Page images
PDF
EPUB

d'une partie du pouvoir législatif, et qui venaient eux-mêmes de consacrer le principe de la sanction royale, de prescrire au roi une acceptation passive, comme autrefois les monarques absolus enjoignaient aux parlemens d'enregistrer leurs édits sans remontrances. Ce fut bien pis lorsqu'on apprit que le roi se proposait d'entrer en discussion de dix-neuf articles constitutionnels déjà décrétés, et se réservait de n'accepter la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que lorsque la constitution aurait été terminée. Les cris de tous les métaphysiciens factieux se mêlèrent à ceux des partisans déclarés du duc d'Orléans. L'horizon se couvrit d'une teinte plus sombre; les orages se joignirent; les bons citoyens, qu'avaient effarouchés les premiers crimes de la révolution, en prévirent de plus terribles et de plus honteux; et ne sachant où trouver un ralliement pour s'y opposer, ils bornèrent leur fidélité à n'en être point complices.

1789.

FIN DU LIVRE SECOND.

1789.

LIVRE TROISIÈME.

Repas des La cour s'inquiétait de n'avoir à

gar

des-du-corps à

[merged small][ocr errors]

Versailles. une attaque tant de fois annoncée contre le (1 octobre.) château de Versailles, que le courage de trois

ou quatre cents gardes-du-corps. La ville de Versailles elle-même, qui craignait enfin d'être privée de tous les avantages que lui offrait le séjour du roi, demanda, par l'organe de sa municipalité, qu'un régiment de ligne fût adjoint aux gardes-du-corps pour le service et la défense du château. L'assemblée nationale ne put refuser cette permission, car elle-même avait besoin d'assurer son indépendance. La cour jeta les yeux sur le régiment de Flandre, qui, presque seul entre tous les corps de l'armée française, avait jusques-là maintenu sa discipline. Toutes les précautions furent prises pour qu'un si faible renfort n'inspirât aucune défiance. La municipalité vint elle-même recevoir le régiment de Flandre et lui fit prêter un serment civique. Deux jours après cette entrée, les gardes-du-corps du roi, suivant un usage pratiqué dès long-temps

[ocr errors]
[ocr errors]

pour maintenir la concorde entre les corps 1789. militaires, donnèrent un repas aux officiers du régiment de Flandre, et y invitèrent ceux de la garde urbaine de Versailles *. La vue des lieux où la fête se donnait, le salon d'Hercule et la salle de l'Opéra, des loges garnies de spectateurs illustres, rappelaient les souvenirs d'une splendeur éclipsée. Tous les cœurs paraissaient s'entendre. Les gardes du roi prévenaient leurs convives avec une franchise et une grâce militaires; la plupart d'entre eux n'étaient pas sans attachement pour la cause populaire; mais leur amour pour le roi et la famille royale s'était noblement accru avec les périls de ces augustes personnages. Vers la fin du repas on proposa de boire à la santé du roi, vieux usage autrefois commun aux fêtes des châteaux et des plus simples fermes, et qui alors paraissait une nouveauté hardie. Tous les convives portèrent cette santé avec des acclamations cordiales, auxquelles s'unirent les spectateurs, et surtout les dames. Quelqu'un proposa ensuite de boire à la santé de la nation; ce nouveau toast, quoiqu'à la mode, était

[ocr errors]

Entre ceux qui donnaient le festin, la contribu tion n'était que de liv. 10 sous. 7

1789. vide de sens. Chacuu sentit qu'un tel toast allait glacer l'effet du premier; on s'en abstint sans mépris, sans colère. Le roi et la reine ne purent se défendre d'une vive émotion en apprenant que leurs noms étaient encore invoqués et bénis par des militaires français. De moment en moment quelques députés des convives venaient témoigner le désir que leurs majestés se rendissent au milieu d'eux, et daignassent recueillir ces -expressions d'amour. Le roi parut avec sa famille la reine marchait devant le dauphin, que portait un garde-du-corps, et donnait la main à madame Royale. Madame Elisabeth les accompagnait dans ce jour de consolation, comme elle les accompagna dans tous leurs malheurs. Des larmes d'attendrissement coulèrent de tous les yeux; des cris d'amour retentissaient de tous côtés; on se sentait heureux de donner un instant de bonheur à d'augustes personnages si cruellement éprouvés par la fortune, et de les -replacer par le respect à la hauteur du rang d'où la licence populaire les avait fait descendre. La figure du roi, voilée depuis quelque temps par de sombres nuages, se montrait enfin épanouie. C'était un charme irrésistible pour lui que de trouver des sujets

qui, sanslui imposer de conditions hautaines, de sacrifices humilians, répondaient à toute la franchise de son amour, et de se voir plus honoré au jour de ses épreuves, qu'il ne l'avait été aux jours de sa puissance absolue, La vue de la reine parlait encore plus puissamment aux cœurs, C'était donc là cette brillante princesse, cette aimable dauphine que tous les Français avaient saluée comme l'étoile du matin; cette reine adorée, cette fille des Césars qui s'était montrée toute française par ses goûts, sa légèreté, ses grâces et sa bienfaisance, aujourd'hui si cruellement et si injustement accusée, outragée, diffamée. La fierté avec laquelle elle soutenait le malheur avait ajouté à ses traits plus de beauté que le temps n'en avait effacé. Ce n'était plus la fille de Marie-Thérèse, c'était Marie-Thérèse elle-même. Mais quel douloureux rapprochement! Marie-Thérèse n'avait été en butte qu'aux coups du sort, qu'aux perfides et ambitieuses combinaisons de puissances conjurées contre l'héritage d'une orpheline. Du moins, tandis qu'elle fuyait à travers ses provinces, le cœur de ses sujets lui était demeuré fidèle; dans toutes les cabanes on déplorait ses malheurs; mais il était de la destinée de sa fille de se voir, jusqu'au seuil

1789.

« PreviousContinue »