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nombre quatre, parcequ'en commençant par un et prenant les quatre premiers nombres séparément, on complète le nombre dix; et si l'on va plus loin que quatre, on passe aussi le nombre dix. Par exemple, si on compte d'abord un, puis deux, ensuite trois, et enfin quatre, on aura dix. Ainsi, tous les nombres, en les prenant un à un, sont compris dans la dizaine. Mais en ne considérant que leur puissance, ils sont renfermés dans le uombre quatre. Aussi les pythagoriciens juraient-ils par ce dernier nombre, comme par le serment le plus sacré.

Par le nombre de quatre, en effets admirable,
Je jure, et ce serment est le plus redoutable.

Notre ame, ajoute Pythagore, est aussi formée sur l'analogie du nombre quatre. Ses facultés sont l'intelligence, la science, l'opinion et la sensation. Ces quatre facultés ont été les sources de tous les arts et de toutes les sciences; et c'est par là que nous sommes des êtres raisonnables. L'ame est l'unité, et c'est dans l'unité qu'elle considère les objets. Par exemple, dans la multitude d'hommes qui existent, il est impossible de les connaître tous en particulier, parceque le nombre en est presque infini. Mais nous connaissons un homme seul que nous distinguons de tous les autres, parcequ'aucun individu n'est semblable à un autre. Nous concevons de même un cheval seul, et non tous les individus de cette espèce, qui sont infinis. Tous les genres et toutes les espèces sont comme des unités. C'est pourquoi les pythagoriciens, appliquant à chacune de ces généralités une même définition, veulent qu'on définisse l'une un animal raisonnable, l'autre un animal hennissant. Ainsi l'intelligence, qui nous fait concevoir ces idées générales, est une unité. La dyade, qui est indéfinie, porte à bon droit le nom de science car toute démonstration, tout raisonne

ment qui produit la science, enfin tout syllogisme conclut une chose douteuse de deux propositions avouées par le moyen desquelles on en démontre une troisième, et la certitude des trois propositions s'appelle science. Ainsi la science est fondée sur le nombre binaire. L'opinion, qui naît de la compréhension, l'est sur le nombre trois, parcequ'elle porte sur plusieurs objets, et que le nombre trois désigne une multitude. Ainsi l'on dit :

Trois fois heureux les Grecs!.....

.

Voilà pourquoi l'opinion a rapport au nombre ternaire. La secte de Pythagore prit le nom d'italique, parceque ce philosophe, abandonnant Samos, sa patrie, par haine pour la tyrannie de Polycrate, alla tenir son école en Italie.

Héraclite et Hippasus de Métaponte ont cru que le feu est le principe de toutes choses; que tout vient du feu, et que tout doit s'y résoudre; que le monde fut formé après son extinction, que les parties les plus denses de cet élément, s'étant réunies, produisirent la terre; que la terre, dilatée par le feu, avait donné naissance à l'eau, et que des exhalaisons de celle-ci s'était formé l'air; qu'un jour le monde et tous les êtres qu'il contient doivent être consumés dans un embrasement général. Ainsi, suivant ces philosophes, le feu est le principe de tout, parceque toutes les substances sont sorties de lui, et qu'il en est le terme, parceque tout doit se résoudre en cet élément.

Epicure d'Athènes, fils de Néoclès, qui adopta les opinions philosophiques de Démocrite, établit pour prifcipes des êtres, des corps qui ne sont aperçus que par la raison, qui n'admettent point de vide, qui, incréés, éternels et incorruptibles, ne peuvent ni se briser, ni se diviser, ni s'altérer. L'ame seule peut les connaître. Ils se meuvent dans le vide et par le moyen du vide. Ce vide est infini, comme les corps eux-mêmes, auxquels il attribue.

trois propriétés, la figure, la grandeur et la pesanteur. Démocrite ne leur en avait donné que deux, la grandeur et la figure; Epicure y ajouta la pesanteur. Ces corps, disait-il, ne peuvent se mouvoir que par l'impulsion de leur gravité; sans cela, ils n'auraient pas de mouvement. Leurs figures sont bornées, et non infinies. Ils ne sont ni crochus, ni triangulaires, ni circulaires1, parceque ces figures se brisent facilement; au lieu que les atomes ne sont susceptibles' ni d'altération ni de rupture, et ils ont leurs figures propres que l'esprit nous fait concevoir. On les appelle atomes, non à cause de leur extrême petitesse, mais parcequ'ils sont indivisibles, étant incapables d'altération et n'admettant aucun vide. Ainsi, qui dit atome, dit un corps qui ne peut être divisé, qui n'éprouve aucune altération et n'a point de vide. Quant à l'existence des atomes, elle est évidente; car il y a des éléments qui subsistent éternellement; il y a aussi des espaces vides et des unités.

