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Olmensis serait Omey (Omé) en Champagne, à quelques lieux de Châlons, au Sud-Est, sur la rive droite de la Marne, vers l'extrémité Nord du Pertois. Pour justifier le titre de chef-lieu du pagus donné à Omey, il s'efforce de jeter quelque lustre sur cette localité sans importance et qui n'offre aucun souvenir de ces temps éloignés. Il y eût à Omey un prieuré de l'ordre de SaintBenoit, désigné dans un pouillé de l'Eglise de Châlons, de 1405, sous les noms latins de Otmeyo, de Otmay, de Ulmeto, de Ormeio. Le Velciana ou Velcianas du diplôme de 980, serait, « avec la plus grande probabilité, le village de Vauciennes ou Vouciennes, vis-àvis Omey, sur la rive gauche de la Marne et sur le bord d'un cours d'eau occupant presque le même lit, < qui représenterait parfaitement Vetus Materna; › Vedenacus serait Vanney ou Vanault (le Vanneyum ou Vanodium des pouillés). M. Desnoyers termine son exposition en disant qu'il pourrait trouver d'autres analogies, mais que celles-là lui paraissent suffire (1). Disons tout d'abord qu'on ne trouve en ces quartiers aucun lieu correspondant aux autres localités placées dans le pagus Otmensis, telles que Novientum, et Vincella, par les monuments précités.

Cette opinion peut d'ailleurs être combattue par les raisons suivantes : Au Ixe siècle les archidiaconnés ne faisaient que de naître; il n'est donc pas étonnant qu'un pagus, qui disparut peu de temps après cette époque, n'ait pas été indiqué comme une dépendance de l'archidiaconné de Brie, qui n'existait peut-être pas. Aucun des pagi cités dans les capitulaires ne porte l'attache à un archidiaconné quelconque. Quand il est question alors d'archidiacre, c'est toujours du seul archidiacre de tout le diocèse qu'il s'agit, archidiaconus. Lorsque, pendant la deuxième moitié du vi° siè

(1) Ibid.

cle, Droctégisile, évêque de Soissons, est attaqué d'accès de folie, c'est aux maléfices de l'archidiacre, qu'il avait destitué, qu'on attribua son mal (per emissionem archidiaconi, quem ab honore repulerat). C'est dans le même sens que l'on doit entendre ces mots du privilége accordé par S. Drausin à Notre-Dame de Soissons en 666 Nos, vel archidiaconus, etc. (1).

Il ne nous reste plus qu'à examiner la correspondance que M. Desnoyers trouve entre les localités placées en Otmois et qu'il rencontre dans le pays d'Othe. Non seulement Omey est, selon M. Houzé, le nom d'une localité dont l'église paraît dans les pouillés châlonnais sous le nom de ecclesia de Omeiro ou Omero, mais, de plus, ce lieu n'a jamais possédé de prieuré. Celui qu'on lui attribue, de la dépendance de Saint-Bénigne de Dijon, était, non à Omey, mais à Ulmoy, hameau de Heiltz-le-Maurupt, sur la Chée (Prioratus de Ulmeio ad moniales sancti Benigni Divionis) (2). Venderas ne peut non plus être représenté par Vanault-le-Chatel qui, au viie siècle, et non au xe, s'appelait Vasnao et était situé dans le pagus Stadonensis. Quant à Velcianas, il pourrait être aussi bien à Vauciennes, près de Damery, qu'à Vouciennes sur l'Isson, puisque tous deux sont à peu de distance de la Marne. Disons plus : M. Desnoyers ne regarde la désignation de Velcenias sur la Vieille-Marne qu'il croit être l'Isson, comme décisive en faveur du sentiment qui place l'Otmois près de Châlons, que parce qu'il ne connaissait pas le texte que nous avons cité, lequel indique la Vieille-Marne, près de Boursault. L'Isson suit en effet la vallée de la Marne depuis les environs de Vitry, où il prend sa source aux étangs du Village d'Isson, et court jusque

(1) Voyez nos Annales du diocèse de Soissons, t. 1".
(2) Ed. de Barthélemy, Diocèse de Châlons-sur-Marne.

vers Châlons, mais il forme un véritable ruisseau qui ne peut être l'ancien lit de la Marne.

Nous croyons avoir suffisamment établi la thèse en faveur de l'attribution de l'Otmensis à la cité de Soissons et avoir réfuté d'une manière assez péremptoire les objections apportées pour la combattre. Cette question du reste ne paraît plus faire aujourd'hui l'objet d'aucun doute parmi ceux qui s'occupent de géographie historique.

V

PAGUS BAGENSONISUS

LE BAINSONOIS.

