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sion, et non le rachat des dîmes ecclésiasti- 1789. ques qui avait été votée, et qu'il suffisait de pourvoir décemment à l'entretien des ministres du culte. Les prélats confondus ne savaient plus comment exprimer leur étonnement, leur douleur, leurs scrupules et leur indignation. Ils trouvèrent un défenseur inespéré dans l'abbé Sièyes, qui réclama vivement la foi donnée, l'engagement pris, le décret rendu; et, sans défendre les dîmes en elles-mêmes, soutint qu'elles avaient pour elles le droit de la propriété, de l'antique possession; que ceux qui en jouissaient avaient droit à une indemnité proportionnelle à leurs sacrifices. Le discours qu'il prononça est un parfait modèle d'une discussion pressante et lumineuse, et laisse beaucoup à regretter qu'un pareil talent ait été dépravé par des abstractions révolutionnaires, qui rendaient souvent son langage sec, amer et obscur. L'histoire doit en recueillir quelques passages remarquables:

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« J'aurais désiré qu'on eût avisé aux › moyens de subvenir au sort du clergé... Qn »ne détruit pas une ville, sauf à aviser aux

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» moyens de la rétablir. »

» J'aurais désiré qu'on n'eût pas fait un » présent gratuit de plus de soixante-dix mil

1789.

lions de rente aux propriétaires actuels, mais qu'on les eût laissés racheter cette re» devance comme toutes les autres, et avant » les autres, s'ils la trouvent la plus oné

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» Enfin, je cherche ce qu'on a fait pour le peuple dans cette grande opération, et je ne le trouve point. Mais j'y vois parfaitement l'avantage des riches; il est calculé » sur la proportion des fortunes; de sorte qu'on y gagne d'autant plus qu'on est plus riche aussi ai-je entendu quelqu'un re» mercier l'assemblée de lui avoir donné, par son seul arrêté, trente mille livres de > rente de plus...

J'ai beaucoup entendu dire qu'il fallait » bien aussi que le clergé fît son offrande. » J'avoue que les plaisanteries, qui portent » sur le faible dépouillé, me paraissent cruelles. Je répondrai sérieusement que tous » les sacrifices, qui avaient été faits jusqueslà, ne frappaient pas moins sur le clergé » que sur la noblesse, et sur cette partie des communes qui possède des fiefs et des sei> gneuries. Le clergé perdait même déjà beaucoup plus que les autres, puisque lui seul » avait des assemblées de corps et une admi

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>nistration particulière à sacrifier...

>> Ils veulent être libres; ils ne savent pas » être justes...

>> S'il est possible encore de réveiller l'a» mour de la justice, qui devrait n'avoir pas » besoin d'être réveillé, je vous demanderai, » non pas s'il vous est commode, s'il vous est » utile de vous emparer de la dîme, mais si » c'est une injustice. Je le prouve avec évi»dence, en démontrant, comme je viens de >> le faire, que la dime, quelque soit son sort » futur, ne vous appartient pas. Si elle est supprimée dans la main du créancier, elle » ne doit pas l'être pour cela dans celle du dé» biteur; si elle est supprimée, ce n'est pas à » vous à en profiter...

» J'ose défier que l'on réponde à ce raison» nement : la dîme a été déclarée rachetable; » donc elle a été reconnue par l'assemblée > elle-même pour ce qu'elle est, pour une pos» session légitime : elle a été déclarée rache» table; donc vous ne pouvez pas la décla›rer non rachetable. »

On affecta de ne voir dans cette réclamation que les douleurs de l'intérêt personnel blessé. Mirabeau, charmé de pouvoir ébranler, même dans un compagnon de ses travaux révolutionnaires, une popularité rivale de la sienne, plaida sans pudeur et VII.

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1789.

1789. sans talent la cause de la mauvaise foi,

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méconnut les droits évidens de la propriété

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usufruitière, établit qu'il convenait à la France libre d'avoir un clergé salarié. Comme ces mots excitaient des murmures, il les justifia par une maxime ignoble, fausse et folle. Je ne connais, dit-il, que trois » manières d'exister dans la société il faut

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» y être mendiant, voleur ou salarié*. » Le clergé montra dans cette discussion un esprit remarquable de patience et de douceur. «Que l'évangile soit annoncé, dit M. l'archevêque de Paris, que le culte divin soit

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» célébré avec décence et dignité, que les

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que les

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églises soient pourvues de pasteurs vertueux » et zélés, que pauvres soient soient secourus; » voilà la fin de notre ministère et de nos » vœux. Nous nous confions dans l'assemblée » nationale, et nous ne doutons pas qu'elle

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པ་ཚོ་

* M. Duplaquet, curé de Saint-Quentin, confondit le lendemain, avec autant d'esprit que de noblesse, le grossier apophtegme de Mirabeau. Il donna sa démission d'un prieuré, et prononça ces mots : «< Je >> m'en remets à la justice de la nation; attendu, quoiqu'en ait dit M. de Mirabeau, que je suis trop » vieux pour gagner mon salaire; trop honnête pour >> voler, et que les services que j'ai rendus doivent me » dispenser de mendier. »

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» ne nous procure les moyens de remplir di»gnement des objets aussi respectables ét » aussi sacrés. » L'assemblée reçut cès offres généreuses, sans se sentir entraînée par une émulation de générosité, ou plutôt sans être ramenéé à des principes de justice et de bonne foi. Les dimes furent suprimées sans rachat, sauf à pourvoir dignement à l'entretien du culte et de ses ministres. Nous verrons bientôt comment l'assemblée tint párole. Dans toutes les questions que la nuit du 4 août avait laissées litigieuses, on s'en tenait constamment à l'interprétation la plus dure. Comme les incendies des châteaux continuaient encore, on ne cessait de répéter, en sollicitant les décrets les plus rigoureux : « Hâtons-nous de calmer le peuple; » nous sommes responsables par nos lenteurs » des nouveaux attentats auxquels il peut >> encore se porter. »

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Les environs de Paris présentèrent un spectacle affreux dès les premiers jours qui suivirent le décret d'abolition sur la chasse. Plusieurs bourgeois de Paris, mêlés à une foule de paysans et de brigands nomades, poursuivaient à travers les campagnes, à travers les moissons et dans la vaste enceinte des chasses royales, les lièvres, les perdrix, les daims,

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1789.

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