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gique opposition du Dauphin, dont l'armée brùlait d'en venir aux mains, malgré la faiblesse des Impériaux, malgré les hésitations du roi, la duchesse d'Etampes, ne craignant pas de sacrifier la gloire de la France à ses intérêts personnels, eut la satisfaction de voir ses efforts couronnés de succès.

Elle fit comprendre au roi que c'était une grande imprudence que de hasarder la couronne à la chance douteuse d'un combat; elle lui rappela comme exemple les malheureuses journées de Crécy, de Poitiers.

Et, à sa grande joie et à la honte de la France, la paix fut signée à Crépy le 18 septembre 1544.

Cette paix, tout à l'avantage des Espagnols, excita partout les plus vifs mécontentements; le Dauphin signa un acte de protestation formelle contre ce traité, le 12 décembre à Fontainebleau (1).

Une semblable protestation fut faite

par les gens du roi du parlement de Toulouse, le 25 janvier 1545 (2). >

La haineuse favorite était victorieuse.

Pour récompenser le zèle et le beau succès du plénipotentiaire le moine de la paix », comme l'appelle Brantôme (3), la duchesse d'Etampes le fit nommer par François Ier abbé titulaire de Longpont, poste qu'il occupa la même année 1544.

Il succéda dans cette abbaye au célèbre cardinal Jean du Bellay.

Aussitôt après la conclusion du traité, l'empereur prit la route de «ses Pays-Bas » ses Pays-Bas » en passant par le petit bourg de Crépy-en-Laonnois.

(1) DUMONT, Corps diplomatique, IV, part. II, p. 288, col. 2.

(2) DUMONT, Corps diplomatique, p. 289, col. 1.

(3)

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L'empereur songeant à tout par soi... par bonne ruse, suscita un moine qu'on appela depuis moine de la paix, qui fit la bonne paix. » BRANTOME, I., p. 319, Eloge de Montpezat.

Là, il reçut la visite du duc d'Orléans, frère du Dauphin, qui vint lui adresser ses féliciations.

II.

Le passage de l'empereur à Crépy-en-Laonnois en retournant dans les Pays-Bas, a été cause d'une singulière méprise de la part d'un grand nombre d'historiens.

Ces derniers ont cru que c'était dans ce petit bourg de Crépy-en-Laonnois qu'avait été signé le traité de paix.

Maintenant que nous avons établi le plus brièvement possible les préliminaires de la paix, la position des armées et les diverses circonstances qui ont amené la conclusion du traité, nous allons chercher à rectifier cette erreur historique et nous allons mettre tous nos soins à le faire d'une manière concluante.

La plupart des historiens généraux disent que la paix a été signée à Crépy-en-Laonnois. Voyez notamment: BLANCHARD, Compilation, p. 388. MEZERAI, Abrégé de l'Histoire de France, v., p. 533. — GARNIER, Histoire de France, xxv., p. 453. - Henri MARTIN, 4° édit., VIII., p. 305.

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Les auteurs d'histoire locale affirment au contraire, avec raison, que Crépy-en-Valois fut la ville où avait été conclu le traité. Voyez: MULDRAC, Valois Royal, p. 399. CARLIER, Histoire du Valois, II., liv. vi., p. 589. Ant. POILEUX, Duché de Valois, p. 397. Ajoutez aussi l'auteur d'une Histoire de Paris, imprimée chez Giffard, au commencement du XVIIIe siècle, en 5 volumes in-12, p. 255. DU RADIER, Histoire des Reines et Régentes de France, Anne de Pisseleu, IV., p. 324. DULAURE, Environs de Paris, Crépy

en-Valois.

Abel HUGO, France pittoresque, II.

ANQUETIL, Histoire de France, XIII.

DE THOU dit Crépy seulement, mais ses traducteurs. ont ajouté à la table: Crépy-en-Valois.

Ph. LEBAS, Univers pittoresque, au mot Paix de Crépy, dit Crépy-en-Laonnois, et au mot François Ier dit Crépy-en-Valois

Voltaire lui-même mentionne Crépy-en-Valois.

Toutes ces autorités, dont quelques-unes sont cependant assez importantes, ne prouveraient rien si nous n'avions autre chose pour soutenir la discussion.

Heureusement, les faits, les dates et les documents. authentiques sont en notre faveur.

La position géographique des armées, au moment de la signature du traité, est presque décisive.

L'armée française, comme nous l'avons vu, occupait les environs de Meaux; elle s'étendait dans le Parisis, la Brie et le Servais, jusqu'à Senlis, c'est-àdire à quelques lieues à l'est au sud de Crépy, la capitale du Valois.

