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Romains. Néanmoins, on a voulu apporter une autre preuve en faveur de la permanence de la subordination primitive des Suessions aux Rèmes, de ce que, lors de l'établissement du christianisme, les deux cités n'en faisaient qu'une.

On a oublié sans doute que l'Evangile prêché d'abord à Reims, mais sans succès, par saint Sixte et saint Sinice, ceux-ci durent se rendre à Soissons, dont ils fondèrent l'évêché, qu'ils retournèrent ensuite à Reims dont Sixte devint évêque métropolitain, tandis que Sinice restait évêque de Soissons, et qu'enfin, après la mort de Sixte, Sinice le remplaça après avoir mis Divitien sur le siége de Soissons, particularités qui indiquent toujours une séparation des deux cités et une indépendance réciproque. (1).

Cependant en recouvrant leur liberté, les Suessions éprouvèrent de grands changements dans la constitution de leur nouvelle cité, changements qui du reste furent la conséquence de l'organisation du gouvernement des Gaules. La Belgique est partagée en deux métropoles civiles, la Belgique 1re et la Belgique 2e; celle-là, séparée de celle-ci à l'Ouest par la Meuse, a Trèves pour chef-lieu métropolitain, et l'autre, Reims. Elles exercent leur suprématie administrative sur un certain nombre de cités dont les unes rappellent d'anciennes cités gauloises et dont les autres sont de nouvelle création. La Notitia Provinciarum en donne la nomenclature (2). La cité des Suessions occupe le premier rang après celle de Reims dans la 2o Belgique, mais elle est réduite et mutilée; elle s'est vu re

(1) Voyez les actes de saint Gervais dans les Bollandistes et les Annales du diocèse de Soissons, t. 1oг.

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(2) Provincia Belgica secunda (habet civitates) numéro x. Metropolis, civitas Remorum civitas Suessionum civitas Catuello dunum civitas Veromanduorum racensium civitas Turnacensium Bellovacorum

civitas Ambianensium - civitas Bononensium. »

civitas Atrebatum civitas Camecivitas Silvanectum civitas civitas Morinorum (Thérouane)

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tirer le Laonnois et la Thiérache, qui restent au Rémois, avec une portion du Tardenois, le Mulcien et le Senlisien qui forment deux cités, celui-ci avec un coin du Valois, et une partie du Noyonnais qui va grossir le Vermandois. Il ne lui restait donc plus de ses anciens pagi que le Suessionicus, l'Urcisus, l'Otmensis et le Bagensonibus dans la Brie, la majeure partie du Turdinisus, une portion du Vadisus et du Noviomensis.

L'ancienne capitale de la cité celtique, l'oppide de Noviodunum, garda son rang dans la cité galloromaine sous le nom d'Augusta Suessionum. Comment pourrait-on, en effet, trouver le nom celtique de celle-ci si elle n'était le Noviodunum de César? La ville et la cité conservèrent, sous la domination romaine, une partie de leur importance. Soissons, au ive siècle, possédait des fabriques d'armes, des palais, un théâtre, des bains et tout ce qui constituait le luxe et l'aisance dans cette phase de la civilisation, et fut le centre d'un réseau de voies romaines qui faisaient partie de voie solennelle conduisant de Rome à Gessioracum (Boulogne), et avaient sans doute succédé à d'antiques chemins gaulois.

Il serait aussi difficile de fixer les limites de la cité gallo-romaine que celles de la cité celtique des Suessions sa devancière, si le diocèse modelé sur la première ne les avait conservées par les siennes. D'après ce principe dès longtemps admis et renouvelé par la critique moderne, que les diocèses représentent à peu près ces cités, donner les limites de ceux-ci telles qu'elles existaient avant la Révolution, c'est donner les limites des cités gallo-romaines (1). Or, voici

(1) « Essai sur le système des divisions territoriales de la Gaule, par Guérard.

d'abord qu'elle était alors la situation topographique du diocèse de Soissons.

Ce diocèse, le plus éminent parmi tous ceux de la province, formant la partie sud-ouest de la 2e Belgique, était limité à l'Est par le diocèse de Reims ; au Sud-Est par le diocèse de Châlons; au Nord-Est par celui de Laon. Il confinait au Nord-Ouest à celui de Noyon, et vers l'Ouest à ceux de Senlis et de Beauvais. Ces diocèses entraient avec lui dans la circonscription de la province romaine, puis ecclésiastique de la métropole. Reims devint la résidence d'un préfet romain et dans la suite d'un évêque métropolitain (1). Vers sa partie méridionale il touchait au diocèse de Meaux, suffragant de Sens, puis de Paris au xvii siècle, et, dans sa partie Sud-Est, à celui de Troyes dépendant aussi de la métropole de Sens (2).

