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article. Mais le Gouvernement français a voulu qu'il ne restât aucun doute à cet égard: aussi dans la ratification, en approuvant le retranchement du deuxième article, a-t-il ajouté ces mots: Bien entendu que, par ce retranchement, les deux Etats renoncent aux prétentions respectives qui sont l'objet de cet article.

Cette renonciation respective à la faculté que chacune des parties contractantes s'était réservée dans le second article, écarte à jamais tout sujet de mésintelligence entre les deux États. Sans cela il aurait fallu, lors d'une nouvelle négociation, rappeler les anciens sujets de querelles, réveiller des souvenirs qu'il est convenable d'écarter, à lépoque où les rênes du Gouvernement américain se trouvent dans les mains d'un homme aussi connu du monde par sa probité et ses prin→ cipes de modération, que par ses lumières et son attachement à la liberté ; à l'époque où tout semble garantir aux deux nations la durée de leur bonne intelligence, et où des circonstances particulières la leur rendent plus précieuse encore par les avantages qu'elles peuvent en tirer..

Dans les stipulations relatives à la manière dont les citoyens d'une des nations seront traités sur le territoire de l'autre, vous voyez qu'ils ont la faculté de disposer par testament et autrement des

biens possédés sur le territoire de cet État; que les intérêts des familles sont respectés.

Quelques personnes, en rendant hommage aux principes qui ont dicté cet article, ont été surprises de n'y rien trouver de relatif à la protection que chaque État doit à la personne des citoyens de l'autre. Une pareille clause eût été inutile et superflue. Les États libres savent ce qu'on doit aux hommes, et n'ont pas besoin de réclamer, pour leurs citoyens respectifs, ces égards dont l'hospitalité ne se dispense jamais envers un étranger, qui a d'autant plus besoin de la protection du Gouvernement, qu'il s'est environné ni des soins de l'amitié, ni de l'affection de ses parens. Mais vous remarquerez avec plaisir l'article 8, qui porte que si la guerre éclate entre les deux nations, les marchands, citoyens, et autres habitans respectifs, auront six mois, après la déclaration de guerre, pour sortir du territoire ennemi, vendre ce qu'ils y possèdent, et qu'ils y seront efficacement protégés. Cette stipulation, digne du siècle où nous vivons, établit, d'une manière tranchante, la différence qui existe entre les nations civilisées et les peuples barbares, qui, une fois que la guerre les appelle dans les camps, ferment l'oreille à la voix de l'humanité, de la justice, et font tomber sur la tête d'un malheureux, sans force et sans

défense, tout le poids d'une vengeance dont il ne peut être l'objet, ou, sous le prétexte de querelles nationales, rompent des engagemens qu'une confiance mutuelle avait fait contracter, et qui étaient sous la sauve-garde de la probité individuelle.

Après vous avoir parlé de la manière dont les deux États avaient stipulé en faveur des intérêts de leurs citoyens, nous allons voir comment ils ont réglé leur navigation pendant la paix.

Je ne vous arrêterai pas sur l'article relatif au passe-port et aux certificats dont tout bâtiment doit être pourvu. Par cet article, on a établi la manière dont la propriété du bâtiment et celle de la cargaison pouvaient être constatées ; mais aussi on a voulu que ce passe-port, ce certificat fussent les seules pièces qu'on pût exiger. On s'est rappelé, en rédigeant cet article, des tems malheureux où les neutres, traînés dans nos ports, obligés de rapporter une foule de pièces exigées par des réglemens sans nombre, privés souvent de ces mêmes pièces par la perfidie des corsaires, se trouvaient à la merci d'hommes avides qui les regardaient comme ennemis, parce qu'ils étaient faibles.

Il serait inutile, je pense, d'insister sur l'article où il est stipulé que les citoyens français ne paieront point d'autres droits, d'autres impôts que ceux que paient les Nations le plus favorisées, et

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qu'ils jouiront des mêmes privilèges que ces Nations. Cette clause est favorable à notre commerce; car de long-tems l'Amérique n'aura de manufactures; elle offre un vaste marché à celles d'Europe; et si notre industrie arrive au point de développement dont elle est susceptible; si elle sait se plier au goût de l'Amérique pour une infinité d'objets que nous pouvons lui fournir, nous par viendrons à partager les bénéfices que son com merce offre à quelques nations européennes. Ne pas payer d'autres droits que les nations les plus favorisées, voilà ce que raisonnablement nous pou vions demander à l'Amérique : en exiger d'avantage, ç'eût été l'empêcher de profiter de la con

currence.

Nous arrivons maintenant à la partie la plus importante du traité, aux articles qui déterminent les relations des deux nations, lorsque l'une est en paix, et l'autre se trouve en guerre. L'article 12 accorde aux citoyens de l'État neutre la faculté de conduire leurs vaisseaux et marchandises, excepté la contrebande, de tout port quelconque dans un port ennemi; d'aller d'un port ennemi dans un port de la puissance belligérante, des ports neutres dans les ports et places appartenant à l'ennemi; à moins que ces ports ne soient réellement bloqués, assiégés ou investis.

Cette stipulation est parfaitement d'accord avec les droits des puissances neutres; car les puissances belligérantes ne peuvent s'appuyer d'aucun titre pour empêcher les neutres d'exercer leur industrie, pour les forcer à restreindre leur commerce, pour les associer à leurs querelles, et leur faire partager les malheurs de la guerre.

Nous ne pouvons, en même-tems, nous empêcher d'approuver la restriction apportée au commerce des neutres avec les places réellement investies, assiégées ou bloquées. En effet, la puissance qui assiégerait une place, agirait contre ses propres intérêts, si elle permettait à un neutre de porter à l'ennemi des munitions de guerre ou de bouche, qui lui donneraient les moyens de prolonger sa résistance. Il était également juste de stipuler que le bâtiment neutre qui aurait voulu pénétrer dans un port bloqué, après avoir été averti qu'il ne pouvait y entrer, fût saisi dans le cas même où il ne serait pas chargé de contrebande de guerre, parce qu'il serait sorti alors des devoirs de la neutralité, en manifestant l'inten tion de porter des secours à l'une des parties belligérantes. Mais il appartenait à la loyauté du Gouvernement français d'attacher au mot bloqué son véritable sens. Dans ces derniers tems, on a avancé sur le blocus une theorie si extraordinaire,

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