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Le sieur Bonneville est tellement l'esclave des philosophes, tout en prêchant l'égalité et la liberté, qu'il en fait non-seulement des rois, mais des dieux. « Cultivez le génie, dit-il, (page 128) le » culte du génie est le culte de l'Eternel, de l'es »prit créateur, le vrai culte, le culte de la loi sas »lutaire, universelle. »

C'est donc pour se mettre à la place des princes et de Dieu même, que la philosophie bouleverse la France. C'est pour y donner des loix, qu'elle détruit les anciennes, qu'elle en change tout le gouvernement. Si votre main se refuse à répandre le sang d'un prince bon, humain, bienfaisant, vertueux; si l'idée d'un pareil attentat, qui couvri➡ roit la France d'un éternel opprobre, et la rendroit coupable aux yeux de Dieu et des hommes, vous fait frémir; si vous appercevez dans l'avenir, les punitions qu'une main vengeresse vous prépare; le sieur Bonneville, pour vous enhardir au crime vous crie, (page 156) « Franchissez tout-à-coup les » siècles, et amenez les nations aux persécutions » de Philippe le Bel. »

Quoi donc ! est-ce que Louis XVI, est responsable des fautes prétendues de Philippe le Bel, si véritablement il en fit une, en faisant juger l'ordre des Templiers dans le concile de Vienne, en se concertant avec les princes ecclésiastiques et séculiers de l'Europe, pour faire cesser les crimes dont les Templiers se rendoient journellement cou pables, et dont la plupart, firent l'aveu dans les interrogatoires qu'ils subirent? L'égalité et la li berté s'étendent-elles donc à commettre et autoriser tous les crimes les plus abominables! De quel droit les francs-maçons, les clubistes et les philosophes, voudront-ils faire porter à tous les: potentats, la peine d'avoir fait faire un acte de justice, en suivant les formes selon lesquelles elle: avoit coutume d'être administrée? Nos philosophes mettent en scène, la fable du loup et de l'agneau; que les nations jugent si elles doivent se ranger

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du côté du loup contre le foible et innocent agneau ? C'est à elles que Bonneville en appelle (pag. 158.) « Vous qui êtes, ou qui n'êtes pas Templiers, aidez à un peuple libre à se rebâtir » en trois jours, et pour toujours le temple de la » vérité! » C'est-à-dire à établir le règne de la philosophie, de l'irréligion, et de toutes les abominations.

» Démocratie, aristocratie, monarchie, roya»lisme; mots à proscrire. Que faut-il donc mettre » à leur place? L'alliance des bons esprits, voilà » le guide de la nation. L'idée d'un gouvernement "national (pag. 143.), réunit tous les systêmes. » S'assembler, s'unir, s'armer, rester armé, voilà » une constitution (pag. 151). Réunir tous les par»tis, pour en former un grand ensemble, et gou » verner le tout par le tout, établir une fédérative » (pag. 154. ), composée de gestes, de paraboles, » de fables et de calculs ingénieux, pour servir de » voile aux amis de la vérité ».

C'est-à-dire que la langue du pacte fédératif, projetté par les philosophes, qui sont les amis de la vérité, selon la définition ou l'étymologie du mot philosophe, sera composée d'allégories, de fables, de calculs dans lesquels ils envelopperont le vuide de leurs systêmes, ou leurs erreurs perverses. C'est pour établir cette philosophie, que Bonneville confond avec la vérité, que cet auteur invite les nations à faire périr les souverains.

(Pag. 175.) « Périssent, (dit-il), les tyrans! Ce » sont eux qui affligent la vérité, qui l'enfoncent » dans les ténèbres, où l'homme obscur et foible » l'apperçoit à peine, à la sinistre lueur d'un af» freux incendie qui ne l'éclaire que pour le dé» vorer. (pag. 198.) Que ces moines jurent par leurs » poignards, non pas d'usurper la souveraineté » nationale...... qu'ils jurent de purger la terre des » tyrans. Graces à nos armes, ce serment est le » seul possible, que les chefs puissent aujourd'huž espérer de leurs automates assemblés en corps ».'

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Je pourrois rassembler d'autres preuves de conjuration des philosophes, des francs-maçons, et des clubistes contre la religion et les souverains, pour établir sur les ruines de l'autel et du trône, le règne de la philosophie, qu'ils appellent la vérité, et qu'ils veulent mettre à la place de toutes celles que la révélation nous a enseignées; mais ce que j'en ai dit, suffit pour montrer la trame de leur infame projet. Vérités religieuses, vérités chrétiennes et morales, vérités divinement révélées, et scellées du sceau de la Divinité, fuyez la terre et retournez au Ciel. La philosophie, l'orgueilleuse raison, l'erreur et le mensonge veulent occuper la place que les sages mortels vous ont donnée dans tous les cœurs; et pour en venir à bout, ils veulent que la terre soit abreuvée du sang des rois et des prêtres. Souverains, pensez-y... Grand Dieu! voyez notre cause, et jugez si la philosophie doit dépouiller votre Fils unique de l'empire sur les nations, que vous lui avez données en héritage.

