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Voici, dans une des paftorales de Pope; comment un tendre berger chante l'absence de fa chere Délie. :

» Doux zéphirs, allez, emportez fur vos »aîles mes foupirs! malheur aux champs qui » arrêtent ma Délie. Que les fleurs s'y flé» triffent, que les arbres y féchent & meu»rent; que tout y périffe, excepté elle.... » Qu'ai je dit en quelques lieux que ma Dé» lie fe trouve, puiffe le printems l'y accom»pagner & les fleurs naître fur fes pas; que des » boutons de rofe entr'ouverts ornent les chê»nes, & que l'ambre découle de chaque buiffon!

» Doux zéphirs, allez, emportez fur vos aîles mes foupirs! les oifeaux oublieront de » faire entendre leur chant du foir, les vents » de prendre haleine, les fommets des hauts pins » de flotter par ondes, & les ruiffeaux de mur. » murer, avant que je ceffe d'aimer Délie. Sa » vue a plus de charmes pour moi, que les "fontaines jailliffantes pour un berger que la » foif dévore; que le fommeil pour un labou >> reur accablé des fatigues de la journée; » qu'une plaine douce pour les allouettes, ou » qu'un beau-foleil pour l'induftrieuse abeille.

» Doux zéphirs, allez, emportez fur vos » aîles mes foupirs! Viens, Délie, viens; où

reftes-tu fi long-tems? N'entends-tu pas les » rochers & les cavernes retentir de ton nom?..... » O Dieux, où s'égarent mes efpérances? Eft. » ce un fonge d'amant, ou ma Délie feroit» elle fenfible à mon amour? Elle vient, ma » Délie vient!.... Zéphirs, retenez vos hag

»leines, & n'emportez plus fur vos aîles mes » foupirs. «

La pêche & la chaffe font fupérieurement décrites dans la forêt de Windfor on fent; dans la traduction même, que le poëre eft un grand peintre. » Au retour du printems, » le pêcheur, ami du filence, tient fa ligne » tremblante à la main. L'efpérance fixe fes re » gards, & lui fait obferver d'un œil attentif >>le liege qui s'enfonce, & le roleau qui com >> mence à plier avec effort. Lequel des habi» tans de l'eau s'eft laiffé prendre à l'appât trom» peur? Eft-ce la perche aux nâgeoires teintes » de pourpre, l'anguille argentée, la carpe » aux écailles nuancées d'or, la truite tache

tée de cramoifi, ou le brochet, tyran de » la plaine liquide?.... Mais déja le char du » foleil étincelle dans le figne brûlant du can » cer; de jeunes audacieux portent l'alarme » dans le fein des forêts; ils volent dans les » clairieres, affiégent les avenues; ils lancent » le cerf rapide, & careffent le limier qui met » fur la voie. Le bouillant courfier, haletant

d'impatience, frappe la terre & femble déja » battre les plaines éloignées qu'il brûle de » mesurer: montagnes, vallons, ruiffeaux, il » croît tout franchir dans un inftant, & avant » qu'il fe précipite dans la carriere, il a déja » perdu mille pas. (*) Voyez ce jeune té

(Ces vers font une imitation de ceux-ci de Stace: Stare adeo miferum eft! pereunt viftigia mille Ante fugam, absentemque ferit gravis ungula campum

méraire qui le pouffe dans l'épaiffeur des » forêts, dans le fond des vallées, & voit fuir » la terre devant lui. «

Effai fur la critique, traduit en prose par M. de Silhouette, avec l'imitation en vers de l'abbé du Refnel.

