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dit trop aussi combien il y a loin de cet amour la pratique qui fait l'homme vertueux. D'ailleur je suis fort éloigné d'avoir de la science, et plu encore d'en affecter. J'aurais cru que l'aveu ingén que j'ai fait au commencement de mon Discou me garantirait de cette imputation : je craignai bien plutôt qu'on ne m'accusât de juger des cho ses que je ne connaissais pas. On sent assez com bien il m'était impossible d'éviter à la fois ces deu reproches. Que sais-je même si l'on n'en viendrai point à les réunir, si je ne me hàtais de passer con damnation sur celui-ci, quelque mérité qu'il puisse être?

3o Je pourrais rapporter à ce sujet ce que disaient les pères de l'Eglise des sciences mondaines qu'ils méprisaient, et dont pourtant ils se servaient pour combattre les philosophes païens : je pourrais citer les comparaisons qu'ils en faisaient avec les vases des Egyptiens volés par les Israélites. Mais je me contenterai, pour dernière ré ponse, de proposer cette question: Si quelqu'un venait pour me tuer, et que j'eusse le bonheur de me saisir de son arme, me serait-il défenda, avant: que de la jeter, de m'en servir pour le chasser de

chez moi?

Si la contradiction qu'on me reproche n'existe pas, il n'est donc pas nécessaire de supposer que je n'ai voulu que m'égayer sur un frivole paradoxe; et cela me paraît d'autant moins néces saire, que le ton que j'ai pris, quelque mauvais

en il y a loin de cet amour qu'il puisse être, n'est pas du moins celui qu'on homme vertueux. D'ailleur emploie dans les jeux d'esprit.

com

l'avoir de la science, et pl est temps de finir sur ce qui me regarde : on J'aurais cru que l'aveu ingne gagne jamais rien à parler de soi, et c'est une mencement de mon Discos indiscrétion que le public pardonne difficilement, ette imputation: je craig même quand on y est forcé. La vérité est si indée m'accusat de juger des pendante de ceux qui l'attaquent et de ceux qui issais pas. On sent assez la défendent, que les auteurs qui en disputent dessible d'éviter à la fois ces de vraient bien s'oublier reciproquement: cela épar je même si l'on n'en vien nerait beaucoup de papier et d'encre. Mais cette je ne me hatais de passer regle si aisée à pratiquer avec moi ne l'est point ci, quelque mérité quil pas du tout vis-à-vis de mon adversaire; et c'est une difference qui n'est pas à l'avantage de ma réplique.

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apporter à ce sujet ce que Eglise des sciences mona:

et dont pourtant ils se ttre les philosophes pas

L'auteur, observant que j'attaque les sciences ils se s et les arts par leurs effets sur les mœurs, emploie pour me répondre le dénombrement des utilités en retire dans tous les états : c'est comme on se contentait de

omparaisons qu'ils en faisais

qu'on

Egyptiens volés par les si, pour justifier un accusé,

contenterai, pour dernière

prouver qu'il se porte fort bien; qu'il a beaucoup

r cetle question: Si quelq habileté, ou qu'il est fort riche. Pourvu qu'on er, et que j'eusse le bonke maccorde que les arts et les sciences nous renne, me serait-il défenda, a dent malhonnêtes gens, je ne disconviendrai pas m'en servir pour le chasse qu ils ne nous soient d'ailleurs très-commodes cest une conformité de plus qu'ils auront avec la on qu'en me reproche n'a plupart des vices.

pas nécessaire de supposer m'égayer sur un frivole pr paraît d'autant moins néce ue j'ai pris, quelque maurÁ

L'auteur va plus loin, et prétend encore qu Tétude nous est nécessaire p pour

admirer les bea

tés de l'univers, et que le spectacle de la natur exposé, ce me semble, aux yeux de tous po

l'instruction des simples, exige lui-même beaucoup d'instruction dans les observateurs pour ene être aperçu. J'avoue que cette proposition me sur prend: serait-ce qu'il est ordonné à tous les hom-c mes d'être philosophes, ou qu'il n'est ordonné qu'aux seuls philosophes de croire en Dieu? L'Ecriture nous exhorte en mille endroits d'adorer la grandeur et la bonté de Dieu dans les merveilles de ses œuvres je ne pense pas qu'elle nous ait prescrit nulle part d'étudier la physique, ni que l'auteur de la nature soit moins bien adoré par noi qui ne sais rien, que par celui qui connait et le cèdre, et l'hysope, et la trompe de la mouche, et celle de l'éléphant : Non enim nos Deus ista scire, sed tantummodò uti voluit (*).

