les jours tout l'Office Canonial, même l'Office de la Vierge, à la Ste-Chapelle. Il difoit auffi chaque jour l'Office des Morts, même aux Fêtes les plus folemnelles; il ne manquoit guère à entendre deux Meffes par jour, & fouvent trois ou quatre: il aimoit les Sermons, les retenoit & les répétoit aux autres; & fur ce que quelques Seigneurs murmuroient de ce qu'il entendoit tant de Meffes & de Sermons, il leur dit : fi je paffois deux fois autant de temps à jouer, ou à courrir les bois, pour m'occuper de la chaffe, perfonne n'en parleroit.

Dans la vie de St Louis, écrite par Geoffroi de Beaulieu, fon Confeffeur, il eft rapporté que St Louis avoit coutume de fe lever à minuit, pour affifter aux Matines dans la Sainte Chapelle; mais que s'étant vu attaqué de maux de tête, & fur ce qu'on lui représenta que l'interruption du fommeil pouvoit beaucoup l'incommoder, il prit le parti de les faire dire le matin avant l'heure destinée pour l'Office de Prime; & c'eft de-là qu'eft venu, à la Ste-Chapelle, la coutume de ne point dire Matines la nuit, contre la pratique générale des Chapitres & Églifes Collégiales, obfervée jufque vers le milieu du XIVe fiècle, à l'exemple de la Cathédrale de Paris qui a toujours confervé cet ancien ufage.

Jamais Prince ne fut plus digne que St Louis de tous les éloges, dont les Historiens ont honoré fa mémoire. Le détail de fes œuvres de piété & de fes vertus chrétiennes, a fourni des volumes entiers; la vertu & la fainteté qui lui attirèrent le refpect, la vénération, & l'admiration de tous fes fujets, n'affoiblirent en aucune manière les qualités d'efprit & de

avec lefquelles il étoit né: modefte & recueilli aux pieds des Autels, on le voyoit, un moment après, à la téte d'une armée avec la contenance d'un héros; la prière à laquelle il confacroit plufieurs heures du jour, ne diminuoit en rien du foin qu'il devoit à fon état : il tenoit exactement fes confeils; & plufieurs Ordonnances qui nous restent de ce Prince fur diverfes matières importantes, & pour le règlement de la Juftice,

une espèce de Code, publié par M. du Cange, intitulé les Etablissements de St Louis Roi de France, felon l'ufage de Paris, d'Orléans, & de la Cour de Baronie, font des monumens qui nous marquent l'application qu'il avoit au règlement de fon Royaume; quelque auftère qu'il fût pour lui-même, sa vertu ne fut jamais chagrine, & fes feules manières le faifoient aimer de ceux qui l'approchoient. Enfin c'est à St Louis que la France eft redevable de pofféder les principales Reliques de N. S.

Il n'eft plus néceffaire d'aller en Palestine pour adorer les inftruments de la Paffion de Jéfus - Chrift; ils font au fein de la Capitale, dans un fuperbe édifice conftruit à grand frais au milieu du Palais de nos Rois. Venez donc tous avec confiance, dit St. Jean Chryfoftôme; armez-vous du Bouclier de la foi; approchez, & vous en ferez plus forts. Ces Reliques font pour vous un port affuré, & une confolation dans vos maux.

Obligé d'en tracer l'hiftoire, parce que ce font elles qui ont donné naiffance à la Ste Chapelle, j'emprunterai fcrupuleufement le langage des SS. Pères & des Auteurs eccléfiaftiques, qui en ont établi la tradition.

De la vraie

L'an 326, Ste Helene, mère de l'Empereur Conftantin, âgée de 84 ans, alla vifiter les Lieux Saints. Étant arrivée à Jérufa- Croix. lem, elle commença par faire abattre le temple & l'idole de Vénus, qui profanoient le Lieu de la Croix, & de la Réfurrection de N. S. On ôta les terres, & en creufant, on découvrit le Saint Sépulchre, & à côté trois Croix enterrées. Comme on ne favoit laquelle étoit celle du Sauveur, l'Evêque Saint Macaire, pour s'en éclaicir, fit porter les trois Croix chez une femme de qualité, malade depuis long-temps, & réduite à l'extrémité : on lui appliqua chacune des trois Croix en faifant des prières, & fi-tôt qu'elle eut touché la dernière, elle fut entierement guérie.