Quant à la ligne de démarcation indiquée par les meilleures cartes générales et locales on peut la conduire ainsi Au Nord elle suit la petite rivière d'Ailette (Lette ou Delette, Aquila, Læta, Delelta) jusqu'à son confluent avec l'Oise, prenant Pargny, Filain, Chavignon, Guny et Pont-Saint-Mard; elle descend sur la rive gauche de l'Oise depuis ce confluent jusqu'à Rhuis, près de Verberie, et sauf un petit canton de l'ancien Noyonnais qui dépasse la rivière. De Rhuys, qu'elle comprend, elle va rejoindre la vallée de l'Autonne (Altonna, Autumna), la suit, descend un peu au Sud, vers Dormoy-le-Davien, qu'elle comprend aussi, gagne l'Ourcq au ruisseau d'Alland et la traverse audessous de la Ferté-Milon; à l'Est, suit le Clignon jusqu'au nord de Gandelu, descend vers la Marne à Nanteuil, laisse à droite Bussiares et Bertron, gagne, près

(1) Inter istas gentes Rhemi nobilissimi et eorum urbs primaria Durocortora maxime incolitur et romanorum præfectis hospitium præbet (Strabon, 1. 4, p. 29, «Histor. des Gaules, »t. 1°)

(2) Desnoyers, Annuaire, de 1859, p. 171.

de Sablonnières, le Petit-Morin (Mora), qu'elle suit jusqu'au sud de Montmirail, et prenant ensuite le pays d'entre cette rivière et celle de Marne, elle laisse en dehors Fromentières et Montmaur, renferme LucySainte-Colombe, Damery, où elle passe la Marne, et, remontant vers le Nord-Est, va prendre Belval,

Aiguisy, Vezilly, Coulonge, Cohan, Dravegny, ChéryChartreuve, le Mont-Saint-Martin, Villesavoye, et, longeant à peu près l'Ardre (Arida) jusque près de Fimes, elle passe la Vesle (Vidula, Vetula), puis l'Aisne à Pontarcy, laissant Glenne et Merval, passe entre Ostel et Braye en Laonnois, où une borne séparait les deux diocèses de Laon et de Soissons et vient rejoindre son point de départ à Pargny et Filain (1). Le diocèse actuel de Soissons, modelé sur le département de l'Aisne, dont il comprend l'enclave, perdit une partie du Tardenois, des pagi de la Brie, reconquit tout le Laonnois et la Thiérache et une partie considérable du Vermandois. Il semble représenter en quelque sorte la vaste étendue de la cité celtique des Suessions.

III

LA CITÉ MÉROVINGIENNE ET CARLOVINGIENNE DES SUESSIONS.

Il y a peu de chose à ajouter ici à ce que nous avons dit en traitant des cités et pagi mérovingiens et carlovingiens en général, d'autant plus que chacun d'eux

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(1) Cartes de l'ancien diocèse de Soissons; Etat du diocèse, par Houllier, «Gall. Christ. », carte de la métropole de Reims. Civitas Suessionum, par S. Prioux.

sera l'objet d'une étude particulière. Lorsque les barbares se ruèrent sur la Gaule, la confusion y devint extrême, et ensuite lorsqu'ils s'y établirent, ils resserrèrent de plus en plus le dernier lambeau de territoire qu'y possédaient les Romains et qui fut enfin réduit à peu près à la cité de Soissons. Ægidius et son fils Siagrius, comtes de la 2o Belgique, y établirent leur résidence et ce dernier fit même de Soissons la capitale de ses Etats. Clovis ayant remporté sur lui une célèbre victoire, s'empara du pouvoir et à son tour, établit à Soissons, où était expirée la domination des derniers empereurs romains dans les Gaules, le siége de son empire. Cette ville conserva encore longtemps le titre de capitale dans les divers partages que firent les rois mérovingiens des conquêtes de Clovis. Mais la cité galloromaine des Suessions disparut avec toutes les autres cités de la Gaule, après l'invasion des barbares et l'installation définitive des Francs sur son territoire.

LES PAGI DE LA CITÉ CELTIQUE,
GALLO-ROMAINE ET MÉROVINGIENNE
DES SUESSIONS.

Ayant attribué à la cité celtique des Suessions une étendue beaucoup plus grande que celle de la cité gallo-romaine et mérovingienne représentée par l'ancien diocèse de Soissons, il importe d'autant plus de consacrer un article spécial à chacun des pagi de son enclave, que celle-ci en a conservé quelques-uns en entier et des portions de plusieurs autres. Dans l'ordre que nous allons leur assigner, nous n'avons eu en vue aucune idée de prééminence, nous avons seulement cherché à rapprocher l'un de l'autre ceux qui avaient,

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