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» et qui, dans son exquise simplicité, nous » rend chers à nos commettans, sans effrayer ceux dont nous avons à combattre » la hauteur et les prétentions; un mot qui » se prète à tout, et qui, modeste aujour»d'hui, puisse agrandir notre existence, à » mesure que les circonstances le rendront > nécessaire. » Le mot de REPRÉSENTANS CONNUS ET VÉRIFIÉS DU PEUPLE FRANÇAIS, parut ignoble et mesquin. La vanité trancha la question, et, sur la proposition d'un député obscur, le tiers-état prit le titre absolu et presque souverain d'assemblée nationale. Un tel coup de tonnerre suffisait pour renverser tout l'édifice du passé. Cependant les esprits gardaient une étonnante sérénité. Plusieurs députés n'avaient accepté un titre qui préjugeait tout, que comme une expression simple, coulante et d'un usage commode. Tous se trouvèrent engagés dans une révolution bien plus loin qu'ils ne l'eussent prévu et désiré. La noblesse poussa des cris de fureur, et ne sut point parer le terrible coup qui lui était porté, en adhérant au sage conseil du marquis de Montesquiou, qui voulait que les deux ordres demandassent.au roi de les constituer en chambre haute. D'abord trois curés du Poitou désertèrent l'assemblée de leur ordre

1789.

89. pour se réunir au tiers-état. Plusieurs curés penchaient pour le même parti. Sept évêques, en se joignant à eux, rendirent la majorité flottante de deux à trois voix. Le roi n'inter-venait pas encore; mais il se préparait à faire enfin l'office d'un médiateur imposant, et à déployer, l'autorité d'un législateur. Tout pouvait réussir si le roi avait amené les deux partis à le choisir pour arbitre d'un commun consentement; mais il y avait du péril à se déclarer tel, lorsque son autorité n'était point invoquée. L'assemblée du tiers venait de frapper son coup d'état en se conslituant sous le nom d'assemblée nationale; il était à craindre que le roi ne frappât le sien trop tard.

Motifs

de la déclara

M. Neckers'occupait depuis quelque temps tion du 23 juir. d'une déclaration royale, qui aurait posé les bases législatives d'un nouvel ordre de choses, et qui offre assez d'analogie à celle qui a fixé nos destinées, nos libertés, notre repos, après vingt-cinq ans de malheurs.

On frémit en pensant au long et épouvantable circuit que nous avons eu à faire pour revenir presque au point du départ.

Le plan de M. Necker n'était point une œuvre de génie; mais il offrait une assez adroite conciliation de tous les vœux expri

més par les cahiers des trois ordres. Les bases d'une constitution y étaient indiquées plutôt que posées. On pouvait le considé rer comme une transition vers un gouver nement fort analogue dans ses bases principales avec le gouvernement anglais, et qui ne faisait point une violence trop ouverte aux mœurs, aux lois de la vieille monar chie. Le passé y était modifié, non aboli, et c'était la meilleure solution du problème politique qui s'agitait alors.

Occupons-nous un moment d'une douloureuse recherche, celle des causes qui firent avorter un plan si salutaire.

1789.

M. Necker avait compté sur sa popularité plus apparente que réelle, et sur l'affection qui paraissait s'attacher encore au monarque, pour assurer le succès de ses mesures. Si l'on s'en rapporte aux mémoires de son illustre fille, madame de Staël, cette déclaration devait paraître une semaine après l'ouverture des états-généraux ; c'est-à-dire, à une époque où les esprits, moins enflammés, auraient pu recevoir le bienfait avec plus de reconnaissance, et en accepter plus docilement les conditions. Mais ce ministre, dans ses propres mémoires sur la révolution. française, fait assez connaître que son plan

1789.

de paume.

(20 juin.)

ne fut pas sitôt arrêté. Le roi l'avait d'abord approuvé sans restrictions; mais il le laissa connaître à la reine, aux princes, à tous ces conseillers qui se multiplient prodigieusement auprès des princes faibles. Le plan reçut par eux des modifications que le roi jugea peu importantes, mais dont le ministre jugea tout autrement. Un page fut chargé à deux reprises de lui apporter ces changemens arrêtés ou consentis par le roi. Necker dissimula son dépit, n'éclata point, réclama peu; mais il se résolut, avec une promptitude que ni lui ni sa fille n'a pu suffisamment justifier, à désavouer son ouvrage, quels que fussent les périls du roi, destitué de son principal appui.

:

Serment du jeu Le 20 juin les héraults d'armes proclamèrent dans Versailles la prochaine tenue d'une séance royale. Tout ce que les lits de justice offraient autrefois d'odieux se reproduisit à l'esprit des députés. Comme on disposait la salle des états-généraux pour l'appareil imposant de cette cérémonie, la porte, gardée par un détachement de troupes françaises, fut fermée aux députés du tiers-état. Bailly, leur président, protesta, comme s'il se fût agi de la violence la plus despotique. Les députés se répandent en groupes nombreux

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