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lesquels la Brie, c'est-à-dire l'Otmois et le Bainsonois avaient empiété. A l'Ouest, il paraît finir au pied du vaste plateau du Mont-de-Soissons au-delà de Jouaignes, du Mont-Notre-Dame et de Mareuil-enDaule, où il touchait au Suessionicus, et était séparé ensuite de l'Orcisus par les bois de Daule et de Fère, qu'il englobait jusque vers Bézu et Epieds. Le Tardenois rémois soissonnais représenté par les anciens doyennés de Bazoches et de Fère était séparé du Tardenois par une ligne qui longerait du Nord au Sud la rivière d'Ardre, le ruisseau d'Ovion, son tributaire, jusqu'au bois de Coulonges, laissant au Rémois Fismes, Courville, Mont, Arcy-le-Ponsart, Igny, Ville-en-Tardenois, prendrait le bois d'Ormont, traverserait la Semoigne vers sa source, et renfermerait Aiguisy, Anthenay, le Neuville-aux-Larris, Cuchery, Belval, Arthy et Damery.

LE SALTUS OU PAGUS BRIEGIUS

LA BRIE.

La Brie ne forma point une contrée administrative; ce ne fut jamais ni une cité, ni un diocèse, ni même à proprement parler un pagus dans le vrai sens du mot, mais une contrée naturelle qui devait son nom à la constitution géologique extérieure du sol. Elle ne figure ni dans les auteurs latins, ni même dans les missies, et si elle devint, au moyen-age, unv aste domaine avec la Champagne, ce domaine ne fut constitué que fort tard en comté féodal n'ayant aucun rapport avec les comtés des deux premières races. M. Bourquelot, dans son grand Mémoire sur les Foires de Champagne, dit que sur le territoire qui devint la Champagne habitèrent les Meldi, ainsi que les Remi, les Catalauni, les Lin

gones, les Senones, et que sur ce territoire figurent une foule de cités et de pagi tels que le Rémois, le Pertois, le Sénonais, etc., auxquels il ajoute la Erie, la Haute-Brie, la Basse-Brie ou Brie pouilleuse. Il nous semble que la Brie fut originairement une contrée entièrement distincte de la Champagne ayant sur sa surface ses peuplades et ses pagi propres. La Champagne, en effet, considérée au point de vue géologique et physique, s'étend, ajoute-t-il, sur un banc de craie; ses plaines immenses au sol aride, d'où vint le nom de Champagne pouilleuse, sauf sur les lisières de la province. Or, la Brie nous offre un aspect tout à fait différent.

C'était un territoire couvert de taillis, de bois et de forêts très-étendues, et peu pourvu d'habitants; aussi nous apparaît-elle d'abord sous la dénomination de sallus et assez rarement sous celle de pagus. Mais sur sa surface, à la suite de vastes déboisements, se formèrent de vrais pag politiques, comme il s'en forma, dans des conditions identiques, dans l'Ardenne, la Bresse, la Beauce, et, dans des conditions différentes, dans la Champagne et la Voivre, etc. Ainsi, dans la circonscription de la région physique de la Voivre, pour ne parler que de cette dernière, par rapprochement avec notre sujet, se formèrent les comitatus Virdunensis, Scarponensis, Castricensis et Evoduensis, cités par M. Houzé. Sur la vaste étendue de la Brie se découpèrent les pagi Otmensis, Bagensonisus, Meldensis, qu'on pourrait appeler la Brie soissonnaise, une partie des pagi Parisiacus, Milidunensis, et le Vastinensis (le Gastinais), etc.

Souvent les contrées naturelles ont survécu géographiquement aux contrées administratives ou véritables pagi et on les confond quelquefois, lorsqu'il s'agit d'y indiquer une localité quelconque ? Ainsi on écrivait indifféremment Resbacus in territorio Meldensi ou

intra Brigensem saltum (1); Dravernum in Brigeio (2) et Dravernum in Parisiaco (3); Linerole in pago Milidunensi, et Linerolæ in pago Brigio (4). A ces exemples, M. Houzé en ajoute d'autres dont il suffira de citer le suivant relatif au pays de Voivre. On disait Nugaretum in pago Valrense et Nugarelun in comitatu Scarponense (5).

L'étymologie de la Brie ne peut guère soulever de difficultés sérieuses. Brie, Braye, Brive sont des dénominations identiques et fort communes en France. Outre le pays de Brie, il y a le pays de Bray (pagus Braiensis) dans le Beauvaisis. On dit Brie ou Briecomte Robert, non loin de Corbeil, dans l'archidiaconné de Brie, du diocèse de Paris (Bria comitis Roberti). La Philipp de appelle même ce lieu Terra Brida comitis Roberti. Dans le pays de Braie il y a Houdansen-Bray, Ville-en-Bray, Pisseux-en-Bray, Tour-de-Bray Osem-Bray, etc. Dans le Senlisien, il y a le bourg de Bray, dans le Soissonnais Bray-sous-Clamecy, OultreBray (hameau d'Autrêches); dans le Laonnois on trouve Folembray, Bray-en-Laonnois. Ces mots Brie, Bray, viennent de Bria, Braïa, Braïum, expressions qui signifient boue, boueux, marécageux, et dont se rapprochent briva, briga, rivière, passage de rivière (6), Briva Isara (Pontoise, Pont sur-Oise) (7). Cette inter

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(3) Lebeuf, Hist. du dioc. de Paris, t. 12, p. 39.