Avec la Croix on trouva auffi le titre, mais féparé, & les Clous, que Ste Helene envoya à l'empereur avec une partie confidérable de la Croix; laiffant l'autre à Jérufalem, elle la fit

mettre dans une Châffè d'argent, & la donna en garde à l'Evêque, pour la conferver à la postérité. En effet, dans le fiècle fuivant on ne la montroit qu'une fois l'année à la folemnité de Pâques, c'est-à-dire le Vendredi-Saint. L'Evêque après l'avoir adorée le premier, l'exposoit pour être adorée de tout le peuple, & delà, fans doute, eft venue dans toutes les Eglifes cette pieuse cérémonie annuelle de l'adoration de la Croix.

La cinquième année du règne d'Héraclius, l'an 614, indiction feconde, au mois de Juin, les Perfes pafferent le Jourdain, & conquirent la Paleftine & la Ville de Jérufalem. On tua plufieurs milliers de Clercs, de Moines, de Religieufes, & de Vierges. On brûla les Eglifes, & même le St Sépulchre. On emporta tout ce qu'il y avoit de précieux; des vafes facrés fans nombre; & entre autres Reliques, le bois de la vraie Croix.

L'an 628; après la mort de Cofroës Roi de Perfe, Siroës fit la paix avec l'Empereur Heraclius, & lui rendit tous les Chrétiens qui étoient Captifs en Perfe, entre autres, Zacharie Patriache de Jérufalem; avec la vraie Croix que Sarbazara en avoit enlevée, quand la Ville fut prife quatorze ans auparavant. Elle fut d'abord apportée à Conftantinople, mais l'année fuivante 629, au commencement du Printemps, l'Empereur Héraclius s'embarqua pour la reporter à Jérufalem, & rendre graces à Dieu de fes victoires. Etant arrivé, il établit le Patriar che Zacharie, & remit la Croix à fa place. Elle étoit demeurée dans fon étui, comme elle avoit été emportée : le Patriarche avec fon Clergé, en reconnut les fceaux entiers, l'ouvrit avec la clef, l'adora, & la montra au peuple. Les Auteurs originaux difent toujours au plurier les bois de la Croix Ta Euxa; ce qui fait connoître qu'elle étoit partagée en plufieurs pièces. L'Eglife latine célèbre la mémoire de la Ste. Croix; rapportée par Héraclius, le quatorzième de Septembre; mais les Grecs n'y font mémoire que de l'apparition faite à Constantin, quoique les uns & les autres nomment cette Fête l'Exaltation

de la Croix; & il eft certain que l'on célébroit cette Fête au même jour, long-temps avant Héraclius.

La quatorzième année de l'hégire 635 de J. C. les Mufulmans s'étant établis dans la Phénicie, après avoir pris Damas, l'Empereur Héraclius abandonna la Syrie, & fe retira à Conftantinople, & y fit porter le bois de la Croix, voyant que Jérufalem feroit bientôt prife, comme elle le fut en effet au bout de deux ans.