Les troupes espagnoles, dont le quartier-général était à Soissons, couvraient le Soissonnais et une partie du Valois jusqu'à Villers-Cotterêts, à quelques lieues au nord-est de la même ville de Crépy-en-Valois.

« Les choses étant ainsi, dit Carlier (1), pourquoi aller chercher pour rendez-vous un bourg du Laonnois, situé à 9 lieues derrière Soissons relativement à la position de François Ier, plutôt que de choisir un poste qui n'était occupé de personne, une ville qui fait la juste séparation des deux corps d'armées? >

Un illustre historien que nous avons consulté sur cette question, M. Mignet, membre de l'Académie

(1) Histoire du Valois, 11, liv. vи, p. 579.

française, nous a donné comme venant à l'appui des observations de Carlier le témoignage de François Ier lui-même.

<< François Ier, nous écrit M. Mignet, François Ier traitant vers le même temps de la paix avec le roi d'Angleterre Henri VIII, donne au cardinal du Bellay, au maréchal de Riez, à Pierre Remond, premier président du parlement de Rouen, et au secrétaire des finances, Claude de l'Aubespine, des instructions dans lesquelles il dit personnellement : « et sur ce point « feront bien entendre audit sieur roy d'Angleterre, << que jamais le roy n'a voulu consentir que ses députez allassent au camp de l'empereur pour traiter, << afin qu'il n'eut aucun advantage; mais que les de< putez d'une part et d'autre viendroient entre les « deux armées avec sauf conduit de chaque costé...» (Voyez RIBIER, Lettres et Mémoires d'Estat, etc., I., p 575.)

Voilà, selon nous, un argument irréfutable.

Ajoutons que tout, même les plus petits détails, concorde sur ce point et nous donne entièrement raison. Les écrivains du temps, dira-t-on, ne parlent pas de Crépy-en-Valois.

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D'accord, mais ils ne disent pas non plus Crépyen-Laonnois ils s'accordent à désigner seulement Crépy.

Or, à notre avis, le défaut de qualification indique nécessairement la ville la plus forte et la plus connue. Eh bien! Crépy, résidence royale, capitale du duché de Valois, appelée par Monstrelet « la maîtresse ville de tout le pays »; Crépy qui, lors du siége qu'elle a soutenu en 1431 contre les Anglais, contenait 18,000 habitants, était beaucoup plus connue alors que le village obscur de Crépy en-Laonnois.

« L'importance bien plus grande de Crépy-en-Valois, dit encore M. Mignet, dont l'opinion est d'un si

grand poids, - rendait possible la réunion des personnages considérables désignés de part et d'autre pour négocier la paix. Le défaut de qualification du lieu est en faveur de la ville du Valois contre le bourg du Laonnois. Or, dans les historiens du XVIe siècle et dans les pièces authentiques du temps, on ne trouve jamais que Crépy. Cette simple désignation est dans Sandoval comme dans de Thou. Sandoval, généralement fort exact, donne en substance les articles du traité qui fut conclu, dit-il, « en Crespiu. » Parlant ensuite, ce qui est à noter, de la rencontre du duc d'Orléans et de Charles-Quint quelques jours après la conclusion du traité, lorsque l'empereur retournait de Soissons dans les Pays-Bas, en traversant Crépy-enLaonnois, Sandoval ajoute : « Jueves en la tarde es« tando en un lugar que se clama Crepiu (Crépy-en« Laonnois) vino el duque de Orléans à besar la mano << al imperador y salió su magestad a recibirlo con << mucha alegria.» Cette entrevue à Crépy-en-Laonnois, sur les derrières de l'armée impériale, après le traité et sans qu'il soit fait la moindre allusion à Crépy-enLaonnois comme étant le lieu où il a été signé, est racontée dans une lettre curieuse de Villefrancon, frère aîné de Gaspard de Tavannes, qui y était présent : et fut mandé M. d'Orléans pour venir trouver « l'empereur audict Soissons, et partit ledict seigneur << de Paris en poste et me manda au camp que je l'allasse trouver à Villiers-Couterests...., et le lundy en « poste nous vinsmes disner audict Soissons et en es. << toit délogé l'empereur et estoit à Nicy (Anizy-le« Château). Passames nos chevaux de poste fort las et << vinsmes audit Nicy où le vice-roi nous vint au« devant avec un roy d'armes et environ vingt et • cinq chevaux, et dit à Monsieur que l'empereur étoit « délogé et qu'il alloit coucher à Crespy en Lannois, « à trois lieues de là..... A nostre arrivée à Crespy,

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