Empédocle d'Agrigente, fils de Méton, admet quatre éléments, le feu, l'air, l'eau et la terre; et deux principes ou facultés, l'amitié et la discorde, dont l'une unit les substances, et l'autre les sépare. Voici comme il s'exprime :

Le brillant Jupiter et l'aimable Junon,

La féconde Néstis le sévère Pluton,

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Exerçant de concert la suprême puissance,
A ce vaste univers ont donné l'existence.

Il donne au feu et à l'éther le nom de Jupiter, à l'air celui

1 L'auteur n'expose pas bien exactement la doctrine d'Épicure sur la forme des atomes; ce philosophe supposait des atomes crochus, courbés et angulaires.

2 Ménage, dans ses notes sur Diogène Laerce, croit que ce nom est formé du mot grec qui signifie nager, d'où est tiré aussi celui de Néréides. Au reste, les philosophes ne s'accordaient pas sur les noms des divinités qui désignaient les éléments. Les stoïciens, par exemple, donnaient à l'air le nom de Junon, d'autres à la terre; de même Pluton était tantôt le symbole de l'air et tantôt celui de la terre.

de Junon vivifiante, à la terre celui de Pluton, et à l'eau celui de Nestis, qui est le principe de la fécondité humaine.

Socrate, fils de Sophronisque, et Platon, fils d'Ariston, tous deux Athéniens, ont eu l'un et l'autre les mêmes opinions sur la formation de l'univers1. Ils établissent trois principes, Dieu, la matière et l'idée 2. Dieu est l'intelligence suprême; la matière est le premier sujet de la génération et de la corruption; l'idée est l'essence incorporelle des choses, laquelle existe dans la pensée et l'imagination divine, et Dieu est l'ame du monde.

Aristote de Stagire, fils de Nicomachus, suppose plusieurs principes, qui sont l'entéléchie ou la forme, la matière et la privation. Il dit qu'il y a quatre éléments, et une cinquième substance de nature éthérée et immuable.

Zénon le Citien, fils de Mnaséas, établit deux principes, Dieu et la matière, dont l'un est cause efficiente et l'autre sujet. Il admet aussi quatre éléments.

CHAPITRE IV.

Comment le monde a été formé.

Le monde a pris de la manière suivante la forme sphérique qu'il a maintenant. Les atomes n'ayant qu'un mouvement fortuit, qui n'était pas l'effet d'une faculté intelligente, et étant mus constamment avec beaucoup de rapidité autour d'un même point', plusieurs de ces corps se réunirent, et prirent nécessairement différentes figures et

1 Socrate n'a rien laissé d'écrit sur ses opinions en physique; et quoique Platon rende assez ordinairement ses sentiments dans les dialogues où il le fait parler, on peut douter si ce n'est pas plutôt ses propres opinions qu'il expose sur ces matières que celles de son maître, car on sait que Socrate ne s'occupait guère que de morale.

2 C'est-à-dire la forme que Dieu a donnée aux êtres, d'après l'exemplaire éternel qu'il en avait en lui-même, comme l'auteur va le dire.

'différentes grandeurs. Ainsi resserrés dans un même espace, les plus grands et les plus pesants occupèrent le bas; et tous ceux qui étaient légers, ronds, polis et glissants, pressés par le choc de tous ces corps, gagnèrent l'espace supérieur. Dès que la puissance dont l'impulsion les forçait de s'élever se fut affaiblie, et que le choc ne fut plus capable de les faire monter, comme en même temps il leur était impossible de descendre, ils furent poussés vers les lieux qui pouvaient les recevoir, c'est-àdire vers les espaces qui les environnaient, où un grand nombre de corps s'étant repliés, formèrent le ciel par leur réunion et leur réflexion mutuelle. Les atomes de même nature et de forme différente, poussés, comme on l'a déja dit, vers les régions supérieures, produisirent les astres. Le grand nombre de corps qui s'élevèrent en exhalaisons frappèrent l'air, le comprimèrent; et cet élément ayant acquis par cette impression la nature du vent, il environna les astres, les entraîna dans sa marche, et produisit cette révolution des corps célestes qui dure encore aujourd'hui. Des atomes qui occupèrent l'espace inférieur se forma la terre, et de ceux qui s'étaient élevés dans les parties supérieures naquirent le ciel, le feu et l'air. Comme il restait beaucoup de matière renfermée dans la terre, et qu'elle avait été condensée par la pression des vents et par le souffle des astres, chacune de ces petites parties fut comprimée et produisit la substance humide. Celle-ci, par sa fluidité naturelle, alla occuper les endroits creux qui pouvaient la recevoir et la contenir, ou bien le séjour · qu'elle fit sur certains lieux y produisit des cavités. C'est ainsi que se formèrent les principales parties du monde 1.

1 L'auteur a présenté ici la formation du monde d'après Épicure, quoiqu'il n'ait pas nommé ce philosophe. Lucrèce a développé ce système dans son poëme : « Ce n'est point, dit-il, par un effet de leur intelligence. »>

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