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» donna lieu à des autels et à des sacrifices; que ce qui avoit été commencé par une coutume, fut » ensuite perpétué par l'autorité des loix ».

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Le même auteur nous apprend (ch. 13). » Que » tous les hommes vains, qui n'ont pas eu la science » de Dieu, n'ont pu s'élever par les créatures jus» qu'au Créateur, ni connoître l'ouvrier de cet » univers, par les beaux ouvrages qui s'offrent » de toutes parts à nos yeux; qu'ils ont cherché le » Dieu de l'univers dans le feu, dans l'air, dans » le vent dans le mouvement des astres, dans » l'eau, dans le soleil et dans la lune ».

Le soleil et la lune n'ont donc pas été les premiers dieux du monde ; et quelqu'ingénieux que soit le systême de M. Dupuis, il ne peut être regardé comme la base de la théogonie païenne. Premièrement, nous voyons par Lactance (lib. 2. ch. 5.) que M. Dupuis n'est pas le premier qui ait voulu expliquer l'origine des dieux par l'astronomie. Cet auteur dit agréablement aux philosophes païens qui avoient embrassé ce systême : » Philosophes, » vous prenez les astres pour les dieux; enseignez» nous donc les mystères de chaque étoile, afin que » nous élevions un temple à chacune, qu'elle ait >> son autel, ses victimes, un jour de fête, des cé» rémonies et des prières qu'elle agrée ». Mais en second lieu, quand il seroit vrai que la beauté du ciel eût donné naissance à une espèce d'idolâtrie, il ne s'en suivroit nullement delà, que ça été en Egypte que ce culte a commencé, ainsi que le prétend M. Dupuis.

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Ce savant, pour établir ce systême, n'est arrêté ni par la durée de 16 à 17 mille ans, qu'il est obligé de donner au monde, ni par la contradiction dans laquelle ils se rencontre avec tous les systêmes de chronologie des peuples connus. 1o. Il faut lui accorder que c'est en Egypte que la science de l'astronomie a commencé; 2°. Que les signes du zodiaque répondent aux travaux de la campagne en Egypte, et ne s'accordent qu'avec ces seuls tra

vaux; 3°. Enfin 'il faut convenir avec lui que les dieux païens ont des rapports marqués avec les constellations qui président à ces travaux, et que c'est la raison pour laquelle on a établi leur culte. (Mémoire sur l'origine des constellations, et sur l'explication de la fable).

Les deux premiers points sont contestés à M. Dupuis par M. Legentil, astronome de l'académie qui a étudié à fond cette matière, et dont les raisonnemens feront sans doute plus d'impression sur M. Dupuis, que ceux d'un théologien ou d'un prêtre. On peut consulter la Dissertation qu'il a donnée sur l'Origine du Zodiaque et sur l'explication des douze signes qui a été lue à l'académie le 18 décembre 1782.

On y voit, 1°. Que M. Dupuis, pour établir son systême sur le zodiaque, a recours à un planisphère, composé de pièces et de lambeaux, envoyés par un cophte au père Kircher, et auxquels celui-ci a ajouté beaucoup de choses de sa façon; a. à une supposition purement gratuite, d'une prétendue secousse que les eaux du déluge ont donnée à la terre, et qui a pu produire une inclinaison dans son axe qui l'aura reporté sur les points du cercle polaire, auxquels il ne seroit arrivé que sept à huit mille ans après ; 3°. A une transposi tion des constellations du ciel, qu'il est obligé de reporter d'une extrémité du ciel à l'autre.

On sent au premier coup d'œil, qu'un systême qui a besoin de toutes ces suppositions, pour prendre un air de vraisemblance, ne peut soutenir un examen rigoureux. Aussi n'y a-t-il que la haine que l'on porte à la religion chrétienne, qui puisse lui donner quelque crédit dans le monde savant. Mais M. Legentil, qui est sans respect humain, et ami sincère de la vérité, a cru devoir faire connoître à messieurs de La Lande et Dupuis, qu'il n'est pas de leur sentiment sur l'origine du 20diaque égyptien, ni sur les suppositions auxquelles ils ont eu recours pour l'accréditer. Il leur prouve

que

que tout ce qu'ils allèguent pour établir que le zodiaque doit son origine aux Egyptiens, conviens également aux Indiens et aux Chaldéens, chez lesquels on retrouve les mêmes usages qu'en Egypte, une connoissance aussi ancienne de l'astronomie, et peut-être la première connoissance de cette science, que les peuples de l'Egypte et de la Grèce ont apprise dans les contrées fortunées de l'Inde, où la nature présente un spectacle bien autrement ravissant que dans l'Egypte.

M. Legentil pense avec M. Bailly (hist. de l'astron. mod.), que le premier zodiaque a été celui de la lune, et que c'est pour cette raison que celui des Brames est composé de 27 constellations, qui répondent au mouvement journalier de cet astre.

