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»ce, s'il faut que ma mufe prodigue fon en>> cens au vice & à la tyrannie, ou que ram» pant en vil efclave au gré de la fortune elle

adore baffement fes caprices; fi les débris » de la réputation des autres font les degrés

qui doivent me conduire au temple de la » gloire, fi la renommée enfin coûte fi cher; » ỗ ciel, donne-moi le courage de dédaigner » des lauriers criminels; éteins dans mon cœur » cette indigne foif de la louange; permets » que ma vie foit pure & innocente, & que » je meure plutôt inconnu. Que mon nom fe » life parmi ceux des gens bien, ou soit effacé » de ton temple. »

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Epitre d'Héloïfe à Abailard, chef-d'œuvre de fentiment, & de goût, fi heureusement transporté dans notre langue par M. Colar deau.

Dans fes autres ouvrages Pope fait inftruire & plaire; dans celui-ci, il remplit la troifieme & la plus importante fonction du poëte, il touche, il parle au cœur, & fait naître dans l'ame un fentiment profond.

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Poefies diverfes. Sous ce titre, on trouve deux contes imités de Chaucer du même genre mais non du même mérite que ceux de la Fontaine. Janvier & Mai. Janvier défigne l'hiver & la vieilleffe, Mai, le printemps & la jeuneffe. Janvier, vieillard fort riche, époufe la jeune & charmante Mai, & fubit le deftin réservé aux alliances mal afforties. C'eft le fond du premier conte. Le fecond, intitulé la femme de Bath, contient la confeffion d'une femme

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qui a dupé cinq maris. Dans ces deux contes les faits fe trouvent noyés dans un ennuyeux yerbiage; ils font égayés de plaifanteries à T'angloife, c'eft-à-dire, un peu groffes & chargées.

Mélanges. Ce font des imitations d'Horace des épîtres, des épigrammes, des madrigaux des pieces fugitives de toute efpece, & furtout un grand nombre d'épitaphes. Dans ces productions légeres on reconnoît toujours l'efprit; la fineffe & la correction de Pope.

Effai fur l'homme, traduit en profe par M. de Silhouette, avec l'imitation en vers de l'abbé du Refnel.

C'est le plus important & le plus célebre de tous les ouvrages de Pope. Son talent particulier étoit d'embellir la métaphyfique des couleurs de l'imagination. Les profondes spéculations renfermées dans ce poëme feroient honneur au plus grand philofophe; dans le style & dans les détails on reconnoît un grand poëte. On admire fur-tout cette précifion rigoureuse & philofophique, cette force & cette jufteffe d'expreffion, cette élégance continue qui jamais ne laiffent appercevoir la gêne de la verfification & la tyrannie de la rime. Pope n'a point de fupérieur dans l'art difficile d'égayer & d'orner des matieres arides & abftraites. Cependant fon poëme est moins lu qu'eftimé, parce qu'il eft quelquefois obfcur, & qu'il fatigue l'attention. L'abbé du Refnel a traduit ce poëme en vers, quelquefois avec élégance; mais en général, il substitue la foibleffe & la prolixité du

ftyle, à la force & à la précision. On nous annonce deux nouvelles verfions en vers de ce chef-d'œuvre des mufes angloises, l'une de M. l'abbé de Lille, qui a fait fes preuves; l'autre de M. Fontanès, dont les effais ont donné des efpérances.

Effai fur la vie humaine, petit poëme moral, moins connu & moins digne de l'être que l'Ef fai fur l'homme. On n'y trouve ni deffein, ni marche, ni liaisons; c'eft un recueil de maximes vagues, de déclamations ufées fur les foibleffes & les paffions attachées à la condition humaine.

Trois heures après mariage. C'est une comédie, ou plutôt une véritable farce, qui eft peu connue, & fur laquelle nous entrerons dans quelque détail. L'auteur la fit en fociété avec le docteur Arbuthnot; mais comme ils ne voulurent, ni l'un ni l'autre, s'expofer à la malignité de la critique & aux farcasmes des mauvais plaifans, ils la firent jouer fous le nom de Gay, poëte comique & leur ami commun. Le fujet de ce drame eft le mariage d'un vieux médecin, avec une espece de courtisanne adroite, dans laquelle ce bon-homme s'imagine retrouver une feconde Lucrece. Mais il ne l'a pas plutôt épousée, qu'il découvre fon libertinage & toutes fes liaisons galantes, fuffifamment conftatées par un enfant que la juftice le force d'adopter. Quoique cette farce foit peu digne de la célébrité de fes auteurs, elle offre cependant quelques fcenes d'un comique agréable; telles que celles de Phabé Clinket, niece du

¿médecin, personuage épisodique & bel esprit; calqué en grande partie fur les Femmes favantes de notre divin Moliere. Nous allons mettre mos lecteurs à portée de juger du mérite de cette imitation. Le médecin Foffile vient d'amener dans fa maifon fa nouvelle époufe, avec la quelle il s'entretient, lorique Clinker entre, fuivie d'une fervante qui porte un pupître fur fon dos. Clinket écrit; fa coëffe eft tachée d'encre, & fes plumes font piquées dans fes cheveux.

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LA SERVANTE.

J'aimerois autant porter la curiofité dans les rues ah! que le dos me fait mal!

CLINK E T.

Qu'est-ce que le travail du dos, comparé à celui de la cervelle? Pécore, fcandale des mufes ! Tu m'as fait perdre une pensée qui vaut un in-folio.

LA SERVANTE.

N'ai-je pas déja attrapé un retréciffement de nerfs à lever vos grands livres ? & je ne fuis plus bonne à rien.

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CLINKET.

Appelle les des in-folio & non des grands livres, monftre d'impropriété. Mais, patience, je me fouviendrai que je t'ai promis trois billets aux représentations de ma nouvelle tragédie.

LA SERVANTE,

Il n'y a pas là de quoi faire empeser mes

Cornettes.

CLINKET,

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CLINKET.

Destructrice du favoir, infecte plus pernicieux que les vers de bibliotheque, tu me fais perdre patience fouviens-toi de mon ode, dont tu enveloppas une chandelle, de cette épigramme dont tu fis un cornet à tabac, & de l'indigne ufage auquel tu proftituas mon hymne à Apollon. Créature immonde! lis-moi les derniers vers que j'ai fais fur le déluge, & prononce-les comme je te l'ai appris.

LA SERVANTE, lifant avec affectation.

» Enflée d'une hydropifie, la nature est lan» guiffante, puis expire par un copieux diabe

»tès. «

CLINK E T.

Un moment j'enfante..... » Les mers, en mugiffant, pénetrent dans les forêts; & les » baleines fe perchent fur les chênes «... mu» giffant, murmurant, fifflant; non : les mers » en fureur pénetrent dans les forêts; baleines, » perchez-vous! Quels feftins pour les poiffons!.. » Les dauphins affamés vont dévorer le rof» biff....

FOSSILE, qui s'avance avec fa femme qu'il fait paffer pour une de fes amies.

Ma niece, hélas ! ma niece! ô Melpomene, déeffe de la tragédie, fufpends tes influences pour un moment, & fouffre que ma niece me parle raison. Voici une dame de mes amies; la circonftance où elle fe trouve, l'oblige de prendre un afyle dans ma maifon : ayez pour elle tous les égards poffibles, & faites préparer le thé.

Tome 11.

B

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