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les plaisirs, conduire à pied leur père ou leur 1789. aïeul septuagénaire. Oh! qu'il leur tardait de gagner une ville où ils pussent trouver, pour quelques jours, un rempart et l'hospitalité! quel effroi, lorsqu'échappés à une bande de brigands, ils tombaient dans une autre troupe qui courait à un nouvel incendie! Quelle présence d'esprit! quelle intrépidité ne fallut-il pas à de nouvelles Antigones, à de nouveaux Énées, chargés de leurs vieux pères! Plusieurs gagnèrent la frontière, et, depuis, furent inscrits sur des listes d'émigrés..

Cependant l'on vit dans plusieurs provinces de courageux magistrats s'opposer, au péril de leur vie, aux fureurs du peuple des campagnes. Dans le Dauphiné, où plus de trentesix châteaux furent brûlés, la commission permanente des états prit des mesures actives pour arrêter les incendiaires, à l'aide de quelques soldats citoyens levés dans la province, et de ceux que lui envoya la ville de Lyon. Elle parcourut les campagnes; et, quoiqu'elle fût composée d'hommes voués avec enthousiasme à la cause de la liberté, elle ne craignit pas, dans des désordres de cette nature, de recourir à la promptitude et à la sévérité des exécutions prevôtales.

1789. Vingt brigands furent pendus, les autres sé disperserent. Cette désolation s'était répandue d'une manière encore plus effroyable dans le Maconnais et le Beaujolais; un grand nombre de châteaux y furent consumés par lés flammes; les églises elles-mêmes étaient devenues la proie du brigandage. Le comité dés états de Macon levá dans la ville une troupe de deux à trois cents hommes dévoués, qui osa, sous la conduite de quelques hommes dévoués, MM. de Vinzelle, de la Vernette et Bruys de Charly, marcher à la rencontre de six mille brigands. Cette petite armée attaqua les brigands sans hésiter, et les battit deux fois dans un même jour; fit mordre la poussière à cent d'entre eux, en ramena deux cents prisonniers sur ce nombre il y en eut vingt qui, jugés prévôtalement, furent livrés au dernier supplice. Peu de jours après, ces jugemens furent accusés d'illégalité devant l'assemblée nationale, et les citoyens généreux qui s'étaient dévoués pour leurs compatriotes furent menacés dans leur liberté, dans leur vie. Les parlemens, qui se regardaient comme destinés à être frappés de toutes les foudres de la révolution, osèrent peu agir au milieu de ces désastres. Un seul, celui de Douay, se

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ressaisit avec fermeté des restés d'une autorité expirante, et arrêta, parla mort de douze incendiaires, le cours des mêmes fléaux rẻpandus sur la Flandre.

Tant de nouvelles désastreuses arrachèrent pour un moment l'assemblée nationalé aux discussions métaphysiques par lesquelles elle préludait à sa constitution. Après avoir reçu diverses relations officielles d'où sont extraits les pénibles détails que nous venons de rapporter, elle résolut de calmer les fureurs populaires, non par l'énergie du pouvoir et l'action de la force, mais par la tuine entière des derniers débris du systèmé féodal. On vit, par un concert qui semblait tenir du prodige, les députés qui frémissaient le plus des mouvemens de la révolution se réunirà ceux qui en avaient dirigé ou accéléré la marche.

1789.

D'abord un comité nommé pour proposer des remèdes à tant de violences, à une dévastation si générale des propriétés, proposa des mesures répressives; mais on douta de leur efficacité. L'assemblée, quoiqu'elle eût jusques-là si peu agi, tenait des séances le matin et le soir. Ces dernières étaient régardées comme fort dangereuses, parce que l'effervescence des passions y était toujours plus vive. Le 4 août la séance commença à Nuit du 4 août.

1789. huit heures du soir. Tous les esprits parais

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saient préoccupés d'un grand objet. Les députés populaires témoignaient, par tous leurs regards et par toutes leurs paroles, qu'ils allaient porter des coups décisifs au parti des privilégiés, et s'attendaient à voir ceux-ci combattre avec acharnement, avec fureur, pour la défense de leurs droits honorifiques ou lucratifs, pour celle de leurs foyers. Le vicomte de Noailles, attaché alors au parti populaire, engage le combat. Nulle mesure ne lui paraît possible, si le mal n'est attaqué dans sa source, si l'on ne satisfait aux voeux d'un peuple fatigué d'une longue oppression.

K

Hâtez-vous, disait-il, d'achever une révo»lution amenée par le temps, de faire avec » un esprit de justice et de modération, mais » avec fermeté, ce que le peuple tente avec » une aveugle furie. Nous n'avons qu'un » moyen d'en arrêter les terribles effets; c'est de satisfaire promptement à tous ses griefs, et de l'affranchir des derniers restes d'une longue oppression. >> Il propose de déclarer que toutes les charges publiques seront également supportées par tous, que la plupart des droits féodaux seront rachetables, que toutes les servitudes person

nelles seront à jamais abolies et sans rachat. Le duc d'Aiguillon seconde cet avis avec chaleur, et enchérit encore sur des propositions tranchantes. Un député de la Bretagne retrace toutes les horreurs de l'antique féodalité, fait considérer comme des usages encore existans, tout ce qui existe dans de vieux titres, parle d'hommes attelés à des charrettes, de l'impudique droit du seigneur, et des étangs battus par les vassaux pour procurer à des seigneurs voluptueux le plaisir d'entendre la musique des grenouilles. Tous ces discours semblaient faits pour irriter et désespérer ceux que l'on poursuivait sous la dénomination funeste d'aristocrates. Ceux-ci gardaient le silence; deur contenance était fiere, mais paisible. Enfin, l'un d'eux, le marquis de Foucault, demande la parole. « A-t-on pensé, dit-il, faire un vain appel à notre générosité? » C'est sur nous principalement que vont porter les sacrifices par lesquels on veut ⚫ ramener l'ordre dans le royaume. Eh bien! » il faut qu'on sache que nul de nous ne prétend s'y refuser. Autant on est sûr de » trouver en nous une constance inflexible pour soutenir l'autorité royale ébranlée » dans ses fondemens, autant on est sur de

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1789.

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