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chaque règne est précédé d'un intervalle où la na tion, rentrée dans tous ses droits et reprenant une vigueur nouvelle, coupe le progrès des abus et des usurpations, où la législation se remonte et r prend son premier ressort. Que deviendront les pacta conventa, l'égide de la Pologne, quand une famille établie sur le trône à perpétuité le renplira sans intervalle, et ne laissera à la nation, entre la mort du père et le couronnement du fils, qu'une vaine ombre de liberté sans effet, qu'anéau tira bientôt la simagrée du serment fait par tous les rois à leur sacre, et par tous oublié pour jamais l'instant d'après? Vous avez vu le Danemarck, vous voyez l'Angleterre, et vous allez voir la Suède profitez de ces exemples pour apprendre une fois pour toutes que, quelques précautions qu'on puisse entasser, hérédité dans le trône el liberté dans la nation seront à jamais des choses incompatibles.

Les Polonais ont toujours eu du penchant ransmettre la couronne du père au fils, ou an plus proche par voie d'héritage, quoique toujours par droit d'élection. Cette inclination, s'ils conti nuent à la suivre, les mènera tôt ou tard au malheur de rendre la couronne héréditaire; et il ne faut pas qu'ils espèrent lutter aussi long-temps de cette manière contre la puissance royale, que les membres de l'empire germanique ont lutte na point en elle-même de contre-poids suffisant contre celle de l'empereur, parce que la Pologne

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pour maintenir un roi héréditaire dans la subordination légale. Malgré la puissance de plusieurs membres de l'empire, sans l'élection accidentelle de Charles VII (*) les capitulations impériales ne seraient déjà plus qu'un vain formulaire, comme elles l'étaient au commencement de ce siècle; et les pacta conventa deviendront bien plus vains encore quand la famille royale aura eu le temps de s'affermir et de mettre toutes les autres au-dessous d'elle. Pour dire en un mot mon sentiment sur cet article, je pense qu'une couronne élective, . avec le plus absolu pouvoir, vaudrait encore mieux pour la Pologne qu'une couronne héréditaire avec un pouvoir presque nul.

Au lieu de cette fatale loi qui rendrait la couronne héréditaire, j'en proposerais une bien contraire, qui, si elle était admise, maintiendrait la liberté de la Pologne; ce serait d'ordonner, par une loi fondamentale, que jamais la couronne ne passerait du père au fils, et que tout fils d'un roi de Pologne serait pour toujours exclus du trône. Je dis que je proposerais cette loi si elle était nécessaire mais, occupé d'un projet qui ferait le même effet sans elle, je renvoie à sa place l'explication de ce projet; et supposant que par son effet les fils seront exclus du trône de leur père,

(*) Electeur de Bavière, élu empereur en 1742, quinze mois après la mort de Charles VI, dernier måle de la maison de Habsbourg-Autriche, mort qui donna lieu à la guerre dite de la succession.

Politique.

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hors

au moins immédiatement, je crois voir que berté bien assurée ne sera pas le seul avantage qui résultera de cette exclusion. Il en naîtra un autre encore très-considérable; c'est, en ôtant tout espoir aux rois d'usurper et transmettre à leurs enfans un pouvoir arbitraire, de porter toute leur activité vers la gloire et la prospérité de l'état, la seule voie qui reste ouverte à leur ambition. C'est ainsi plus que le chef de la nation en deviendra non l'ennemi né, mais le premier citoyen; c'est ainsi qu'il fera sa grande affaire d'illustrer son règne par des établissemens utiles qui le rendent cher à son peuple, respectable à ses voisins, qui fassent bénir après lui sa mémoire; et c'est ainsi que, les moyens de nuire et de séduire qu'il ne faut jamais lui laisser, il conviendra d'augmenter sa puissance en tout ce qui peut concourir au bien public. Il aura peu de force immédiate et directe pour agir par lui-même; mais il aura beaucoup d'autorité, de surveillance et d'inspection pour contenir chacun dans son devoir, et pour diriger le gouvernement à son véritable but. La prési ence de la diète, du sénat et de tous les corps, un sévère examen de la conduite de tous les gens en place, un grand soin de maintenir la justice et l'intégrité dans les tribunaux, de conserver l'ordre et la tranquillité dans l'état, de lui donner une bonne assiette au dehors, le commandement des armées en temps de guerre, les établissemens uti 'es en temps de paix, sont des devoirs qui tien

nent particulièrement à son office de roi, et qui l'occuperont assez s'il veut les remplir par luimême; car les détails de l'administration étant confiés à des ministres établis pour cela, ce doit être un crime à un roi de Pologne de confier aucune partie de la sienne à des favoris. Qu'il fasse son métier en personne, ou qu'il y renonce : article important sur lequel la nation ne doit jamais se relâcher.

C'est sur de semblables principes qu'il faut établir l'équilibre et la pondération des pouvoirs qui composent la législation et l'administration. Ces pouvoirs, dans les maius de leurs dépositaires et dans la meilleure proportion possible, devraient être en raison directe de leur nombre et inverse du temps qu'ils restent en place. Les parties composantes de la diète suivront d'assez près ce meilleur rapport. La chambre des nonces, la plus nombreuse, sera aussi la plus puissante; mais tous ses membres changeront fréquemment. Le sénat, moins nombreux, aura une moindre part à la législation, mais une plus grande à la puissance exécutive; et ses membres, participant à la constitution des deux extrêmes, seront partie à temps et partie à vie, comme il convient à un corps intermédiaire. Le roi, qui préside à tout, continuera d'être à vie; et son pouvoir, toujours très-grand pour l'inspection, sera borné par la chambre des nonces quant à la législation, et par le sénat quant à l'administration. Mais pour main

tenir l'égalité, principe de la constitution, rien n'y doit être héréditaire que la noblesse. Si la couronne était héréditaire, il faudrait, pour conserver l'équilibre, que la pairie ou l'ordre sénatorial le fût aussi comme en Angleterre. Alors l'or dre équestre abaissé perdrait son pouvoir, la chambre des nonces n'ayant pas, comme celle des communes, celui d'ouvrir et fermer tous les ans le trésor public, et la constitution polonaise serait renversée de fond en comble.

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Causes particulières de l'anarchie.

LA diète, bien proportionnée et bien pondérée ainsi dans toutes ses parties, sera la source d'une bonne législation et d'un bon gouvernement :

mais il faut

que

ses ordres soient res

cela pour pectés et suivis. Le mépris des lois, et l'anarchie où la Pologne a vécu jusqu'ici, ont des causes fa ciles à voir. J'en ai déjà ci-devant marqué la principale, et j'en ai indiqué le remède. Les autres causes concourantes sont, 1° le liberum veto, 2° les confédérations, 3° et l'abus qu'ont fait les particuliers du droit qu'on leur a laissé d'avoir des gens de guerre à leur service.

Ce dernier abus est tel, que,

si l'on ne com

mence pas par l'ôter, toutes les autres réformes

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