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vangélifte à Bruges, où probablement il étoit né Cette communauté, alors compofée d'écrivains, de maîtres d'école, de librairiers, de printers, (imprimeurs fur bois) d'enlumineurs, de relieurs & de beeldemakers (faifeurs d'images) avoit une chapelle dans l'abbaye d'Eekoute, où elle faifoit dire des meffes. J'ai entre mes mains fes regiftres, & j'y apprends que Manfion paya deux escalins pour l'entretien de cette chapelle, & les frais d'honoraires de meffes.

Item, porte ce regiftre au folio 2 verfo , reçu de Colinet de Manchien deux efcalins. Le nom Colinet donné ici à notre imprimeur, me paroît un diminutif de Colard, nom fort commun durant le XV fiecle, & me perfuade qu'en 1454 il étoit encore jeune, puifqu'il s'eft nommé depuis Colard. A l'égard de fon nom de famille il varie dans mes regiftres; tantôt c'est Manchien, tantôt Monzioen en 1458 Manzioen, en 1459 Menchoen, en 1467 Monfyoen. Ce ne font que des variétés de Manfion, nom qu'il a conftamment pris à la fin de fes éditions & qu'il écrit quelquefois Manchion. (*)

Je foupçonne qu'il étoit originaire de France & peut-être même François; ce qui me le fait croire, c'est qu'il a traduit plufieurs livres en

(*) Dans Pancien langage françois le mot Manfion fignifie demeure, habitation, gite. Nos rois, quand ils voyageoient, ne logeoient pas dans des hôtelleries. Si dans les lieux par où ils paffoient, ils n'avoient pas de châ teaux, ils defcendoient chez quelqu'un de leurs vaffaux, qui étoient obligés de les loger. C'eft ce que l'on appelloit, fous la premiere race, droit de Manfion, & fous la troifieme, droit de Gité; les grands feigneurs, les évêques & les abbés avoient aufi le droit de Mon sion chêz leurs væssaux.

françois, & qu'il n'a imprimé que des livres écrits en cette langue. Néanmoins mes regiftres ́ prouvent qu'il écrivoit fort bien le flamand : voici comment il s'exprime fous l'année 1472, pendant qu'il étoit doyen de fa communauté :

Dit navolghende es dat ic Colaerd Manchion ont fanghen hebbe aen gaende onfer ghilde, &c.

Ces mêmes registres font mention de notre Brugeois, fans aucune interruption, depuis 1454 jufqu'à 1468: aux années 1469 & 1470 ils ne difent rien de lui, & je le retrouve dans les comptes de 1471; ce qui me fait conjecturer qu'il s'abfenta de Bruges en 1469 & 1470; fans doute doute pour aller apprendre l'art de l'imprimerie qu'il vint enfuite apporter à Bruges.

Par ce fervice important, & par fes traductions françoifes, Manfion fe fit une réputation. qui lui valut la protection & même l'amitié des grands, entr'autres celle de Louis de Bruges, feigneur de Gruthufe, &c. qui tint un de fes enfans au baptême, & qu'en conféquence Manfion appelle, fans façon, fon compere, dans la dédicace d'un de fes ouvrages dont je parlerai plus bas.

Si pour les raifons que j'ai dites, Manfion étoit jeune en 1454, fa vie ne fut pas longue, puifqu'il mourut en 1484; date qui eft conftatée par les regiftres fi fouvent cités, où on lit au folio 117 recto, ce qui fuit fidélement traduit du flamand:

Item, (reçu) de Jeny, qui demeuroit avec Colaert Manfion, pour fa dette de mort quatre efcalins.

On a vu qu'il eut au moins un enfant d'une

femme, qu'il perdit, fuivant nos registres, en 1474; j'ignore quelle fut la profeffion que fuivit cet enfant. Peut-être, Paul & Robert Manfion, libraires & imprimeurs, qui vinrent s'établir à Paris, au commencement du 17me. fiecle, descen doient-ils de lui.

