des-fceaux contient des obfervations fur le vœu exprimé par le roi, pour que le tréfor public vienne au fecours des familles dont la fortune eft totalement renverfée par la fuppreffion, fans indemnité, des droits de péage, halage & minage. Ces obfervations, ainfi que toutes celles contenues dans ce mémoire, ont été renvoyées aux différens comités.

M. le garde-des-fceaux avoit auffi envoyé deux arrêts du confeil, dont l'un révoque les réglemens de la maifon de Saint-Cyr & des écoles militaires, qui exigent des preuves de nobleffe pour pouvoir y être admis: l'arrêt du confeil, par une difpofition expreffe, porte, qu'à l'avenir les enfans des officiers, tant de terre que de mer, pourront être reçus, foit à Saint Cyr, foit dans les écoles militaires, fans qu'il foit befoin de faire aucune preuve.

L'autre arrêt du confeil caffe un arrêt de la chambre des vacations du parlement de

Nancy, qui s'eft inconftitutionellement immifcé de juger une affaire dans laquelle il étoit queftion de l'exercice des droits de citoyen actif. Il fait défense à ce tribunal de connoître à l'avenir de pareilles difficultés, & en réferve, conformément à la conftitution, le jugement aux affemblées de département.

De Paris le 31 mars.

Parmi les adreffes préfentées ce jour, il faut diftinguer celle de la ville de Strasbourg, dont le patiotifme doit diminuer les hautes espérances des anti-conftitutionaires.

,, La commune de Strasbourg attendoit avec impatience qu'elle eût confommé le premier acte de fa régénération, l'élection de fes chefs, pour exprimer à votre augufte affemblée l'admiration & la reconnoiffance dont votre courage inaltérable & la fageffe de vos décrets l'ont pénétrée, Expofée depuis plus d'un fiecle aux furprifes de l'autorité arbitraire, elle tenoit encore à des ufages qui lui rappelloient le fouvenir de fon indépendance, & qui étoient précieux fous l'empire du defpotifme. Elle avoit conçu de trop juftes défiances; vous feuls avez pu les diffiper: elle embraffe avec transport une conftitution qui lui rend fes droits & fon antique liberté.

,, En effet, comment pourrions-nous méconnoître vos bienfaits, lorfque nous voyons dans nos chefs trois cultes & tous les états réunis. Déjà les progrès de l'efprit public ont effacé ces diftinctions qui privoient une partie d'entre nous des droits de citoyen.