Page images
PDF
EPUB

mais les Français s'inclineront toujours avec respect, avec amour devant l'épouse vertueuse, accomplie et infortunée du coupable duc d'Orléans, devant la digne fille de ce duc de Penthièvre qui, durant des jours de licence, fut un modèle de bienfaisance et de sainteté les Français s'inclineront toujours avec amour et respect devant le sang de Henri IV et de Saint-Louis.

Je crois devoir expliquer à mes lecteurs l'ordre en apparence assez bizarre dans lequel ont été publiées mes compositions historiques. Je ne puis le faire sans revenir sur quelques événemens de ma vie.

La plupart des erreurs que je relève aujourd'hui, je les ai attaquées ouvertement dès ma première jeunesse, en 1790, 1791, 1792, dans le journal des indépendans publié par M. Suard, et dans les supplémens du journal de Paris, qui recevaient alors le plus grand éclat des écrits éloquens de M. André Chénier, et des protestations courageuses de M. Roucher; tous les deux ont expié

sur l'échafaud leur indignation généreuse. Quoique les faibles productions de ma jeunesse fussent bien peu dignes d'être placées à côté de celles de ces écrivains, j'ai eu long-temps à craindre le même sort, et je n'ai dû la vie qu'aux soins courageux et constans de quelques belles âmes qui ont veillé sur mes dangers en augmentant encore ceux auxquels leur vertu et leur fidélité les exposaient journellement. Après le 9 thermidor, il fut donné à quelques écrivains périodiques, parmi lesquels se distinguaient particulièrement MM. l'abbé Morellet, Suard, Fontanes, Fiévée, Michaud. Bertin, Dussault, de réparer les fléaux qu'avait produits la liberté de la presse. Je joignis mes efforts aux leurs, et il n'y a pas une époque dans ma vie, dont le souvenir ait laissé dans mon âme une satisfaction plus profonde. Nos dangers furent grands à cette époque, surtout après la journée fatale du 13 vendémiaire. Bientôt après, nous revinmes à l'attaque contre les lois révolution

naires : l'opinion protégeait tous nos efforts.

Le 18 fructidor vint renverser et nos espérances et celles que pouvaient concevoir les Français. Arrêté dans cette même journée, je dus à quelques sollicitations courageuses de n'être point jeté dans les déserts de la Guyanne, quoique j'eusse été condamné à la déportation; mais il me fallut subir une prison de deux ans. Ce fut dans le cours de cette détention, que MM. TREUTTEL et WÜRTZ, libraires, m'engagèrent à continuer le Précis historique de la Révolution française, par M. RABAUT, outrage qui s'arrêtait à l'Assemblée Constituante, et qui, flattant l'esprit du jour avec quelque intention de le modérer, eut un grand succès de vogue. Malgré le péril attaché à une pareille entreprise dans une position telle que la mienne, cet emploi de ma longue solitude me flatta. Comme mes opinions n'étaient point celles de M. RABAUT, dont je paraissais être le Continuateur, j'en marquai la diffé

rence avec force dans tout le cours de l'ouvrage. Le Précis de la Révolution ne fut publié qu'après ma liberté recouvrée, à des époques successives, et avec des délais que nécessitaient de certaines entraves. Son succès m'encouragea, et je tentai d'écrire l'histoire dans des proportions un peu plus élevées. Mon ouvrage sur le dix-huitième siècle fut plus heureux encore. Mes amis, et grand nombre des lecteurs qui avaient trouvé dans mes écrits l'expression d'une âme sincère, me pressèrent d'écrire l'Histoire de France dans toute son étendue. L'entreprise était immense, et je sentais. l'inconvénient d'un travail trop rapide. Je voulus me borner aux époques de notre histoire que les Mémoires particuliers ont le mieux éclaircies. J'écrivis l'Histoire de France pendant les guerres de religion, avec l'intention de donner ensuite les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. J'ai exposé, au commencement de cette Préface, les motifs qui m'ont déterminé à interrompre ce

plan pour écrire l'HISTOIRE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE. C'est après l'exécrable attentat du 13 février 1820, que je me suis livré à ce travail; je l'ai continué au bruit des quatre révolutions militaires et démagogiques qui se sont opérées dans le midi de l'Europe, et au bruit des menaces séditieuses qui retentissaient dans nos murs. Au moment où je termine mon travail, ces menaces ont été reconnues impuissantes; deux de ces révolutions sont déjà terminées et réprimées. Mais les leçons de l'histoire sont plus que jamais utiles, et surtout aux jeunes gens qui, n'ayant point participé à nos plus effroyables malheurs, pourraient être amenés ides illusions fatales.

Je me propose de développer ensuite le Précis historique de la Révolution, afin qu'il serve à la continuation de l'Histoire de France pendant le dix-huitième siècle.

« PreviousContinue »