Horace & Boileau ont donné des loix aux auteurs, Pope a voulu former des critiques; c'eft dans un âge mûr, c'eft après avoir donné des preuves d'un talent fupérieur & confommé par l'expérience, que les légiflateurs de la littérature latine & françoife ont ofé tracer des regles aux poëtes leurs confreres; c'eft à vingt ans, & dans la premiere chaleur d'un génie prématuré, que le poëte anglois effaya d'établir des principes pour bien juger des ouvrages de goût. Prefque tous fes préceptes font puifés dans Horace; mais le jeune Ariftarque les a préfentés avec des ornemens dont ils ne paroiffoient pas fufceptibles. On ne peut qu'admirer les beautés qu'il a fu tirer d'un sujet ingrat & moins propre encore à la poéfie que celui de Boileau. On trouve dans l'Effai fur la critique beaucoup de fineffe & de vivacité, un ftyle nerveux, correct, élégant, L'auteur fou vent diffus dans les penfées, eft toujours précis dans l'expreffion. Mais il ne faut point comparer cet ouvrage à l'Art poétique de Boileau, qui lui eft très-fupérieur. Il y a dans Pope plus de traits ingénieux, plus de faillies, de légéreté & d'imagination; Boileau eft plus grave, plus folide, plus profond; il a bien plus d'or dre, de clarté, de précision dans les idées; feş

principes font d'une utilité plus générale : fon ftyle fur-tout eft plus naturel, plus éloquent, plus riche & plus poétique. Les deux chants où il explique la nature & les regles des différens genres de poéfie, valent mieux feuls que tout l'ouvrage de Pope. L'Efai fur la critique étincelle d'efprit; l'Art poétique porte l'empreinte du génie.

La verfion que l'abbé du Refnel nous a donnée de l'Essai fur la critique eft pure & correcte; mais fouvent auffi foible qu'infidelle. Il eft fort éloigné de la précision & de l'énergie de fon auteur, & fa diction eft en général, trop profaïque, quoiqu'on y remarque plufieurs morceaux qui ont du mérite.

La Boucle de cheveux enlevée, traduite en profe par l'abbé des Fontaines, & en vers par M. Marmontel.

Nous n'ajouterons rien à ce que nous avons déja dit de cet ouvrage. (*) Il refulte, de l'examen que nous en avons fait, qu'on ne doit point le mettre en parallele avec le Lutrin, & qu'il eft même inférieur au Ververt pour la juf teffe des idées, le bon goût des ornemens & la régularité du deffin. On cite une lettre dè M. de Voltaire, où il met la Boucle de cheveux au-deffus du Lutrin, & prodigue les plus grands éloges au poëme anglois. En refpectant, comme on le doit, l'autorité de ce grand hom

(*) Voyez l'Esprit des journaux pour le mois de i 1778, page 36--58.

me, on peut répondre qu'il vivoit alors en Angleterre, qu'il voyoit Pope; que l'on peut fort bien dans une lettre mettre de la politeffe & de la complaifance plutôt qu'un jugement exact & réfléchi; qu'enfin dans les lettres fur les Anglois, il ne donna pas le moindre éloge à cet ouvrage, & réserva toutes fes louanges pour l'Effai fur l'homme, dont il a toujours fair le plus grand cas.

Le Temple de la Renommée, traduit en prose, avec une imitation en vers, par madame du Bocage.

Les ingénieuses fictions dont Ovide a égayé fes métamorphofes, les belles descriptions qu'il fait du féjour de l'envie, du fommeil, de la faim, de la renommée, ont donné aux poëtes modernes l'idée de ces brillantes allégories qui font le triomphe de l'imagination. Les Anglois, amis du merveilleux, goûtent beaucoup les allégories, & leurs auteurs en font remplis. On reproche avec raison au poëme de Pope un plan irrégulier, des idées plus hardies que juftes, & plufieurs fautes contre la vraifemblance. Mais comparé aux extravagantes fictions qui fouvent ont fait les délices de la nation angloife, le Temple de la Renommée est un chef-d'oeuvre de fageffe & de régularité. Ce poëme eft terminé par une tirade noble & fublime. Le poëte, après avoir déclaré que malgré les maux attachés à la re nommée, il n'eft pas infenfible à fes faveurs: « » Toutefois, s'écrie-t-il, fi je ne puis méri

ter fes careffes & l'avantage d'en jouir qu'en » flattant lâchement la fatuité & l'impertinen

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