41-82536 AVERTISSEMENT. L'ARRÊT du Confeil du 11 Mars 1787, a plongé le Collège de la Sainte-Chapelle, dans un état de léthargie qui accroît de jour en jour, & a fixé les yeux de toute la France fur le fort de ce principal Oratoire de nos Rois, tant à raison de fon Antiquité, que par refpec & vénération pour fon Fondateur, & les précieufes Reliques qu'il y a déposées. A cette époque ayant été Affocié aux travaux de MM. les Commissaires du Roi chargés, en vertu dudit Arrêt de la confection de l'inventaire des titres de cette Eglife, j'ai puifé dans fes Archives, j'ai confulté les Dépôts publics, & j'ai profité des lumieres de plufieurs hommes de Lettres, qui ayant bien voulu fe diftraire de leurs occupations, pour feconder mes recherches fur quelques objets d'Antiquité, ont droit à ma reconnoiffance. Je dois des remerciemens particuliers à M. le premier Président de la Chambre des Comptes, & à M. Lourdet, Confeiller du Roi, Maître ordinaire en ladite Cour, & Commiffaire de la Sainte-Chapelle, de m'avoir aidé, en tous tems, des Mémoriaux, Journaux, & Plumitifs de la Chambre, & notamment du précieux Manufcrit de l'an 1742, par feu Me Jean-Baptifte-Réné le Long, Confeiller du Roi, Maître des Comptes, & Commiffaire de ladite Eglife. L'Epigraphe que j'ai choifi eft une Priere particuliere que l'on fait à la Sainte-Chapelle, tous les Vendredis avant la Meffe, & qui à la tête de cet Ouvrage s'adresse à Dicu, au Roi & au Lecteur, pour leur recommander les glorieux trophées, dont j'ai décoré le Frontifpice, en empruntant le fceau de la Sainte-Chapelle, dans lequel on remarque les Lys fous les étendarts de notre Seigneur. HISTOIRE LOUIS IX révéré fous le nom de St Louis fut le modèle Précis Hift. des Rois de fon fiècle & mérita d'en fervir à la postérité. Sa fur St Louis. foi éclairée ne fut point cette crédulité fuperftitieuse & bornée qui fubftitue des pratiques de fantaisie aux devoirs. Aux mœurs févères d'un Anachorète, il unit les talens & les vertus qui font les grands Rois. Politique profond, mais fans duplicité, il ne fit point de la fcience de règner l'art du menfonge & de la chicane. Prudent & ferme dans le confeil, fécond en projets, Α plus fécond encore en moyens de les exécuter, intrépide fans témérité, il fut quelquefois trahi par la fortune; mais s'il eut des pertes à réparer, il n'eut point de fautes à fe reprocher. Auffi compatiflant que s'il eût éprouvé la misère, il fe feroit cru inutile fur la terre s'il n'y eût point eu de malheureux à foulager. Affable & populaire, fon Trône étoit 1 afyle où le foible alloit fe réfugier; il avoit pour maxime que le peuple qui aime le plus fes Rois étoit le plus digne de les approcher. Tels font les traits qui caractérisent l'immortel Fondateur de la SainteChapelle. Louis parvenu à l'âge de vingt ans fut attaqué d'une maladie qui allarma toute la nation. Quoique fa foi brûlante lui fit regarder fa dernière heure comme l'aurore d'une vie nouvelle, il regrettoit de fe voir pour jamais féparé d'un peuple dont le bonheur étoit fon ouvrage. C'étoit un père qui prêt d'expirer s'afflige du fort de fa famille délaiffée; fes fujets étoient fes enfans. Touché de ce fentiment il demande à Dieu fon retour à la vie, & pour l'obtenir il fait vou de paffer les mers pour délivrer Jérufalem & les Chrétiens accablés fous le joug des Sarrazins. Dès que fes forces furent rétablies, il épuifa fon tréfor pour affurer le fuccès de fon entreprise. Il mit à la voile & bravant le courroux des vents & des flots, il aborda dans la Palestine qui foupiroit après un libérateur. La victoire couronna fon zèle religieux; mais il fut arrêté dans le cours de fes conquêtes. Le fléau de la pefte frappa fon armée & en moiffonna la fleur. Soutenu alors par fon courage, il ofe encore tenter la fortune d'un combat ou accablé par le nombre il est vaincu & fait prifonnier. Le fpectacle le plus touchant eft celui du Sage luttant contre la fortune. Louis au milieu de fes vainqueurs paroît un Roi environné de fes efclaves; dès qu'il commande il eft obéi. Libre dans les fers, il fait des conquêtes à la foi. Les Infidèles convertis annobliffent fa captivité; des Villes & des Forteresses font reconstruites ou fortifiées pour fervir d'afyle aux Chrétiens. Dès que les portes de fa prifon furent ouvertes il revint en France avec les débris de fon armée; alors il partagea fes momens entre les foins du Trône & ceux de la Religion; après avoir rempli les devoirs de l'homme public, fa piété agiffante rempliffoit ceux de l'homme privé. Ses largeffes renaiffantes ne s'épuifoient jamais. Cent vingt pauvres étoient nourris chaque jour à fes dépens, & fe croyant affez grand par sa foi, il dépofoit fouvent fa dignité pour les fervir à table. Ce cortège le fuivoit par-tout. Le culte public fut ennobli par de pieux établissemens. Les Villes & les déferts furent peuplés par des Colonies de Saints. Les Cordeliers, les Dominicains, les Chartreux, les Carmes, les Blancs - Manteaux, les Auguftins furent appellés dans la Capitale. L'afyle des Quinze-Vingts fut ouvert aux Aveugles. Des Monaftères de Vierges furent conftruits & dotés; & ces monumens de fa piété furent une école d'Apoftolat qui entretint la pureté des fources publiques. Au milieu de tant d'œuvres de charité, St Louis ne laiffa pas d'être magnifique, & fa libéralité ne déroba rien à une fage économie. Quant à fa rançon, on ne peut dire qu'elle fut exceffive pour un Roi, & pour toute fa Chevalerie; Joinville nous apprend qu'elle ne fut que de huit mille Bezants d'or farrazinois, qui font 400,000 liv. tournois, chaque bezant valant so liv. tournois; & du Breul affure qu'il étoit d'ufage de donner pareille fomme, lorfqu'il étoit queftion de marier une Fille aînée de France; M. le Blanc, dans fon Traité hiftorique des Monnoies de fon temps, trouve que cette fomme montoit à trois millions huit cent foixante & dix neuf mille trois cents neuf livres fept fols fix deniers. Suivant le récit de fon Confeffeur, Geoffroy de Beaulieu, & de fon Chapelain Guillaume de Chartres, tous deux de l'Ordre des Frères Prêcheurs, St Louis vouloit entendre tous |