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enfin à permettre qu'on faffe quelques retranchemens. Elle remet le cahier à fir Tremendus, pour qu'il défigne les endroits à fupprimer.

SIR TREMENDUS lit en marmotant. Abfurde au dernier point! (Il efface.) Impertinence visible. (Il efface.)

CLINK E T.

Quoi! tout cela? Epargnez ceci pour l'amour de moi; car je lui ai fourni ces détails.

SIR TREMEND U S.

Pauvretés! (Il efface.) Horrible! (Il efface.) Abominable! (Il efface.)

LE PREMIER

ACTEU R.

Faites main-baffe fur cette pensée.

LE SECOND ACTEUR.

Et fur cette méthaphore.

LE PREMIER ACTEUR.

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Toute cette tirade.

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Je replique...

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SIR TREMEND U S.

La diction....

CLINK E T.

Ah! arrêtez, arrêtez!.... on m'égorge... on m'affaffine... Miféricorde! au meurtre, au feu, ah!.... (Elle s'évanouit. )

Epitres morales. Des obfervations fines, une raison éloquente & courageufe, une maniere de peindre hardie & brillante, caractérisent les épîtres morales de Pope, dont la premiere parut en 1731; par-tout on y reconnoît un philofophe qu'animent la haine du vice & le zele des mœurs. Mais on lui reproche d'avoir pouffé ce zele & cette haine trop loin: ces fameufes épîtres ne firent qu'exciter de nouvelles clameurs contre leur auteur. Pour fe juftifier, Pope fit imprimer fon imitation de la premiere fatyre du fecond livre d'Horace, dans laquelle il exprime ainfi fa vertueufe indignation: » Quoi!

lorfque je tiens une plume, gardienne de la » vertu; lorfque je note d'infamie le front hardi » des coupables effrontés; lorfque j'attaque le » glorieux publicain dans fon char doré; lorsque » je montre nud le cœur bas qu'il cache der»riere un cordon faftueux, pourrois-je blesser » les loix de l'état & de l'églife? Boileau, pen» fionné, a pu fronder, dans des vers hon» nêtes, les flatteurs & les bigots, fous le re» gne même de Louis XIV; Dryden, poëte » Lauréat, a attaqué les prêtres & les hommes » corrompus, fans mettre en fureur Charles ou

» Jacques; & moi, je ne pourrai dépouiller » un lâche de fon faux éclat; moi, qui n'ai ni » place, ni pension, moi, qui ne fuis ni l'hé »ritier ni l'efclave de perfonne? «<

La premiere de ces épîtres a pour objet la connoiffance des hommes & la difficulté de les apprécier à leur jufte valeur. Les caracteres varient felon les climats, les mœurs changent avec la fortune, les opinions fe fuccedent avec les livres & les maîtres, les principes s'alterent avec le temps ces regles font donc fautives pour bien juger l'homme. C'eft dans l'exercice de la paffion dominante qu'il faut l'observer & l'étu dier; c'eft alors que l'homme déploie toute fa force, & qu'il femble redoubler de vigueur, ainfi que dans les accès d'une fievre brûlante, quoique ces accès mêmes le détruisent. Le temps n'adoucit point cette paffion favorite; elle s'attache à nous & n'expire qu'avec nous. » Voyez » ce vieillard décrépit, à qui fes crimes ont » donné une race honteufe & fans nom; chaffé » peut-être de fa maison, ou rudement cou» doyé par fon fils qu'il maudit, il fe traîne » encore fur fes genoux chancelans jufqu'au » galetas d'une prostituée; & il ne voit point » de moineau qu'il ne lui porte envie.

» C'eft le ventre d'un faumon, Helluo, qui » devoit terminer ton deftin. On appelle le » médecin qui déclare qu'il eft trop tard. Mi» féricorde, grand Dieu! s'écrie Helluo: quoi, » plus d'efpoir? hélas !... qu'on m'apporte donc » la hure.

» La ménagere Crone, environnée de prê

» tres en prieres, tâche encore d'épargner le » bout du cierge béni: pour cela elle retient »fon haleine, fouffle; & ce fouffle eft fon dernier foupir.

» Quoi! un fuaire de flanelle (*), grand » Dieu! Il y auroit de quoi faire damner un faint, s'écrie la pauvre Narciffa, fur le point de mourir ! Non, je veux qu'une belle perfe » enveloppe mes membres glacés, & que mon » vifage livide foit orné d'une dentelle de Ma» lines: faut-il faire peur aux gens quand on » eft mort? Betty, mets-moi un peu de rouge. » Ce fade courtifan, qui, depuis quarante ans, s'honore du titre de très-humble fer» viteur du genre humain, dit encore à l'a» gonie, lorsqu'il peut à peine remuer les le»vres: Si... là où je vais, Monfieur, je pouvois vous fervir...

L'épître fur le carattere des femmes, annonce que Pope avoit long-tems vécu parmi elles, & qu'il connoiffoit parfaitement les travers les fantaifies & les caprices de cette aimable moitié du genre humain. On lui reproche cependant trop de dureté, & quelquefois de l'exa gération dans fes portraits. Son ami, le doc

(*) La légiflation angloife, très-attentive à favorifer les manufactures de laine, ordonne que les morts foient enfevelis dans de la flanelle. Sous le nom de Narciffa, l'auteur défigne ici mademoiselle Oldfield, fameufe actrice de Londres, à laquelle on attribuoit ce goûs même pofthume pour la parute.

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teur Arbuthnot, remarquoit avec raifon qu'il paroiffoit s'attacher plutôt à châtier qu'à corriger. Dans cette épître, qu'il feroit trop long d'analyfer, l'auteur diftingue deux paffions générales, qui se partagent l'empire fur le fexe, l'amour du plaifir & la fureur de dominer. On y trouve plufieurs portraits où l'on reconnoit la touche ferme & vigoureufe de la Bruyere.

» Cloë a tout ce qu'il faut pour plaire, tous » les talens de l'efprit; que lui manque-t-il >> donc ? un cœur. Elle parle & agit comme » elle doit, mais jamais elle n'éprouve un fen» timent noble & généreux : la vertu lui pa» roît trop pénible, & elle s'en tient aux dé» cences. Elle eft fi froide, fi raisonnable, » qu'elle ne s'embarraffe, ni d'aimer ni d'être » aimée. Lorsque fon amant foupire entre fes » bras, elle peut alors compter les magots de » fa cheminée; & quand elle voit fon ami en » proie au défefpoir, elle eft en état d'obfer» ver la fupériorité d'une étoffe des indes fur » un drap d'Angleterre. Que le ciel la pré» ferve d'accorder une faveur ou de faire une » dette, elle nie tout. Non, peut-être elle l'ou»blie. Votre fecret eft en fûreté avec elle; » mais vous ne faurez pas les fiens. Elle n'a » jamais noirci le caractere d'aucun de fes » amans; mais elle fe foucie fort peu qu'ils » fe pendent. Cloë voudroit-elle favoir fi vous » êtes mort ou vivant? Elle ordonneroit à » fon laquais de le lui faire accroire. Cloë eft » prudente...,, Mais voulez-vous auffi être

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