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joua les projets du ministère américain, qui nous aurait déclaré la guerre, s'il n'avait eu que sa volonté à consulter. Mais en effectuant le premier une rupture qu'il desirait, il aurait craint de ne pouvoir rallier tout le peuple autour de lui; pour éviter ce danger, il sentit la nécessité de vaincre la répugnance que les Américains ont pour la guerre, et d'imposer silence aux sentimens qui Leur auraient fait prendre à regret les armes contre nous. C'est dans cette vue que, par des mesures hostiles, il provoquait de notre part une décla→ ration de guerre, qui mettant l'aggression de notre côté, n'aurait laissé à aucun Américain la possi→ bilité de s'isoler de son Gouvernement.

Quoique le Gouvernement français se refusât à faire la guerre à l'Amérique, rien n'annonçait qu'elle fût disposée à discontinuer ses actes d'hostilités, quand tout-à-coup le président des ÉtatsUnis, craignant de se trouver entraîné trop loin, se détermine à envoyer trois ministres en France, aussitôt qu'il est informé qu'on les y recevra avec les égards dus à leur caractère.

Tel était l'état des choses, lorsque les Consuls furent appelés à gouverner la République. Les amis de l'humanité ne doutèrent pas que le nouveau Gouvernement ne s'empressat d'accueillir les propositions de l'Amérique, et ne commençât

le grand œuvre de la pacification générale, en rétablissant la bonne harmonie entre deux nations qui n'auraient jamais dû être divisées.

Cet espoir ne fut pas trahi, et la République recueillit bientôt le fruit de la sagesse et de la modération de son Gouvernement. Un traité fut conclu avec l'Amérique ; il est aujourd'hui soumis à votre délibération.

Pour le juger d'une manière convenable, il faut oublier un instant que la paix générale est faite, et que nous sommes entourés de nations amies ; nous devons nous reporter vers l'époque à laquelle il a été conclu, et nous rappeler que le continent n'était pas pacifié, que Malte était déjà tombée au pouvoir de l'ennemi, que l'Égypte était menacée, que la Russie n'avait pas séparé ses drapeaux de ceux des ennemis de la France, et que les puissances du Nord ne s'étaient pas encore rapprochées de nous.

Fallait-il, dans ces circonstances, ne rien négliger pour rétablir la bonne harmonie entre la République et les États-Unis, ou pousser presque malgré elle, au rang de nos ennemis, une nation dont l'amitié devait nous devenir utile pour nos relations commerciales? Cette question n'est pas difficile à résoudre; mais en la décidant, on prononce sur le mérite du traité.

Il ne s'agit plus que de savoir si le Gouvernement, en s'acquittant d'une obligation que lui imposait le bien de l'État, n'a pas fait aux ÉtatsUnis des concessions que désavouerait l'intérêt national. Vous allez, je pense, Tribuns, être convaincus du contraire, lorsque j'aurai fixé votre attention sur les diverses parties de la convention conclue entre la République et les États-Unis.

La convention conclue entre la République et les États-Unis, renferme des dispositions relatives, 1. A l'abolition des traités de 1778, et aux indemnités réclamées par les américains;

2o. A la protection dont les citoyens d'un des États doivent jouir sur le territoire de l'autre, aux droits de propriété qu'ils peuvent y exercer;

5. A la manière dont la navigation des deux puissances se trouve réglée, soit pendant la paix, soit pendant la guerre que l'une des deux a à soutenir;

4. A la conduite que l'une des puissances, quand l'autre sera en état de guerre, tiendra à l'égard des bâtimens armés de cette puissance belligérante, et de ceux de ses ennemis ;

5°. A l'établissement des agens commerciaux, et à la manière dont ils doivent être respectivement traités.

Je vais successivement examiner ces dispositions. Je vous ai déjà dit, Tribuns, que les ÉtatsUnis avaient déclaré la convention consulaire, et les traités de 1778 comme nuls et non avenus et se croyaient dégagés des obligations qu'ils leur imposaient. Le Gouvernement de la République, malgré cet acte du Congrès, ne regardait pas les traités comme annullés, pensant qu'un traité ne peut être aboli que par le consentement mutuel des deux parties contractantes, ou par une déclaration de guerre. Mais, d'une part, la France n'avait pas accédé à la dissolution des traités; de l'autre, il n'y avait pas eu de déclaration de guerre. Qu'on ne regarde pas comme une déclaration de guerre les commissions délivrées par le président, pour courir sur les bâtimens armés de la France: la volonté du président ne suffit pas pour mettre l'Amérique en état de guerre; il faut une déclaration positive du Congrès à cet égard. Jamais il n'en a existé. La République était done fondée à réclamer la jouissance des stipulations comprises dans ses anciens traités, et des indemnités pour la non-exécution de ces stipulations. De leur côté, les États-Unis réclamaient des indemnités, pour les prises faites sur leur commerce: mais liés par l'acte du Congrès du 7 juillet, ils ne croyaient pas pouvoir traiter d'après

1 s bases présentées par le Gouvernement français, et les ministres des deux puissances, dans l'impossibilité de résoudre une difficulté qui les arrêtait, se déterminèrent à s'ajourner. Tel fut d'abord l'objet de l'article 2 de la convention. Cependant, lorsque le sénat des États-Unis examina la convention du 8 vendémiaire an ix, il l'approuva avec le retranchement de l'article 2 et le président la ratifia avec la même modification.

Il suivait nécessairement de-là que les Américains, en ne nous reconnaissant pas le droit de faire valoir de nouveau nos anciens traités, s'interdisaient aussi la faculté de réclamer des indemnités; car c'était en vertu du traité que nous voulions faire revivre, qu'ils pouvaient réclamer ces indemnités. D'après cela, si on regardait comme existans les traités de 1778, il était clair que nous devions des indemnités aux Américains pour les prises faites sur eux, en violation des stipulations relatives à la franchise du pavillon; tandis que si on considérait ces traités comme abolis, nous ne pouvions admettre les réclamations des Américains, puisqu'ils ne pouvoient les appuyer d'aucun titre.

Telles étaient les conclusions qui dérivaient naturellement de la suppression du deuxième

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