Page images
PDF
EPUB

réflexions, & de longues recherches, ils font venus à bout de fe perfuader avoir trouvé ce qu'ils y cherchoient.

Il eft, felon eux, chargé d'Hiéroglyphes; & ils font fur-tout un grand fondement fur deux Anges, dont l'un met fa main dans une nuée, & l'autre dans un pot.

On y a représenté le Jugement dernier; & fur le pilier qui fépare les deux battans de la porte, eft une Statue de notre Seigneur béniffant de la main droite, & tenant un globe de la gauche. Cette Statue eft à l'inftar de celle de la Cathédrale, avec cette différence que celle-ci tient un livre au lieu de globe. Les Prophètes font fculptés dans le fupport. Dans le bas on voit la fleur-de-lys entremêlée avec les Armes de Castille, par allusion à Blanche mere du Fondateur.

Le dedans de l'Eglife n'eft pas moins curieux. (Pl.) On voit quatre arcades qui en occupent toute la largeur jufqu'au rondpoint qui en a fept. Elle est éclairée de vîtraux féparés par des trumeaux ou jambages de trois ou quatre pieds feulement,& dont les lacis variés font fort beaux, quoique gothiques; les vîtres d'un ton clair-obfcur & peintes de toutes couleurs comme dans toutes nos anciennes Eglifes, font d'une excellente beauté, à cause de leur prodigieufe hauteur, & de la variété des couleurs amalgamées, & fi vives qu'elles femblent fortir tout récemment des mains de l'ouvrier; delà l'ancien proverbe, vin de la couleur des vitres de la Sainte-Chapelle: on y a représenté dans des efpèces de cartouches en chaffis de différentes formes, des traits d'hiftoire de l'Ancien & du Nouveau Teftament; & le verre que l'on a employé est d'une telle force qu'il a résisté jufqu'à préfent aux injures de plufieurs fiècles. Au-deffus de la porte d'entrée est une grande croifée en forme de rofe, qui remplit toute la largeur du vaiffeau, & fur laquelle font représentées les vifions de l'Apocalypfe.

On voit à gauche dans la nef un-morceau de fculpture très

eftimé, & qui paffe pour le chef-d'œuvre de Germain Pilon. C'est un modèle en terre cuite de la Notre-Dame de Pitié que l'on conferve dans le magafin des marbres du Roi; cette Vierge eft affife, la tête voilée, & les mains croifées. La tête en est particulièrement admirable. On a cru remarquer que les mains en étoient trop belles, & trop délicates, les doigts des mains trop longs, les pieds trop grêles, la coëffure trop fimple, & la robe trop ample.

La figure des Apôtres placés fur les trumeaux autour de l'Eglife fait voir, s'ils font du tems de la construction de l'Eglife, qu'il y avoit dans ce tems-là quelque goût de dessin ; quoique anciennement on ne voyoit dans nos Eglifes aucune ftatue de Saints, mais feulement au Portail d'où on feroit tenté de croire que c'eft un ornement plus moderne que l'édifice.

La nef eft entourée d'un banc de pierre, faifant partie de l'édifice même. Jadis on ne mettoit point de fiéges dans les Eglifes, foit que nos peres fuffent plus mortifiés que nous foit qu'ils n'aient point imaginé de ne laiffer prier à leur aise que ceux que l'on rançonne pour être difpenfés de fe mettre à genoux. Il y a lieu de croire que les perfonnes âgées ou infirmes fe faifoient apporter leurs fiéges: on pourroit même préfumer que c'est pour ces fortes de perfonnes que l'on avoit formé les bancs de pierre que l'on voit autour de quelques anciennes Eglifes, comme à la Sainte-Chapelle, à Saint-Jacques de la Boucherie, &c. & prefque dans toutes les Eglifes d'Allemagne, où l'ufage des fiéges n'eft point encore introduit.

Rien de plus indécent que de vendre ou de louer des places à l'Eglife. En Angleterre & en Hollande on eft affis dans les Temples fans aucun frais, & fans être interrompu par des Mandians, par des Quêteurs, ni par des Loueurs de chaises; en quoi les non-Catholiques nous donnent un bel exemple à fuivre, fi nous étions affez raifonnables & affez défintéreffés pour cela.

Ceux qui ont quelque connoiffance de l'Hiftoire de l'Eglife n'ignorent pas que l'ufage des bancs dans les Paroiffes n'a été introduit que par cupidité. On a voulu réformer cet abus en différens tems, mais l'ufage a prévalu, & les bancs font restés comme autant de monumens de l'avarice des Fabriques. Il est certain que tous les peuples foit idolâtres, foit Juifs avant la venue du Meffie, & depuis cette époque les Chrétiens, n'ont jamais cherché leurs commodités dans nos Temples, ou dans ces édifices fuperbes confacrés aux idoles; les fiéges, les oreillers, les tapis étoient faits pour y poser les idoles & non pour fervir aux Affiftans dans les Temples. Quand il fut permis de bâtir des Eglifes & des Autels, à Jésus-Chrift, on y étoit debout; s'il s'y trouvoit quelques fiéges, ils étoient de pierre, pratiqués contre les murs, afin que les infirmes & les convalefcens puffent s'y repofer. Voilà quels étoient les premiers usages. La molleffe & l'intérêt ont écarté les bienféances; ce n'eft pas tout, dit un célèbre Auteur de nos jours, ce qui me fcandalise, c'est de voir tous les jours des perfonnes de tout fexe, de tout âge, de tout rang prendre une chaife pour entendre non pas une Grand'Meffe, mais une baffe-Meffe; on la commence, ils s'agenouillent à l'Introït ; cet instant paffé, ils font affis jufqu'à la Préface, & prefque toujours il faut qu'une fonnette les avertiffe que l'on va élever le Corps de Jésus-Chrift; ils fe mettent à genoux; eft-ce à terre ? non mais fur le bord de leur chaife où leurs genoux font tant foit peu appuyés; après cela ils reprennent leurs places jufqu'au moment de la dernière bénédiction. Pendant le quart d'heure qu'a duré cette Meffe, ils n'ont fouvent fait autre chofe que caufer ou prendre du tabąc: font-ils fortis, on les voit debout pendant des heures entières dans les places publiques, parler de nouvelles, ou s'entretenir au moins de chofes inutiles ou fort indifférentes. Comme il eft défendu d'affermer ce qui eft au culte Eccléfiaftique, on peut en conclure qu'il n'est par permis d'affermer le droit de louer des chaifes dans les Eglifes, puifque c'eft comme fi on affermoit le terrein de