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Cet Ouvrage étoit à l'impression, lorsque l'abbé de Fontenai, ou les Rédacteurs de son Journal, en rendant compte des événemens qui bouleversent la France, ont tracé en raccourci le tableau que nous venons de dessiner. La res-. semblance des principes, des vues, des conséquences, nous a déterminé à le joindre ici, pour justifier nos conjectures, et donner une nouvelle force à nos preuves. (1er. Janvier 1792.)

La catastrophe qui étonne aujourd'hui l'univers, en affaissant le trône des Bourbons, met sur la même ligne, le plus puissant des rois et les représentans du simple citoyen. L'explosion a pu être subite aux yeux de l'homme trop peu accoutumé à réfléchir sur tout ce qui prépare les grands événemens; mais long-tems un bruit sourd a mugi

sous le palais du monarque. Depuis un demi siècle, la trame étoit ourdie; à peine trois générations ont-elles suffi à la développer. Le Nestor de Ferney en avoit tenu les premiers fils dès son adolescence; Rousseau de Genève les agita long-tems la carrière des d'Alembert, des Diderot et des Turgot, ne fut pas assez longue pour les voir s'applaudir du succès; tant il fallut d'années, de combinaisons, pour amener les circonstances, appla nir les obstacles, et disposer l'esprit des peuples. *Cependant le complot, dans sa lenteur même, dédaignoit les ombres du mystère ; et c'est encore un caractère unique de la révolution, que longtems avant son explosion, elle étoit dévoilée. De puis trente ans surtout, nos magistrats dans leurs réquisitoires, nos orateurs chrétiens dans la chaire évangélique, jusqu'à nos docteurs dans leurs thèses publiques, annonçoient que le trône étoit menacé comme l'autel. Il seroit facile de citer des lambeaux de vingt et de trente ans antérieurs à la grande secousse, qui sont en quelque sorte l'histoire anticipée de la révolution. Ceux qu'elle menaçoit plus spécialement, peuvent se souvenir combien de fois, cette annonce a retenti à leurs oreilles. Ils avoient méprisé le présage; le vrai observateur s'en saisira. L'histoire de toute autre conspiration découverte ne lui avoit montré qu'un complot avorté. Il ne verra pas sans le plus juste étonnement celleci, s'avancer lentement, mais d'un pas toujours ferme, lors même qu'elle est montrée au doigt à ceux qu'elle menace.

Méditée pendant un demi siècle, et prévue au moins, par une génération entière, étonnante par la lenteur, et bientôt par la publicité de sa marche, le sera-t-elle moins, par l'époque même qu'elle choisit pour éclater?

Jusqu'ici, toute conspiration n'avoit eû pour cause ou pour prétexte, que les forfaits du prince sur le trône. Pour échauffer le peuple, il falloit lui montrer un desposte odieux, le joug de l'op

pression à secouer, des forfaits à venger, un tyran à chasser, un monstre à écraser. Si la postérité démande un jour, quels étoient donc les crimes de Louis XVI, quand la France s'émut; quand élevant les haches de l'insurrection, elle brisa le sceptre de ses loix? Quelle sera alors la réponse de l'histoire? Il faudra pour parler le langage de la vérité, qu'elle dise à nos neveux: Les François en ces jours terribles pour les rois, vouloient haïr le leur; ils ne le pouvoient pas, ils parloient d'esclavage, et Louis XVI avoit fait éclater sa puissance, pour en éteindre jusqu'aux derniers vestiges dans l'empire. Ce qu'il n'avoit pas pu prescrire comme Roi, il l'avoit commandé par l'exemple. Il avoit abdiqué tous ses droits personnels sur tout homme dont la liberté pouvoit être gênée dans ses domaines. Ils parloient d'une administration impérieuse; et Louis XVI, le premier de nos Rois, tentoit, établissoit dans ses provinces, l'administration populaire. Ils parloient des crimes des monarques; et Louis XVI n'avoit pas même un de ces vices qu'on eût pu remarquer dans le simple citoyen; il étoit aimé, il étoit fait pour l'être.

La basse adulation ne dicte pas ces vérités; elle choisiroit mal son jour pour les flatteurs. C'est comme observateurs, que nous parlons à la postérité, et que nous partageons d'avance tout son étonnement, en lui disant: Louis XVI étoit aimé de son peuple ; il n'aspiroit qu'à l'être et à le mériter. C'est pourtant sous ce roi, que la révolution la plus ennemie des rois éclate, se poursuit et se consomme!

C'est dans la nature de la révolution, c'est dans le grand objet qui la distingue de toute autre révolution, que l'observateur réfléchi, cherchera l'explication de cette énigme.

Jusqu'ici l'ambition donnoit des émules aux rois; elle usurpoit les sceptres, et ne les brisoit pas; elle étoit trop jalouse du trône, pour en détruire P'éclat et la puissance, lorsqu'elle renversoit celui qui l'occupoit ; et sous l'usurpateur, la prérogative

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