(4) Guérard, « Polypt. d'Irminon, Mém des Antiq. de France, t. 3, p. 109.

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(5) Pardessus. t. 2, p 223 et D. Calmet, Hist. de Champ., 1. 2, col. 209.

(6) Givraye près de Fère-en-Tardenois, comme Gray près de Falaise (Wibraium) peuvent aussi venir de Braia.

(7) Hadriani Valesit, Notit. Gall. Art. Brie.

prétation est donnée clairement dans le Livre des Miracles de saint Bernard; » Castrum Braïum quod lutum interpretatur » (Brai-sur-Seine dans le Séno nais). Elle est confirmée par la Chronique de S. Pierrele-Vif à propos du même château: « Munitioncula... que Braiacus dicitur in locis palustribus. » Du temps de Monstrelet on disait encore « des eaux et sources moult brayeuses. » Du mot Braïa se rapprocherait encore, selon Adrien Valois, le germain bruch ou broc, brod, brud, qui a fait broces, broussailles, bois, forêts découpés en petits groupes.

Or, si on examine les lieux portant les noms de Brie, Bray, Brives, on verra que tous sont situés dans des endroits bas, fangeux, près de cours d'eaux, ou qui ont été autrefois, et sont même encore en partie aujourd'hui, couverts de forêts, de bois ou de broussailles. C'est sous cet aspect et avec cette physionomie que se présentent aux yeux de l'explorateur le pays de Bray et celui de la Brie qui se trouvent dans les mêmes conditions physiques. Le premier est un pays de grasses patures anciennement couvert, en partie, de bois dont il reste, près de Gournay, la forêt de Bray. Les plaines de la Brie, entrecoupées de vallées humides et composées de terres grasses sont aussi renommées pour leurs pâturages. Dans ces plaines, au bord des bois, au fond des vallées, au penchant des collines, sur les ruisseaux, on voit des villages, d'innombrables fermes, hameaux et maisons isolées, éparses çà et là. Les habitations bâties en moëllons recouverts de plâtre se détachent par leur blancheur sur la verdure des arbres. Telle est l'humidité du sol que, pour le faire produire, il faut l'entrecouper de sillons profonds entre lesquels on le relève en l'exhaussant pour l'exposer au soleil..

Des auteurs tels qu'Adrien Valois, D. Toussaint, Duplessis et Carlier restreignent et localisent outre

mesure l'étendue de la Brie primitive aussi bien que son étymologie. Selon le premier, ce pays a été, nonseulement plus petit qu'il ne le fut depuis, mais même il se distinguait du Meldicus et du Provinensis, dont les capitales Meaux et Provins en font partie aujourd'hui. Ce qui l'induit à faire cette distinction, c'est qu'il trouve dans le Gesta Dagoberti deux textes concernant une localité nommée Latiniacum donnée par ce prince à saint Denis et qui est placée par l'un, en Brie et l'autre en Mulcien (Latiniacum villam sitam in territorio Meldico. Latiniacum villam quæ sita est in Bricio,) dont il fait deux localités, quoiqu'elles lui soient inconnues. Latiniacum est Lagny, que l'on peut placer tantôt dans la Brie, tantôt dans le Mulcien qui en fait partie (1).

Duplessis attribue l'origine du nom de Brie à un ancien pont jeté sur le Grand-Morin, se fondant en cela sur l'expression briva, qui signifie un pont, un passage. Ce nom, dit-il, s'étendit d'abord à la contrée qui est entre cette rivière et l'Aubertin, et ce n'est que successivement qu'il gagna des portions des diocèses de Soissons, de Paris, de Sens, Meaux et Troyes, et dont plusieurs, tels que Soissons, Meaux et Paris eurent des archidiaconnés de Brie, et à mesure que les bois s'éclaircissaient. Carlier repousse avec raison ce système, mais pour retomber dans un autre qui n'est pas plus admissible. Il enlève l'origine du nom de Brie au pont du Petit-Morin pour l'attribuer au territoire de Nanteuil-le-Haudouin appelé dans les vieux écrits Nant en Brie et où se trouvent des noms de lieux qui ont brie pour base: Lagombrie, Boissy lès Gombrie, Fresnoy lès Gombrie, Peroy lès Gombrie. Les Nanteuils, ajoute le prieur d'Andresy, signifiaient aussi des lieux

(1) Hist. de Meaux, t. I, p. 638.

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