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où il dit en fubftance: Charles, Roi des Romains & de Bohême nous a fait préfenter une Requête portant qu'il a en fa garde la fainte Lance, & un des Clous de la Croix comme les ont eus les Empereurs fes prédéceffeurs : qu'en ces quartiers-là on a grande dévotion à ces Reliques, & qu'il s'y fait un grand concours de peuple; c'eft pourquoi il nous a fupplié d'ordonner une Fête en leur honneur pour l'Allemagne & la Bohême. A quoi ayant égard nous ordonnons que l'on célèbre folemnellement tous les ans dans ces deux Royaumes le Vendredi d'après l'Octave de Pâques, une Fête au nom de ces Reliques, avec un Office propre qui fera compofé par des Prélats & par d'autres Docteurs au choix du Roi ; & nous accordons à ceux qui le jour de la Fête vifiteront l'Eglife où feront ces Reliques, trois ans & trois quarantaines d'indulgences; & cent jours pour la Meffe, & chacune des heures de l'Office.

Le vingt-neuvième de Mai de l'an 1492 arriva à Rome un Ambaffadeur de Bajazet Empereur des Turcs, portant, disoit-il, le fer de la Lance dont on avoit percé le côté de Jésus-Christ. Ce fer étoit auparavant dans le Tréfor des Reliques que Mahomet II avoit raffemblées après la prife de Conftantinople. Il étoit enfermé dans une Châffe magnifique enrichie d'or avec un crystal monté fur un pied. Tout le Clergé l'alla recevoir en proceffion depuis l'Eglife de Sainte-Marie-du-Peuple, jufqu'à Saint-Pierre, & le Pape y assista. Quelques-uns même affurent que le St Pere porta lui-même la Relique. Burchard qui rapporte cet évènement, la regarde comme fort douteufe; l'Empereur, dit-il, croit avoir la même à Nuremberg, & le Roi de France à Paris; auffi Sponde ajoute que Bajazet fit favoir au Pape par fon Ambaffadeur, que la pointe de ce fer étoit en France. Si l'on en croit M. Baillet, le fer de la Lance étant demeuré à Conftantinople jusqu'à fa prife, & étant tombé entre les mains de Mahomet II, fon fils Bajazet en fit préfent au Grand-Maître de Rhodes pour le gratifier de ce qu'il retenoit fon frère Zizim prifonnier ; & de Rhodes cette Relique paffa à Rome l'an 1492,

entre les mains du Pape Innocent VIII, qui en fit une Tranflation très-folemnelle dans l'Eglife du Vatican, où elle a toujours été gardée depuis. Mais cet Auteur ne donne pas cela comme fort certain; il ajoute que pendant qu'on honoroit cette Relique à Conftantinople, on affuroit en Occident que la vraie Lance étoit toujours à Jérufalem. De plus St Louis reçut de l'Empereur Baudouin un morceau de la Lance qui est dépofée dans la Sainte-Chapelle, où elle est encore honorée ; & l'on affure que l'autre eft à Rome.

On a vu qu'en 1204, à la feconde prife de Conftantiple, la De la Croix Croix que l'on dit que Conftantin portoit à la guerre paffa du de Victoire. Palais de Conftantinople en la poffeffion du Duc de Venife.

L'origine de cette Croix vient de ce que fainte Helène, en mémoire du Signe de la Croix qui apparut dans le Ciel à Conftantin pendant qu'il étoit en guerre avec Maxence, avoit fait une petite Croix (que l'on appella de Victoire) de la partie de la Croix qui avoit touché les épaules de notre Seigneur, & que les Empereurs dans l'efpérance de la victoire avoient coutume de porter avec eux à l'armée : Quia ipfam in fpem victoria Confueverant imperatores ad bella defferre, comme le dit Baudouin, dernier Empereur de Conftantinople de la Maifon de Courtenay, dans le titre authentique par lequel il en fit don à St Louis, & que l'on conferve à la Sainte-Chapelle.

De la Robe

A Mofcou on prétend qu'il y a dans l'Eglife de Saboor la Robe de Jéfus-Chrift fur laquelle les Soldats jettèrent au fort. de N. S. Les Mofcovites difent que cette Robe échut en partage à un foldat Georgien qui la porta dans fon pays, où il en fit préfent à fa Sour; que celle-ci qui en faifoit grand cas fouhaita en mourant qu'on l'enterrât avec elle, & qu'on les couvrît: ce qui ayant été fait, il fortit auffi-tôt de fon tombeau un grand arbre : que les Perfans s'étant enfuite emparés de la Georgie, le Roi entendit parler de ce tombeau, le fit ouvrir, en tira cette Robe, & l'emporta en Perfe: qu'il envoya quelque tems après une ambaffade en Mofcovie, & en fit préfent au Grand-Duc, parce qu'il

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étoit Chrétien que les Mofcovites voulant s'affurer fi c'étoit la même Robe, firent affembler tous les aveugles, les boiteux, & autres perfonnes incommodées, ne doutant pas que fi c'étoit celle qu'avoit porté notre Seigneur, elle ne procurât leur guérison: que les effets avoient fuivi leur espérance : qu'on l'avoit toujours gardée depuis pour s'en fervir en pareil cas, & qu'elle n'avoit jamais manqué de répondre à leur attente. Ils affirment tout cela comme une vérité constante & gardent précieusement cette Robe dans un lieu fcellé du fceau du Czar, fans ordre exprès duquel on ne peut la voir.

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L'Hiftoire Eccléfiaftique nous apprend que fous le Pape AgaSaint-Suaire. thon, environ l'an 678 environ l'an 678, on prouva par le feu qu'un linge qui avoit été trouvé étoit le Linceuil, ou le Suaire dont on avoit enveloppé la tête de notre Seigneur dans le Sépulchre, & que fous le Pape Benoît VIII, on avoit connu par la même épreuve du feu le linge dont il s'étoit fervi pour effuyer les pieds de fes Apôtres (1).