E

l'Eglife rempli par des chaifes destinées feulement à être occu pées par ceux qui payent. On écarte les pauvres, on diroit que la parole de Dieu n'eft pas faite pour eux; & s'ils veulent fe repofer, ils font contraints de s'affeoir où ils se trouvent fouvent même fur les marches de l'Autel, auquel ils tournent le dos.

Ce qui eft reçu gratuitement du Ciel, doit fe donner gratuitement fur la terre, & il faut que l'inftruction foit faite de manière, que ceux qui n'ont pas le moyen de payer un loyer de chaife ou de banc trouvent néanmoins de la place. Leurs ames ne font pas moins précieufes devant Dieu que celles des riches, & l'Evangile doit être annoncé aux uns comme aux autres. Sur la défenfe d'affermer les Eglifes, voyez un Arrêt du 18 Avril 1562, dans Filleau; l'Apologétique de Tertullien, Chap. 13; les Décrets des Cardinaux Légats, inférés dans les Actes du Concile d'Avranches en 1172, Canon 22; de Londres en 1237. Voyez auffi le Père Thomaffin, part. 1, liv. 2o, ch. 28°, & le Concile de Trente, feff. 25, chap. 3.

Les derniers règlemens faits fur l'administration des biens des Fabriques, en permettant d'affermer le droit de tirer un loyer des chaifes de ceux qui entendent l'Office Divin dans les Eglifes, ont défendu de les louer les Dimanches & Fêtes aux Meffes de Paroiffe, Prônes, & Inftructions qui les accompagnent ou qui fe font enfuite; comme auffi tous les jours aux Prières du foir, & autres Inftructions qui ne fe font point dans la Chaire; & cependant ces mêmes règlemens affujettiffent les Adjudicataires à garnir également l'Eglife d'un nombre de chaifes fuffifant pendant les Offices & Inftructions auxquels il ne doit être payé aucune rétribution; & à laiffer en tout tems un efpace fuffifant, pour placer ceux des paroiffiens qui ne veulent pas fe fervir de chaifes. Voyez l'art. 36 de l'Arrêt de règlement du 2 Avril 1737, pour la Fabrique de SaintJean-en-Grève, à Paris; l'art. 33 de celui du 11 Juin 1739,

pour la Fabrique de Saint-Germain-en-Laie, & l'art. 24 de celui du 20 Juillet 1747, pour la Fabrique de Saint-Louis de Versailles.

[ocr errors]

On voit au-deffus de la porte un grand Buffet d'Orgues (1) qui remplit toute la largeur du vaiffeau, & qui fut rétabli & perfectionné par le fieur Clicquot. Les Amateurs de Mufique fe font toujours un plaifir nouveau d'aller entendre le célèbre Couprin, Organiste du Roi & de la Sainte-Chapelle, les jours de la Circoncifion, de l'Epiphanie, de la Purification, les trois Fêtes de Pâques, les jours de Quasimodo de l'Annonciation, de la Dédicace, de l'Invention de la Croix, de l'Ascension, de la Sufception du Chef de Saint Louis; les trois Fêtes de la Pentecôte, le jour de la Fête de la Trinité, les deux Fêtes du Saint Sacrement & le Dimanche dans l'Ocave; le jour de la Nativité de St Jean, de St Pierre & St Paul, de la Vifitation, de la Transfiguration, de la Sufception de la Sainte-Couronne, de l'Affomption, de St Louis, de la Nativité de la Vierge, de l'Exaltation de la Croix, de la Sufception des Reliques, de St Denis, de la Touffaints, de la Préfentation de la Vierge, de Ste Cécile, pendant les O de l'Avent, le jour de la Conception de la Vierge, & le jour de Noël.

A la date du 29 Juin 1494, au Ve Journal Q. R. de la

(1) C'est un grand huit pieds bouché des plus complet, à quatre claviers, à ravalement en haut, & ut dièze en bas. L'Artiste a trouvé le moyen de fimplifier le mécanisme de l'Orgue, & de faciliter les jeux des claviers; & l'on doit lui favoir gré des recherches qu'il a faites pour rendre cette espèce d'instrument plus aisée à être réparée, & par conféquent moins à charge aux propriétaires. Il leur a d'ailleurs procuré un effet plus régulier; en rendant les embouchures libres de tous côtés. De plus, ayant remarqué que les jeux faits en plomb, comme c'étoit l'usage, étoient sujets à éprouver des variations qui nuifoient à l'égalité & à la perfection de l'harmonie, il a changé cette méthode, & a fait en étain tous les jeux de cet inftrument. L'Orgue des Religieux Jacobins eft le premier dans lequel on ait opéré ce changement.

« PreviousContinue »