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où il y a beaucoup de sources, de ruisseaux et d'étangs, ce qui convient parfaitement à Nanteuil et à ces localités qui l'environnent. Cette ville aurait même été le chef-lieu de la forêt de Brie comprenant les deux Morins dans son étendue.

Ce sont là, ce nous semble, de ces erreurs telles qu'il en échappe à des hommes judicieux, et qui, d'après ce que nous venons de dire, n'ont pas besoin de réfutation. Répétons et maintenons seulement que Brie vient de l'aspect général d'un vaste pays que couvraient des massifs boisés très considérables dont les défrichements, en les découpant de plus en plus, ont mis à nû des terres fortes et marécageuses sur lesquelles se créèrent divers pagi et se formèrent par envahissement les cités et diocèses qu'on vient de nommer.

On a remarqué, non sans raison, que les forêts primitives de la Brie se désignaient le plus souvent en latin sous le nom caractéristique de saltus qui veut dire bois espacés, bois présentant de nombreuses solutions de continuité et non sous celui de silva qui signifie une masse compacte et étendue telles que les Ardennes, les forêts de Cuise et de Retz. Dans la vie de S. Ouen, c'est sous le nom de Brigiensis silva qu'est désignée la forêt de Brie.

Une foule de localités, sur quelque point de la Brie que l'on jette les yeux, portent ce nom comme indication de leur situation géographique dans ce pays: Castra in Bria on Castra briegensi, Chartres-en-Brie (diocèse de Paris, archidiaconné de Brie) (1), Roissy-en Brie, Sucy ou Sou sy-en Brie. Lagny-en-Brie Latiniacum quæ sila est in Brieiro), près de Meaux; Spinoleum 22 Brigio (Epinay-en-Brie), Vigneux (de vinca) en Brie, sur la Seine. Dans la Brie, qu'on appellerait soissonnaise et qui peuvent, comme les localités précéden

(1) Notitia Gall., p. 402.

tes, aider à fixer les limites du pagus naturel, nous trouvons les suivantes : Baulne-en-Brie, Condé-enBrie, Celles en-Brie, la Chapelle-Monthodon ou en Brie (1225), Monlevon-en-Brie (1274), Pargny-enBrie, Pavant-en-Brie, Saint-Agnan-en-Brie (Sanctus Anianus in pago Briacensi) (1110) (1), Rosoy-en-Brie (Rosiacum in Bria), Rosoy-Bellevalle ou en-Brie (1386), Rosoy Gasteblé, Fossoy-en-Brie, Priez-en-Brie (2).

Ce n'est qu'au vr siècle que l'on commence à faire mention du saltus Briegius et plus tard encore, lorsque ces bois se défrichent, qu'apparaît le pagus Brigensisou Bregius. Jonas, dans la vie des saints Colomban et Eustase nomme le Brigensem saltum, et le saltum pagum que Bregium, distinguant déjà le pagus des bois de la Brie, de même qu'on distingua le saltus et le pagus Perticus (le Perche) (3); et le chroniqueur Aymoin, à propos de la fondation de Rebais par S. Ouen, s'exprime ainsi : « Porro B. Audvenus fabricavit monasterium intra Brigensem saltum quod Hierusalem ab eo quidem est nominatum, sed nunc à fluviolo super quem est situm Resbace dicitur cœnobium » (4).

Le vénérable Bède parle au contraire de la Brie en indiquant que le monastère que sainte Fare édifia à Eboracum ou Evoriaca, y était situé en un lieu qui dicitur Brige (5). Dans le testament de cette sainte fondatrice de Faremontier, on nomme un moulin situé en Brie farinarium situm in Briegio super fluviolum Alba (6). Les Gesta Dagoberti nomment aussi la Brie,

(1) ex Cartul. de Fosseux, p. 417.

(2) Cartul. S. Johan. in Vineis.

(3) Cette dénomination de Priez indiquerait que la Brie s'étendait au

Nord de la Marne.

(4) Adriani Vales. Notit. Gall

(5) Vener. Beda, lib. 3, c. 8.

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(6) Pardessus ubi supra, t. 2, p. 32.

Brieum (1), appelée ailleurs Bria (2). Enfin c'est le plus souvent Briegius pagus (775) (3) pagus Breensis 855) 4) Brigensis pagus, pagus Briacensis, Briensis pagus dans les chartes de Saint-Jean-des-Vignes, et dansla Vie de Louis-le-Gros, par Suger (5).

