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demander à quoi cela sert, mais à quoi cela nuit. Pour la polysynodie de l'abbé de Saint-Pierre, je ne saurais voir qu'elle puisse être utile ni praticable dans aucune véritable monarchie, mai seulement dans une sorte de gouvernement mixte, où le chef ne soit que le président des conseils, n'ait que la puissance exécutive, et ne puisse rien par lui-même : encore ne saurais-je croire qu'une pareille administration pût durer long-temps sans abus; car les intérêts des sociétés partielles ne sont pas moins séparés de ceux de l'état, ni moins peruicieux à la république que ceux des particuliers, et ils ont même cet inconvénient de plus, qu'on se fait gloire de soutenir à quelque prix que ce soit les droits ou les prétentions du corps dont on est membre, et que, ce qu'il y a de malhonnête à se préférer aux autres s'évanouissant à la fayeur d'une société nombreuse dont on fait partie, à force d'être bon sénateur on devient enfin mauvais citoyen. C'est ce qui rend l'aristocratie la pire des souverainetés (1); c'est ce qui rendrait peutêtre la polysynodie le pire de tous les ministères.

(1) Je parierais que mille gens trouveront encore ici une contradiction avec le Contrat social (*). Cela prouve qu'il y a encore plus de lecteurs qui devraient apprendre à lire, que d'auteurs qui devraient apprendre à être conséquens.

() Voyez Contrat social, livre III, chap. 5, et la note, a elap. 10, sur la République romaine.

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AVERTISSEMENT.

Ce petit traité est extrait d'un ouvrage plus étendu, entrepris autrefois sans avoir consulté mes forces, et abandonné depuis long-temps. Des divers morceaux qu'on pouvait tirer de ce qui était fait, celui-ci est le plus considérable, et m'a paru le moins indigne d'être offert au public. Le reste n'est déjà plus (*).

(*) Montesquieu n'a parlé que des lois positives; il a laissé son bel édifice imparfait mais il fallait aller à la source même des lois, remonter à cette première convention expresse ou tacite qui lie toutes les sociétés. Le Contrat social a paru; c'est le portique du temple et le premier chapitre de l'Esprit des lois. C'est de l'auteur qu'on peut dire véritablement: Le hugenre main avait perdu ses titres; Jean-Jacques les a retrouvés. » (Note de Brizard, édition de Poinçot, tome VIII.)

Que l'on conteste ou non sur la validité de ces titres ou sur les conséquences qu'on en peut tirer dans l'application, il est certain que l'objet de notre auteur dans cet ouvrage est parfaite ment déterminé par cette note d'un précédent éditeur; c'est ce qui nous a engagé à la reproduire,

Au surplus, Roussean lui-même a présenté la substance de son Contrat social dans le Livre v de l'Emile, lorsqu'il est ques tion de faire voyager son é'ève, et il en a donné encore une analyse plus courte dans les Lettres de la Montagne (Lettre vi), En lisant ces deux morceaux après l'ouvrage qu'on va lire, on en saisira d'autant mieux l'ensemble et l'esprit général,

OU

PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE.

LIVRE I

JE veux chercher si, dans l'ordre civil, il peut y avoir quelque règle d'administration légitime et sûre, en prenant les hommes tels qu'ils sont, et les lois telles qu'elles peuvent être. Je tâcherai d'allier toujours dans cette recherche ce que le droit permet avec ce que l'intérêt prescrit, afin que la justice et l'utilité ne se trouvent point di

visées.

J'entre en matière sans prouver l'importance de mon sujet. On me demandera si je suis prince ou législateur pour écrire sur la politique. Je réponds que non, et que c'est pour cela que j'écris sur la politique. Si j'étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu'il faut faire; je le ferais, ou je me tairais.

Né citoyen d'un état libre, et membre du souverain, quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en ins

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