Nous favons, dit Anfelme, (*) par les livres des Grecs & des Syriens, que la Croix de J. C. a été compofée de quatre fortes de bois, dont une où Pilate mit le titre, une autre où fes bras furent étendus, & fes mains clouées, une troisième où fon corps fut fufpendu, & une quatrième où fa Croix fut fichée; laquelle fut teinte, arrofée & fanctifiée du fang qui fortit de fon côté & de fes pieds. Mais parce que j'ai fouvent vu des perfonnes étonnées du grand nombre de morceaux de la vraie Croix répandus dans le monde, j'ai cru devoir ajouter ce qui fuit, pour éclaircir le fujet autant qu'il eft en moi. Nous lifons dans l'Evangile, que J. C. a fait beaucoup de belles actions & de miracles, en préfence de fes difciples, qui ne font point écrites. La diftribution du bois de la Croix, arrivée par une permiffion Spéciale du Tout-puiffant, ne nous eft annoncée ni par J. C. avant fa mort, ni par fes Apôtres témoins de ce grand évènement : mais nous apprenons d'ailleurs que Ste Helene fit fcier en deux la Croix de N. S.; qu'elle en envoya une partie à fon fils à Conftantinople, & laiffa l'autre à Jérufalem, & qui fut enlevée en Perse par Cofroës: que l'Empereur Héraclius la reporta à Jérufalem, & la remit fur le mont Calvaire, où il l'expofa à l'adoration du peuple chrétien. Mais Héraclius étant mort, les infidèles opprimèrent de telle forte les Chrétiens, qu'ils s'efforcèrent d'éteindre entièrement le nom de J. C., & d'effacer la mémoire de fa Croix & de fon Sépulchre. Ce fut dans ce deffein qu'ayant apporté quantité de bois, ils brûlerent une partie du St Sépulchre, & voulurent auffi brûler la vraie

(*) Lettre d'Anfelme à l'Eglife de Paris, ann. 1109.

*

Croix. Mais les Chrétiens la cachèrent, ce qui fut caufe qu'ils en tuèrent un grand nombre. Enfin les Chrétiens ayant tenu confeil, la coupèrent en plufieurs parties, la divisèrent & diftribuèrent en plufieurs Eglifes des fidèles, afin que fi une partie leur étoit prife, le refte par ce moyen leur fût confervé ; & c'est en conféquence que nous favons qu'outre la Croix de l'Empereur, il y en eut encore trois d'envoyées à Conftantinople; deux dans l'Ifle de Chypre; une dans l'Ile de Crete; trois dans la Ville d'Antioche; une dans la Ville d'Edeffe; une dans la Ville d'Alexandrie; une dans la Ville d'Afcalon; une dans la Ville de Damas; quatre dans la Ville de Jérufalem; une donnée aux Suriens; une aux Grecs du Monaftere de St Sabas; une aux Moines de la Vallée de Jofaphat, que nous appre nons avoir eu une palme & demie de longueur fur un pouce en quarré ; une au Patriche des Georgiens; & une à David, Roi des Georgiens.

Après la mort de David, fon fils ayant pris le gouvernement de fon royaume, la Reine mère encore plus recommandable par sa fainteté que par fa naissance, prit l'habit de Religieufe, & avec 'cette Croix & beaucoup d'or qu'elle avoit amassé, elle prit la route de Jérufalem, accompagnée de peu de perfonnes : elle arriva dans la réfolution d'y finir fes jours dans le repos, le filence & l'oraison: elle diftribua, aux couvens de la Ste Cité, une partie de la grande quantité d'or qu'elle avoit apportée : elle fit des aumônes confidérables aux pauvres & aux étrangers. Depuis elle entra dans une Congrégation de religieufes Georgiennes, établies fous l'autorité du Patriarche Gibbelini. Peu de temps après, à la prière de fes fœurs & du Patriarche même, elle prit le gouvernement de la maifon; mais ayant enfuite diftribué & dépensé tout ce qu'elle avoit deftiné pour fubvenir aux néceffités de la Congrégation commife à fes foins, la famine & la difette de vivres accablant le pays, elle commença avec fes Religieufes à reffentir la pauvreté; & parce qu'elle avoit déja beaucoup reçu d'affiftance, & beaucoup emprunté, & qu'elle n'avoit plus de quoi faire fubfifter fa Communauté; pénetrée d'une pieufe affection, elle réfolut, Four foutenir fa Congrégation, d'engager & mettre à prix ce Bois inefiimable que j'ai le bonheur de vous envoyer.

A la