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municipaux de cette ville, et surtout par sa présence d'esprit. L'assemblée nationale le réclama; il y revint braver tous les dangers, Il s'était dit: Je périrai dans la révolution, ou, en la combattant, j'obtiendrai le chapeau de cardinal. Je ne crois pas que personne ait poussé plus loin que lui le courage de résister à des factieux, à des bourreaux. Il traversait les groupes les plus furieux d'un pas vif et ferme, répondait à leurs menaces par des saillies pleines d'assurance et de gaîté, et redoublait de véhémence à la tribune contre la démagogie triomphante. Une connaissance parfaite de l'histoire ; une vivacité d'esprit qui lui en faisait appliquer les résultats avec d'heureux à propos; un style constamment soutenu, fleuri, harmonieux ; une mémoire prodigieuse qui donnait l'éclat de l'improvisation à plusieurs de ses discours écrits; une prononciation rapide, ferme et habilement accentuée ; le don des réparties; l'art de prolonger une ironie amère : voilà quels étaient ses avantages à la tribune ; mais il semblait plus occupé du plaisir d'humilier ses adversaires que du désir de les vaincre. Il n'avait point cet accent de persuasion intime qui, même dans les discussions sévères, remue les entrailles

1790.

1790.

De Cazalès.

des auditeurs. Il brillait hors de propos, et laissait quelquefois s'énerver sa dialectique par des lieux communs élégamment traités.

M. de Cazalès ne fut averti que par la révolution et par les alarmes qu'elle lui causa, de la puissance de son talent. Peu avancé dans le service militaire, sans fortune, sans crédit, sans ambition, il avait cherché le plaisir avec ardeur. Peu d'officiers le surpassaient en bruyante étourderie. Ses études peu suivies semblaient conduites par le caprice; mais rien n'était perdu pour son esprit juste et prompt. Il eut le bonheur de se pénétrer de la doctrine de Montesquieu. Comme il jura de s'appuyer toujours sur ce grand publiciste, on remarquait plus de sagesse dans la fougue de ses paroles que dans la sèche analise des orateurs dogmatiques. Simple, familier, enjoué dans le commerce de la vie, il recevait à la tribune ce que Bossuet eût appelé de soudaines illuminations. Son regard était plein de feu, son geste libre et fier, sa voix mordante, sans aigreur son élocution rapide, correcte, entraînante, sa logique sûre et loyale. C'était un chevalier versé dans l'art de la parole, ou plutôt à qui la beauté de son âme avait appris les secrets de cet art. D'abord

ses passions et ses ressentimens politiques 1790. avaient été aussi vifs que ceux de son parti; mais il devint ensuite plus adroit, plus modéré son parti dès-lors devint moins docile à sa voix. Je l'ai vu vingt fois dans l'assemblée constituante prêt à remporter des victoires que des hommes de son parti, et l'abbé Maury surtout, venaient compromettre en réveillant hors de propos les fureurs du parti opposé. Plusieurs des royalistes semblaient vouloir que, même à leurs dépens, l'assemblée nationale et la révolution se perdissent par des excès nouveaux. Ils rejetaient toute espèce de transaction comme contrafre à l'honneur, et Cazalès fut souvent blâmé par eux d'avoir fait quelques concessions qui pouvaient arrêter une mesure funeste, modérer un décret foudroyant.

"

L'assemblée agitait au hasard toute sorte

de matières; car elle gouvernait tout par ses comités ou à l'aide de pétitions qui lui arri

vaient de toutes parts. Depuis Moïse et Lycurgue, il n'avait jamais existé un pouvoir de législation plus absolu. Les articles de constitution se décrétaient suivant telle circonstance donnée. Le plus souvent on les faisait précéder par une discussion solennelle, mais qui était d'abord froidement

Débats de l'assemblée nationale constituante.

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