On croit toujours avoir dit ce que font les sciences, quand on a dit ce qu'elles devraient faire. Cela me paraît pourtant fort différent. L'étude de l'univers devrait élever l'homme à son créateur; je le sais; mais elle n'élève que la vanité humaine. Le philosophe, qui se flatte de pénétrer dans les secrets de Dieu, ose associer sa prétendue sagesse à la sagesse éternelle : il approuve, il blame, il corrige, il prescrit des lois à la nature, et des bornes à la Divinité; et tandis qu'occupé de ses vains systèmes il se donne mille peines pour arranger la machine du monde, le laboureur, qui voit la pluie et le soleil tour à tour

(*) Cic. Ce passage est cité par Montaigne, v. n, chap. 3.

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he

exige lui-même ben es observateurs poure ette proposition mes ordonné à tous les ou qu'il n'est ordon de croire en Dieu! nille endroits d'adonni Dieu dans les merveis

use

L

pas qu'elle nous z

fertil ser son champ, admire, loue, et Lénit la
main dont il reçoit ces grâces, sans se mêler de la
manière dont elles lui parviennent. Il ne cherche
point à justifier son ignorance ou ses vices par son
incredulité. Il ne censure point les œuvres de
Dieu, et ne s'attaque point à son maître pour faire
briller sa suffisance. Jamais le mot impie d'Al-
phonse X ne tombera dans l'esprit d'un homme
vulgaire : c'est à une bouche savante que ce blas-
que la savante

Hier la physique, niq phème était réservé (*). Tandis

t moins bien adoré

par

de la mouch

Grèce était pleine d'athées, Elien remarquait (1)

r celui qui connate que jamais barbare n'avait mis en doute l'existence de la Divinité. Nous pouvons remarquer de on enim nos Deus is meme aujourd'hui qu'il n'y a dans toute l'Asie

a trompe

qu'un seul peuple lettré, que plus de la moitié de ti voluit (*). que font ce peuple est athée, et que c'est la seule nation oir dit ce que it ce qu'elles devra

rtant fort different. L

de l'Asie où l'atheisme soit connu.

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La curiosité naturelle à l'homme, continue-tt élever l'homme às, lui inspire l'envie d'apprendre. Il devrait elle n'élève que la van done travailler à la contenir, comme tous ses qui se flatte de pén penchans naturels. Ses besoins lui en font sentir

ose

associer sa pres ternelle : il approuve, escrit des lois à la pr ivinité; et tandis que mes il se donne ni machine du monde. ie et le soleil tour à to

Moutaigne, Xv. n, chap.

le

(*) Alphonse X, roi de Léon et de Castille, surnommé l'Asonome, et qui, avant de monter au trône en 1252, avait déjà de sabio (savant), avait coutume de dire: » Si Dieu mavait appele à son conseil au moment de la création, l woude aurait été plus simple et mieux ordonné. » Ces parole bardis l'ont fait soupçonner d'athéisme; mais plusieurs écr Vains les oat regardées comme une raillerie, dirigée plut contre l'incohérence et la contradiction des divers systèmes d'a tronomie alors en credit, que contre l'auteur de l'univers. (1) Var. Hist., lib. 11, cap. 31,

la nécessité. A bien des égards les connaissance sont utiles; cependant les sauvages sont des hon mes, et ne sentent point cette nécessité-là. Se emplois lui en imposent l'obligation. Ils lui in posent bien plus souvent celle de renoncer à l'é tude pour vaquer à ses devoirs (1). Ses progrè lui en font goûter le plaisir. C'est pour cel même qu'il devrait s'en defier. Ses premières dé couvertes augmentent l'avidité qu'il a de savoir. Cela arrive en effet à ceux qui ont du talent. Plus il connait, plus il sent qu'il a de connaissances à acquérir. C'est-à-dire que l'usage de tout le temps qu'il perd est de l'exciter à en perdre encore davantage. Mais il n'y a guère qu'un petit nombre d'hommes de génie en qui la vue de leur ignorance se développe en apprenant, et c'est pour eux seulement que l'étude peut être bonne. A peine les petits esprits ont-ils appris quelque chose, qu'ils croient tout savoir; et il n'y a sorte de sottise

que

(1) C'est une mauvaise marque pour une société, qu'il faille tant de science dans ceux qui la conduisent; si les hommes étaient ce qu'ils doivent être, ils n'auraient guère besoin d'étudier pour apprendre les choses qu'ils ont à faire. Au reste, Cicéron lui-même, qui, dit Montaigne, « debvait au sçavoir tout « son vaillant.... reprend aulcuns de ses amis d'avoir actoristumé « de mettre à l'astrologie, au droict, à la dialectique et à la gëo« métrie, plus de temps que ne méritaient ces arts, et que cela « les divertissait des debvoirs de la vie, plus utiles et honnestes. » (Liv. 11, chap. 12.) Il me semble que dans cette cause commune les savans devraient mieux s'entendre entre eux, et donner au moins des raisons sur lesquelles eux-mêmes fussent d'ao cord.

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