La Brie, comme le Perche, se divisa en divers pagi que se partagèrent plusieurs cités et diocèses, en tout ou en partie, Sens, Troyes, Meaux, Paris et Soissons, et dans la suite en Haute-Brie ou Brie française, en Basse-Brie, et en Brie Galleuse ou Pouilleuse par corruption de Gallevèse. Les seuls pagi de la Brie qui rentrent dans le cadre de cette étude, comme ayant fait partie, au moins primitivement, de la cité des Suessions étant le pagus Meldensis et les pagi Otmensis et Bagensonisus auxquels, selon toute apparence, succéda la Gallevèse, ce sera aussi de ceux-là seulement que nous nous occuperons. Leurs frontières septentrionales seront celles de la Brie elle-même du coté du Valois, de l'Orceois et du Tardenois. Le diocèse de Soissons eut, comme Paris et Meaux, son archidiaconné de Brie, qui prenait à peu près le quart de sa surface et se composait des doyennés primitifs d'Orbais, de Chatillon, de Chézy-l'Abbaye et de Château-Thierry. En 1762 l'évêque François de Fitz-James créa le doyenné de Dormans, démembré de Châtillon, et celui de Montmirail, démembré de Chézy. Ces subdivisions ecclésiastiques représentent bien la Brie soissonnaise dans sa plus grande extension.

(1) Gall. Christ. t. 8, Instrum.

(2) Histor. de France, t. 2, p. 394.

(3) Ex Gestis Ambascensium dominorum Histor. de France, t. 10, p. 239) Orderic Vital (Ibid, t. 2, p. 247).

(2) Mabillon De re Diplom. p. 497.

) Cartul. S. Crispini Magni Voyez le Dict. topog. de M. Matton.

IV

LE PAGUS OTMENSIS,

L'OTMOIS.

L'existence du pagus Otmensis, qui n'a laissé que peu de traces, n'est pas contestable, mais sa position géographique a donné lieu à d'intéressantes controverses parmi les savants. Adrien Valois n'en fait pas mention; Guérard le cite comme pagus et comitatus dans son Essai sur les divisions territoriales de la Gaule, et l'attribue à la cité de Soissons, sans autre désignation. Ailleurs, dans sa Liste des pagi de France (1), il change d'opinion et le décrit en ces termes Otmensis pagus, peut-être le pays d'Otte Champagne, Vincelles, canton de Dormans (Marne). » M. Desnoyers, héritant des hésitations de son érudit collègue, après avoir soutenu une sorte de thèse en faveur de l'attribution de l'Otmois à la cité de Soissons, la renverse et se prononce pour le pays d'Othe dans celle de Châlons-sur-Marne; du moins regardet-il cette opinion « comme beaucoup plus vraisemblable» (2). Notre rôle est donc tout tracé rétablir et même corroborer la thèse de M. Desnoyers et combattre les objections qu'il y oppose, pour lui conserver toute sa force et sa valeur. Commençons par la citation des textes concernant le pagus Olmensis:

Le plus ancien est celui de Flodoard où l'Otmensis figure dans une missie de Wulfaire, archevêque de Reims.

Nous lisons dans le Cartulaire de Saint-Martin de Tours qu'une donation fut faite à ce monastère par le

(1) Vita S. Bercharii, Mabillon, Vitæ SS. Ordin. bened. 2o sæcul. P. 851. (2) Mabillon ibid. t.3, p. 68, Annal. Ordin. bened.

comte Eudes

in pago Olmense, in villa Noviento, in vicaria Olmensi, villa Novientis cum capellis duabus » (1).

En 886, Héric, comte-abbé de Saint-Crépin-le-Grand de Soissons, faisait à cette abbaye la donation suivante confirmée plus tard par Charles-le-Simple : « In pago Suessionico, in fine villa Montiniaco mansa duo, in ipso pago vel (et) villa quæ vocatur Saviniacus mansum unum, in ipso pago et in villa Altafontana terra arabile..... et in alio pago, Olmensi, in villa quæ vocatur Vincella dimidium mansum,.. » (2).

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En 980, le comte de Vermandois et de Troyes, s'intitulant aussi Francorum comes, Héribert II, concéda à l'abbaye de Der (monasterium Sancti Petri Dervense) «alodium quod adjacet in villa cui Velcianas nomen est » (3).

On lit ce passage dans la vie de S. Berchaire: « Medietatem terre quam habemus Ulcenias » lequel rappelle la donation faite en ce lieu par Héribert-le-Vieux à l'abbé de Moutiers-en-Der (4). D'autres titres vont fixer la situation de Velcenias ou Ulcenias.

Dans un diplôme ainsi daté : « Actum Velcianis, villa publica» est signalé « in villa Velcianas nomine, in comitatu Otmínse, mansum unum cum appenditiis suis. » Et Lothaire confirmant, la même année, ce diplôme, ajoute dans le sien: « Adjacet vero alodium in pago Otminse, infra fines villæ quæ Velcianas dicitur.... infra fines illius aquæ decursum ubi Vetus Materna nominatur » (4).

En 988, un vassal, du nom d'Haderic, donnait, par le conseil d'Héribert III, comte de Vermandois, et de

(1) Héméré Augusta Veromanduorum, p. 34.

(2) Colliette; Mém. du Vermandois, t. Ier, pièces justific., ex Cartul. d'Homblières.

(3) Texte cité par A. Valois, p. 590.

L 1, col. 88, édit. de Migne.

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(4) Ann. hist. de la Mărne, de l'aisne, etc., p. 60 (année 1877).

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