Une autre raison, qui démontre, selon M. Legentil, que les Egyptiens ne sont point les pères de l'astronomie, c'est qu'on ne peut trouver chez eux la détermination des points équinoxiaux et solstitiaux, ni aucune trace de l'équateur; au lieu que de tems immémorial, les Indiens connoissent l'équateur, les équinoxes, et savent tirer la méridienne, lorsque le soleil est pour eux au milieu du monde, qu'il pèse également sur le jour et la nuit, et les balance pour ainsi dire; d'où il conclut que la balance est le premier signe que les Brames aient trouvé, et que les autres signes no sont venus qu'après.

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« Un peuple, dit-il, qui de tems immémorial paroît avoir fait attention aux mouvemens de la » lune, avoir divisé sa route en 27 constellations, » avoir fixé la longueur de l'ombre équinoxiale des » corps; qui a découvert que là, où étoit le soleil » à midi, les corps ne faisoient point ombre le jour de l'équinoxe; je dis découvert, car cela » dut faire en effet une découverte, dans le sens » que les Brames l'entendent; un peuple qui pa» roît avoir déterminé, même avec quelque pré»cision, l'obliquité de l'écliptique ; un peuple qui, » comme je vais le dire, a des révolutions recon

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»nues des étoiles en vingt-quatre mille ans; un » peuple qui conserve ces dépôts précieux, et plu»sieurs autres encore, de tems immémorial, dans » une université ou école célèbre, établie, je le » répète encore, de tems immémorial à Benarès » précisément à l'endroit par où auroit passé le tropique, il y a 14 à 15000 ans, si le monde eût » existé; ce peuple me paroît avoir autant de droits » à l'invention du zodiaque, que peuvent en avoir » les Egyptiens.

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« J'ajouterai ici un fait, qui m'a paru mériter la plus grande attention; c'est que les Brames » sont exactement le seul peuple qui compte en» core aujourd'hui la longitude du soleil et de la lune, non du premier dégré du signe du bélier, >> mais de la constellation du bélier or il me pa» roît que cela vient de ce que dans l'origine, on »ne distingua point de zodiaqué fixe et de zodiaque mobile; et que les Brames, qui ne varient » point dans leurs usages, ont conservé cette » première méthode, quoiqu'ils reconnoissent une » précession des équinoxes, et qu'ils s'en servent » dans leurs calculs astronomiques ».

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La science de l'astronomie a dû se développer par dégrés, à mesure que l'on a fait des découvertes; M. Dupuis ne connoît point de gradation dans cette science. Se transportant comme un aigle au-delà des siècles, il ne voit que le moment où il conçoit que l'astronomie a été portée à sa perfection chez les Egyptiens. La première opération qu'il remarque, c'est un chef-d'oeuvre en astronomie; « Les Egyptiens, selon lui, classèrent les » étoiles du zodiaque pour en former un calendrier » rural, sans faire mention du mouvement des » étoiles en longitude. Ils établirent la belle étoile » du grand chien (Syrius), pour annoncer le solstice d'été. Cependant les années, les siècles » mêmes s'écoulent, les étoiles s'en vont dans l'est, entraînées par la précession des équinoxes, elles » emmènent Syrius avec elles; Phẩmalhut paroît

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» à la bouche du poisson austral, et fait naître » l'idée aux Egyptiens de substituer cette étoile à Syrius, et de réformer leur calendrier, sans con» noître encore la précession des équinoxes «<.

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M. Dupuis n'est point embarrassé de substituer signes à signes, étoiles à étoiles, jusqu'à ce qu'il soit parvenu à ranger les constellations dans l'ordre qui lui est nécessaire pour bâtir son systême; et cependant on ne voit dans l'histoire de l'Egypte, aucune trace d'un changement si important, qui auroit dû être d'autant plus remarqué, qu'il changeoit les travaux de la campagne. Hipparque et Ptolomée n'auroient pas manqué d'en faire mention, et cepandant ils n'en disent pas un mot. Le systême de M. Dupuis n'est donc qu'un bel ouvrage d'imagination, qui n'ayant aucun fondement dans l'histoire, ne peut en aucune sorte servir à expliquer des faits historiques, aussi intéressans que ceux qui ont donné lieu à la théogonie des païens.

C'est cependant sur des bases aussi incertaines, que M. Dupuis ne craint pas de s'appuyer, pour prouver que toutes les religions, même la religion chrétienne, ont pris leur origine dans la science de l'astronomie. Il va donner au public le Grand Planisphère, que le père Kircher a arrangé dans son cabinet, comme un ouvrage d'origine égyptienne; il nous fera une longue histoire de la fable du poisson austral, pour persuader que cette histoire appartient toute entière à l'Egypte, et qu'elle sert merveilleusement à expliquer l'astronomie égyptienne. Mais cette histoire n'est pas moins fameuse en Syrie et en Chaldée, d'où il est vraisemblable qu'elle a été transportée en Egypte. Car, s'il est vrai, comme il est au moins très-vraisemblable, que la fable de Oannes, moitié homme et moitié poisson, ne soit autre chose que le travestissement de l'histoire du prophète Jonas, envoyé par Dieu pour annoncer la pénitence à Ninive, at qui d'abord englouti par un poisson, fut vomi

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