En 1349, le Dimanche de la Paffion on montra pour la première fois à Rome le Suaire de notre Seigneur, c'est-à-dire l'Image portée par la Véronique; & alors la preffe fut fi grande dans l'Eglife de Saint-Pierre que plufieurs personnes furent étouffées, en ma préfence. Ce font les paroles de Henri moine de Rebdorg, par lefquelles il femble montrer qu'on attribuoit le nom de Véronique à la femme que les Peintres représentoient portant la fainte Face de notre Seigneur, & dont on a fait enfuite une femme effective & une Sainte; au lieu que le nom de Véronique fignifie l'Image même de la fainte Face, ainfi nommée du tems du Pape Innocent III. Mathieu Villani ajoute que pour la confolation des Pélerins on montroit le SaintSuaire tous les Dimanches & toutes les Fêtes folemnelles, &

(1) Vide Jo. Jac. Chiffletii de Linteis Sepulchralibus Chrifti Crifim

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Hiftoric.

qu'il y eut quelquefois jufqu'à douze perfonnes écrasées dans la preffe.

On prétend que Jésus-Christ a laiffé deux empreintes de fon Vifage fur deux linges, dont la première fut envoyée en préfent à Abgarc Roi d'Edeffe; la feconde donnée à une femme appellée Véronique, qui lorfqu'il fut mené au Calvaire lui avoit prêté fon mouchoir pour s'effuyer; le premier eft gardé religieufement à Rome dans l'Eglife de Saint-Silveftre; & le fecond dans celle de Saint-Pierre, où l'on voit fur un Autel bâti par Urbain VIII, une ftatue de Véronique avec cette infcription: Salvatoris imaginem, Veronica fudario exceptam marmoreum fignum & altare addidit conditorium, extruxit & ornavit. Mais après une poffeflion de plufieurs fiècles on s'eft avifé de dégrader cette Sainte du premier ordre, & de faire voir que les anciens appelloient l'empreinte du vifage du Sauveur vera icon & que quelques ignorans ont fabriqué delà le nom de Véronique.

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Outre le morceau du Saint-Suaire qui eft à la Sainte-Chapelle, on en montre à la Sainte-Chapelle de Vincennes, à Argenteuil, à Saint-Corneille de Compiegne, à Chartres, à Besançon, à Turin, à Milan, à Aix-la-Chapelle, à Mayence, à SaintJean-de-Latran, & à Sainte-Marie majeure, &c. Sur quoi dit (1) Gretfer, il n'est pas étonnant de voir le Suaire ou le Linceuil de notre Seigneur en plufieurs endroits y en ayant eu plufieurs d'imités.

(1) Non mirum fi pluribus in locis plura inveniri dicantur, cùm reverà plura fuerint... Hujus modi facra Pignora, & Lipfana, ex imitatione aucta, & ex prototypo Sæpiùs expreffa, occafionem dediffe pofteris, ut fibi perfuaderent fe verum exemplar poffidere; cùm non nifi imaginem ex primo Sudario vel Sindone effigiatam haberent: qui error omni culpâ caret, cùm & in primis illis, & in his qua ad imitationem illorum adumbrata funt, unus Deus, Redemptor nofter honoretur.

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Je ne dirai rien des autres Reliques qui font partie de la grande Châffe de la Sainte-Chapelle, ne voulant rien avancer qui ne foit revêtu d'autorités.

Lorsque St Louis fe fut rendu poffeffeur des faintes Reliques, il s'occupa à faire conftruire la Sainte-Chapelle pour en être le dépôt.

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Origine de avoit anciennement au Palais une Chapelle fondée par & la Sainte-Cha- Louis-le-Gros vers 1020, fous le titre de Saint-Nicolas, pelle. un Cratoire fous le titre de la Vierge, fondée en 1154 par Louis le jeune, qui renouvella en 1160 la dotation de la Chapelle de Saint-Nicolas que fon père avoit fait bâtir.

Preuv,

Preuy.

Par la fondation de la Chapelle de la Vierge, Louis le jeune donna au Titulaire deux muids de froment de rente fur Goneffe, fix muids de vin du Hautban du cru du Roi dans l'Ifleaux-Treilles derrière le Palais, trente fols parif. de cens pour le luminaire & fervice de ladite Chapelle, & toutes les Offrandes; fi ce n'eft que quand le Roi & le Reine étoient ensemble, les Chapelains fuivant la Cour, le Chapelain de ladite Chapelle, & le Chapelain de la Reine en avoient un tiers; quand le Roi ou la Reine y entendoit la Meffe féparément, le Chapelain du Roi ou de la Reine avoit moitié, & le Chapelain de ladite Chapelle l'autre moitié. De plus, toutes les fois que le Roi, la Reine ou leur lignée étoient au Palais à Paris, ledit Chapelain avoit en outre quatre pains, un demi-fextier de vin qui valoit trois pintes felon la mefure décimale, une toife ou fix pieds de chandelles & deux deniers par jour pour fa cuifine.

Par la nouvelle dotation de la Chapelle de Saint-Nicolas, le même Prince donna au Chapelain deux muids de froment de rente fur Villeneuve, fix muids de vin fur la Treille derrière le Palais, ou à fon défaut fur le Hautban du Roi, dix fols autres dix parif. au jour de Noël de reditu Commenfalium fols parif. à Pâques, & dix fols parif. à la Pentecôte; ordonnant que quand le Rol, la Reine, la Reine mere, ou les Enfans

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