L'Otmois et le Bainsonois, qui, selon quelques-uns, ne formèrent primitivement qu'un même pagus, sont désignés séparément dans les missies et furent par conséquent deux circonscriptions administratives. En effet, si, d'un côté, Wulfaire, on vient de le voir, a été nommé missus in pagis Catalaunensi, Otmmsi et Laudunensi, etc, d'un autre côté le missaticum de 853 est donné dans l'ordre suivant : Catalaunicus, Virtudisus, Bagensonisus, Tarlinisus, etc, pagi qui se touchent. Aussi serait-il oiseux de rechercher par où passait le com missaire pour aller par exemple de l'Otmois dans le Laonnois, ou du Soissonnais dans l'Otmois. Il suffit que tous fussent accessibles à celui-ci. Wulfaire et ses collègues n'étaient sans doute pas tenus à des tournées continues, mais plutôt à une inspection générale et à des visites subordonnées aux circonstances. Quant à l'époque et pour quelles raisons les deux pagi enchevêtrés l'un dans l'autre furent séparés, c'est une

question insoluble ; dire qu'ils s'absorbère:.t réciproquement, ce n'est pas la faire avancer d'un pas.

Quoi qu'il en soit, préoccupés du rang où le pagus Bagensonisus est placé dans la missie du capitulaire de Kiersy de 853, où il apparaît pour la première fois, Adrien Valois et M. Houzé sont d'avis qu'il faudrait le mettre entre le Vertudisum et le Tardinisum, puisqu'il est nommé dans l'ordre suivant: Virtudiso, Bagensoniso, Tardiniso, argument qui tire surtout sa valeur du groupement des trois contrées ensemble. Le premier, toutefois, impressionné par le nom de Bagensonisus, prétend que celui-ci correspond à Bagansone, Bezance, sur la rive gauche de la Vesle, ce qui est tout à fait inadmissible (1). Le second, considérant que si ce pagus s'appelait Bagensonisus, il s'appelait aussi Bansoniensis et Bainsoniensis, qui ne sont que des variantes du même nom, dont la dernière surtout lui paraît fort caractéristique pour aider à trouver son emplacement, regarde comme certain qu'il avait pour origine étymologique et chef-lieu Bainson, sur la Marne.Ce lieu qui est représenté aujourd'hui par le Portà-Bainson et par la chapelle du prieuré de Bainson situés au-dessous de Châtillon, est le même que celui pour lequel Tilpin, archevêque de Reims, obtint de Charlemagne un précepte d'exemption de tonlieu sur le pont jeté sur la Marne en cet endroit (de ponte Besonensi) (1). Il en trouve la preuve dans le cartulaire de Saint-Etienne de Châlons, dont un diplôme du roi Charles, de 868, désigne comme étant de ce pagus un village dont on retrouve le nom dans sa circonscription: villa Balliolis in pago Bansionensi

(1) Adriani Vales. Not. Gall., p. 73. (2) Flod. Hist. Remensis. L. I. c. 7.

qui doit être Bailleux-sous-Chatillon (1). D. Noël lui attribue aussi Vernogilus, Verneuil-sur-Marne. La différence qui existe entre Bagensonisus et Bainsoniensis s'explique très-bien, ajoute M. Houzé, par l'usage de nos ancêtres de placer un g euphonique entre deux voyelles. Ainsi ils disaient Altoïlus ou Attogilus (la petite colline), Nantoïlus ou Nantogilus (la valette) Maroïlus ou Marogilus (la petite mare), et partant Bainsonisus et Bagensonisus (le pays de Bainson).

L'Otmois renfermait-il le Bainsonois dans les limites indiquées par D. Grenier et Guérard? On l'ignore. Le Bainsonois, qui dut comprendre surtout les doyennés de Dormans et de Chatillon, disparut au xe siècle, comme l'Otmois, avec son chef-lieu. Bainson ayant été ruiné par les guerres de cette époque si agitée, Chatillon (Castellio) devint, vers 940, la forteresse et le lieu dominant de la contrée, sous les puissants seigneurs qui l'avaient fondé et qui en rendirent le nom célèbre. Le Bainsonois et l'Otmois étaient mis en communication avec Soissons par l'ancien chemin qui a été signalé à propos du Tardenois et qui venant de cette ville, aboutit encore aujourd'hui au Port-à-Bainson où l'on passe la Marne. Des monnaies gauloises et mérovingiennes frappées à Bainson et à Vendières ont fait croire à l'existence en ces lieux d'ateliers monétaires (2).

LA GALLEVEÈSE.

Cependant l'emplacement que nous donnons à l'Otmois et au Bainsonois sur la rive gauche de la Marne,

(1) E. de Barthélemy, Diocèse de Chalons, t. 1, p. 349. Le diplome de 868 est relatif à un échange qu'Erchanrade, évêque de Chalons, fit à Baslieux sous-Châtillon. Le prélat cédait à un nommé Gotbert villam quæ dicitur Balliolis in pago Bansionense.» (Cartul. de l'Eglise de Châlons, f 23, archiv. de la Marne, cité par D. Noël dans sa Notice sur Chatillon.

(2) D. Noël, Notice historique sur le canton de Dormans (1877).

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