II. Marchand n'a donné connoiffance que d'un feul ouvrage de Colard Manfion; les métamorphofes d'Ovide moralifées, traduites en françois par ce Brugeois, du latin de Thomas Waleys, Jacobin, & par lui imprimées en 1484 in-fol., (chez le Roi, Y No. 1185, & chez moi): j'en connois encore un autre, je veux parler de la pénitence d'Adam, dont il y a trois manuscrits in-4to., deux fur vélin, l'un appartenant au roi (No. 7864) l'autre venant de la bibliotheque de Gaignat, (voyez le No. 152 de fon catalogue) (*) le troifieme fur papier, & qui est en ma poffeffion

Cet ouvrage mérite quelqu'attention: Colard Manfion l'a traduit du latin par ordre de fon compere M. de la Gruthufe, à qui il le dédie par une épître qui n'apprend rien de remarquable. Le latin fur lequel a traduit Menfion, a-t-il été imprimé? Je ne le penfe-pas; Fabricius paroît même n'en avoir pas connu de copie manufcrite, puifqu'il fe contente d'en rapporter des extraits en allemand (voyez Cod. Pf. Vet. Teft. pag. 45, édit. 1713;) ce qu'il n'eût pas fait,

(*) L'exemplaire du roi vient de l'ancienne bibliotheque royale de Blois; celui de Gaignat, appartenoit en 1628, aux moines de St. Vaaft d'Arras. Le duc d'Ifenghien, l'ayant emprunté à cette abbaye, ne le ren dit pas pendant fa vie, & à fa mort, il passa de fa bibliotheque dans celle de Gaignat.

s'il n'avoit ignoré l'existence de cet ouvrage apo cryphe écrit en latin. Cette traduction de Manfion n'a pas été imprimée; le manufcrit du roi, qui eft l'original, n'a que 42 feuillets; après le cinquieme, on y trouve une miniature relative au fujet. On apperçoit dans un coin de cette miniature, le traducteur préfentant fon livre au feigneur de Gruthufe. Cette préfentation a été fupprimée dans la miniature qui orne l'exemplaire de Gaignat, copie du précédent, & qui a un même nombre de feuillets: voici le com mencement de l'original :

Cy commence un petit traittie, intitule de la penitance Adam, tranflatee du latin en françois, au commandement de hault & puiffant Sr. Monfr. de la Gruthufe, conte de Winceftre, &c. par Colard Manfion fon compere & humble feruiteur,

Outre ces deux traductions françoifes, je fuis perfuadé que Manfion en a fait d'autres, foit avant, foit depuis qu'il exerça l'imprimerie. J'avois d'abord cru qu'on pouvoit lui attribuer celle de la confolation de Boëce, qu'il imprima en 1477; mais en examinant de près cet ouvrage, je doute qu'on puiffe la donner à notre Manfion. Le traducteur de Boëce fe défigne luimême, par un honnefte Clerc defolé. Et dans une longue foufcription, qui eft à la page pénultieme du livre, il dit, que pour fa petiteffe il ne fe ofe nommer. Or, Manfion s'eft nommé dans fes deux autres traductions; & en 1477, cet artiste qui exerçoit l'imprimerie depuis quelques années ne fe feroit pas qualifié, un honnête Clerc.

S'il falloit s'en rapporter au catalogue imprimé des Mf. de Mde. la princeffe, à Anet,

(page 12) Manfion auroit encore traduit de latin en françois le Dialogue des Créatures; ce catalogue porte expreflément, tranflaté de latin en françois par Colard Manfion, à Abbeville, Mais cette affertion me paroît peu fondée, fur-tout à caufe d'Abbeville, où je ne vois pas que notre artiste foit jamais allé; d'ailleurs le Dialogue des Créatures traduit en françois, a été imprimé à Lyon, par Matthieu Hufz, en 1483, in-fol., fans nom de traducteur, & j'en ai moi-même un Mf. in-fol. fur papier, où le traducteur n'eft pas non plus nommé (*). Ainfi le catalogue cité, n'eft pas une autorité fuffifante, pour attri buer à Manfion une traduction à laquelle je ne crois pas qu'il ait eu part. Néanmoins, fi l'on veut abfolument que Manfion foit auteur de cette traduction, on peut encore obferver que le rédacteur du catalogue d'Anet [d'ailleurs très-fautif, & dont la plupart des titres des livres eft eftropiée], a peut-être rapproché du nom du traducteur, celui de la ville où avoit été faite & achevée une copie du Mf. original, & que, quant au nom de Manfion, qui eft fupprimé dans mon Mf., & dans l'édition de Lyon de 1483, cette omiffion involontaire, ou faite à deffein 2 n'a rien de surprenant; puisque Vérard donnant, en 1493, la feconde édition des Métamorphofes d'Ovide moralifées, paffa également fous filence le nom de Manfion lon traducteur. Ceux qui les réimprimerent depuis, copierent Vérard; de maniere que, fans l'édition de 1484, donnée par

(*) On lit à la fin de ce Mf., qu'il a été écrit par Bertoulet le Brun, archier de corps, defunt Philippe duc de Bourgogne, l'an 1482, le 29 juin, & que ee Bertoulet avoit, à cette époque, 67 ans.

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