Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

1789.

Autorité tuté, laire du com

dans un état libre, la délation est une vertu. Les grands traits de son éloquence ne peuvent faire oublier une si lâche et si fausse maxime.

Cependant la multitude révolutionnaire mandant de la ne se voyait pas sans regret privée du droit qu'elle s'était arrogé de faire l'office de juge et de bourreau. Un jour, sous le prétexte

gaid. nationale.

» vais, et l'accusation publique des vrais délits publics;
>> ayez avant tout une loi qui dise bien clairement ce
>> que c'est qu'un crime de lèse-nation; car, jusqu'à ce
les
le droit de
que Vous
définis, vous n'avez
ayez
pas
>> les prévenir, et ce système va devenir le mien; mais
›› ce ne sera plus le vôtre.

[ocr errors]

>> J'ai rempli un grand devoir, vous-même ne pou>> vez vous méprendre à mes motifs. Je ne puis avoir >> d'animosité personnelle contre vous; je suis sourd à » l'ambition; je crains plutôt la célébrité que je ne la >> désire, et ma plume répugne à se tremper dans le >> fiel; je n'ai donc pu céder qu'à un grand objet d'in» térêt public. Vous dominez par la terreur. Des es>> prits faibles sont subjugués; les gens vertueux crai» gnent eux-mêmes de vous irriter; et se méfiant de >> leurs forces ou se croyant sans espérance, ils sup>> portent ce que vous osez, pour ne pas vous faire oser >> davantage. Ce genre de pouvoir est un scandale, est ›› un fléau, et vous en avez porté l'abus à son comble. >> Vous qui n'avez été accusé par personne, vous vous >> êtes fait accusateur. Quand l'homme le plus paisible, » le plus pur, le plus sûr de lui et le plus estimé des >> autres, ne voudrait pas, dans ces temps malheureux,

que le Châtelet acquittait trop facilement les maifaiteurs, les brigands se mirent à pendre deux voleurs qui venaient d'être pris en flagrant délit. Un troisième avait déjà reçu sa sentence de cet horrible tribunal, lorsque Lafayette accourut, arrêta les juges brigands, et ils expièrent par leur supplice le

>> s'exposer au hasard d'un seul soupçon, vous les avez >> provoqués tous, vous avez mis en principe qu'on >> devait les révéler tous publiquement; et, vous flat›› tant d'échapper seul à votre propre doctrine, tandis » qu'elle écraserait les autres, vous avez voulu livrer >> la France entière aux délations et aux calomnies >> dont vous consacriez l'impunité. Je n'ai pu soutenir » l'idée de votre sécurité jointe à l'inquiétude univer›› selle. Il fallait dissiper ce funeste prestige; il fallait » vous ôter la funeste pensée (car elle devenait à la >> fin trop dangereuse), que personne ne pût élever » la voix contre vous. J'ai bien moins accusé encore » que je n'ai défendu. J'ai défendu un bon citoyen at» taqué; j'ai défendu tous les autres menacés; j'ai dé>> fendu des principes et des intérêts qui sont de tous » les temps; j'ai défendu ma patrie toute entière. Je >> vais reprendre le travail que j'ai dû interrompre >> pour elle, car il n'intéressait que moi. Je ne sais >> pas si vous m'en détournerez encore, je ne sais pas » si vous me répondrez; mais quelle que soit votre » réponse, si vous m'en faites une, dites-vous bien » que je dédaigne les sarcasmes, que je me crois au>> dessus des injures, et que je venge la vérité. >>

1789.

[ocr errors]

1789. plaisir qu'ils avaient trouvé à usurper le métier de bourreaux. L'autorité tutélaire du commandant de la garde nationale s'était affermie par ces diverses expéditions contre des assassins. Il y eut particulièrement une occasion où il éprouva quelle puissance il avait acquise pour réprimer les plus dangereux des mouvemens révolutionnaires. Cinq ou six cents soldats de la garde soldée de Paris s'étaient révoltés pour obtenir une augmentation de paye; et des Champs-Élysées, où ils s'étaient rendus, ils voyaient venir à eux tous les hommes de désordre. Lafayette assembla promptement nombre de grenadiers, investit cette troupe, en arrêta deux cents, et fit tout rentrer dans le devoir. Il serait trop long de mentionner d'autres occasions où M. de Lafayette montra le plus ferme courage et mérita des couronnes civiques. Mais il avait beau voir tous les excès des révolutions, ces grands mouvemens des peuples conservaient toujours pour son esprit fasciné quelque chose de sublime et de sacré. Le lendemain d'une expédition, où il avait failli vingt fois périr sous les coups des assassins, il vint proclamer à la tribune de l'assemblée nationale une maxime folle et détestable dans sa

vague généralité : Quand un peuple est oppri- 1789. mé, l'insurrection est le plus saint des devoirs. Nous le verrons dans la suite de cette histoire, tantôt châtier des rebelles avec vigueur, tantôt les attaquer avec plus de courage que d'habileté dans le cours de leurs succès les plus triomphans et les plus odieux; mais ses souvenirs le maintenaient dans un fanatique amour pour la chevalerie de l'insurrection.

Beaucoup d'autres députés pensaient comme lui et plus que lui-même qu'il fallait entretenir le mouvement révolutionnaire. On croyait devoir donner au peuple l'exemple de quelques condamnations légales, portées contre des ennemis de la révolution. Il n'existait plus à Paris qu'un seul tribunal, le Châtelet. Nous verrons tout à l'heure avec quelle facilité les parlemens furent anéantis. On confia au Châtelet la poursuite des crimes de lèse-nation, aussi mal définis que le furent, dans les temps de tyrannie, les crimes de lèse-majesté.

Le baron de Besenval, pour la liberté duquel M. Necker avait tenté une éloquente et vaine intercession, parut le premier devant le Châtelet. Six mois de captivité, subis par cet accusé, n'avaient point émoussé la haine des révolutionnaires. Que pouvaient

Le Châtelet de la poursuite

investi

des crimes de lèse-nation.

Jugement

et absolution du

baron de Besenva.

1589.

Le marquis

ils cependant lui reprocher, puisque, dès le 13 juillet, il avait fait retirer les troupes de Paris, et les avait laissées inactives pendant les événemens du 14? Sa contenance était mâle et fière. Ses réponses précises, énergiques, embarrassaient ses accusateurs. Un jour où, dans sa prison, il s'entretenait avec son avocat des moyens d'établir sa défense, celui-ci voulait employer, comme une pièce victorieuse, un ordre que le baron avait reçu signé de la main du roi, et qui enjoignait de repousser la force par la force. M. de Besenval arracha vivement cette pièce des mains de son défenseur, et la déchira en disant: A Dieu ne plaisé que je songe à racheter mes jours, en compromettant cet excellent monarque! Le Châtelet eut le courage d'absoudre cet illustre accusé. Le baron de Besenval survécut peu à cette longue épreuve, quoiqu'il l'eût supportée avec une gaîté militaire. On voit, par le ton de ses mémoires, qu'il s'était infecté à la cour de Louis XV du libertinage philosophique à la mode; mais, en déchirant le billet dont je viens de parler, ce généreux étranger se conduisit comme aurait fait un de nos plus dignes chevaliers.

L'absolution du baron de Besenval fut

« PreviousContinue »